La liturgie dans le renouveau charismatique catholique


Pour bien situer le sens et l’importance du renouveau charismatique, il faut se reporter à cinquante ans en arrière. En effet, le renouveau biblique du début du siècle a grandement favorisé la connaissance et la compréhension de l’Écriture, non seulement chez les spécialistes en la matière, mais également dans le grand public. Les prises de conscience qui en ont résulté, ont largement contribué à des prises de position énergiques sur le plan de l’engagement chrétien personnel et communautaire. D’autre part, le renouveau liturgique, si brillamment amorcé à la fin du siècle dernier, a connu grâce au concile une véritable mise à jour et une application universelle qui a touché le cœur de la multitude. C’est dans cette ligne d’évolution du double renouveau biblique et liturgique que s’insère le phénomène maintenant connu sous le nom de “renouveau charismatique”.

Sous l’action de l’Esprit saint, les chrétiens cherchent à vivre et à exprimer leur foi d’une façon authentique en exigeant toutefois une grande liberté que les normes rituelles peuvent difficilement contenir. De plus, il faut bien comprendre que le renouveau charismatique n’est pas un épiphénomène pas plus qu’une expérience parareligieuse étrangère à l’ensemble de la vie chrétienne. Bien au contraire, c’est un retour vers le centre, une revitalisation, par le dedans, de la foi personnelle et communautaire, grâce à un ressourcement au dynamisme même de l’Église primitive.
Pendant cinq ans (le concile), le peuple de Dieu a supplié le Seigneur de “renouveler en notre temps les merveilles de la pentecôte”. Le Seigneur l’a exaucé bien au-delà de ce que tous pouvaient demander ou concevoir. Il nous reste maintenant à savoir quoi faire de ses trésors redécouverts et quel impact cette redécouverte doit produire sur l’ensemble de la vie liturgique de l’Église.
Deux questions se posent: I. Quels sont les éléments nouveaux que le renouveau charismatique peut apporter à la célébration liturgique? II. Pourquoi et comment ces éléments devraient-ils y être introduits?
I. Quels sont les éléments nouveaux que le renouveau charismatique peut apporter à la célébration liturgique?
Pour répondre adéquatement à cette question, il faut distinguer trois lieux essentiels:
1. La célébration liturgique de la messe;
2. La célébration liturgique de l’office divin;
3. La célébration liturgique des autres sacrements.
1. La célébration liturgique de la messe
Il faut d’abord se réjouir du fait que le concile Vatican II a revu d’une façon radicale le déroulement de la célébration eucharistique. Il a prévu des possibilités nouvelles de participation active, des choix plus variés de textes et la proposition concrète de quatre prières eucharistiques. Comme question de fait, le renouveau charismatique ne propose pas de modifier de quelque façon le cadre général de la célébration liturgique telle que régie par les normes et les rites approuvés. C’est plutôt en utilisant au maximum toutes les ressources de la liturgie que le renouveau charismatique permet de faire de chaque messe une expérience merveilleuse de rencontre avec le Seigneur, laissant à l’Esprit saint toute la place et le temps de se manifester selon son bon vouloir. Après tout, l’Esprit saint n’est-il pas l’âme de l’Église? Pour illustrer cet énoncé, permettez-moi de vous donner quelques exemples concrets.
Rite d’ouverture En règle générale, la messe est précédée par une période d’adoration et de louange communautaire dont la durée peut varier de vingt à quarante minutes. C’est seulement après cette prise de conscience de la grandeur, de la majesté et de la sainteté de Dieu que le rite pénitentiel produit vraiment son maximum d’impact car, ce que signifie notre condition de pécheur et l’horreur du péché ressortent alors plus clairement. Il est assez fréquent même que les participants fassent spontanément des aveux publics de leurs misères et demandent pardon à la communauté d’avoir retardé ou compromis son avancement spirituel. Au lieu d’expédier ce rite pénitentiel “en deux temps, trois mouvements”, c’est une véritable expérience de conversion que l’on constate chez les fidèles. Dès lors, les invocations: “Seigneur, prends pitié! O Christ, prends pitié! Seigneur, prends pitié!” sont chantées avec des accents de sincérité et une résonnance d’authenticité qu’on n’avait pas connue auparavant.
Confiant dans le pardon du Seigneur, l’assemblée éclate spontanément en un Gloria expressif qui témoigne concrètement que la libération pascale n’est pas une théorie mais un fait expérimental. Après ce premier sommet de joyeuse exaltation, le peuple se recueille dans un silence bienfaisant et le président de la communauté interprète vraiment, au nom de l’assemblée, la prière d’ouverture. Il arrivera souvent, par exemple, que le président élabore brièvement ou explicitement tel ou tel aspect de cette prière prévue à la messe du jour. Quand l’assemblée répond “amen”, elle sanctionne et appuie pleinement la prière du président. Il n’est pas rare que quelques “alléluias” de joie viennent ponctuer l’assentiment de la communauté aux demandes exprimées par celui qui préside.
Parole de Dieu Le climat est maintenant mûr pour accueillir la Parole de Dieu dans un silence de respect et un accueil cordial. J’ai constaté depuis cinq ans que les textes du lectionnaire collent à la réalité d’une façon étonnante sans qu’on ait besoin de chercher à gauche et à droite d’autres textes – profanes ou sacrés - qu’on peut estimer plus substantiels. N’oublions jamais que c’est l’Esprit saint qui a inspiré ces textes et qui fournira l’éclairage voulu pour voir leur incidence et leur application dans le vécu de la célébration. Je ne veux pas dire, pour autant, qu’on ne doive pas, a l’occasion, sélectionner d’autres textes, mais en règle générale, ce n’est pas nécessaire, car la richesse des textes prévus répond amplement aux besoins spirituels de l’assemblée. Il arrive assez souvent Mais il s’ensuit un nouveau besoin d’éclatement joyeux, et spontanément l’assemblée se met à chanter. Quel que soit le style de messe, le psaume de méditation est accompagné d’un chant d’un “alléluia” très rythmé, et de battements de mains pour signifier la joie intérieure produite par la proclamation de la Parole.
L’assemblée occupe vraiment le centre de cette liturgie de la Parole et c’est pourquoi il n’est pas rare que la proclamation de l’évangile soit introduite par des rites différents: une triple acclamation sur trois tons successifs d’un verset d’écriture tel que “Je crois Seigneur tu es source de vie”, ou encore “Gloire au Christ, lumière éternelle du Dieu vivant”. Il arrive même quelquefois qu’une assemblée de plusieurs milliers ait offert une ovation retentissante à Jésus, Verbe de vie, dont les paroles allaient être proclamées. Quelles que soient les manifestations, elles sont toujours spontanées et sincères. La proclamation solennelle de l’évangile exige toujours une homélie dont le but est d’édifier la foi de l’assemblée et de lui faire gouter et savourer le mystère du Dieu vivant, suscitant ainsi sa réponse à l’interpellation de la liturgie. En principe, il ne s’agit pas d’un simple commentaire d’évangile, mais bien d’une synthèse de tout le message contenu dans la liturgie afin de découvrir communautairement quelle est la grâce du jour dont le Seigneur veut combler son peuple dans cet événement. Pour en découvrir le sens général, le message de l’épitre et de l’évangile est compris et expliqué dans l’axe fondamental tracé par l’antienne d’ouverture et l’antienne de communion. Les trois oraisons servent à cerner de plus près quelles sont les demandes précises qu’il convient de faire pour entrer plus avant dans le vécu du message de la Parole et la conclusion consiste en une invitation à un engagement toujours plus fort, toujours plus vrai, toujours plus authentique à l’endroit du Christ et de sa Parole. Au fond, c’est l’éducation de la foi que l’on vise en acheminant le chrétien vers la maturité adulte, audacieuse et joyeuse dans la mise en œuvre du projet universel du salut: l’évangélisation de monde. Est-il donc étonnant que le credo de l’assemblée prenne alors des accents plus justes et aide activement les fidèles à passer à l’action?
Il ne faudrait pas croire que ma description rend compte de toute la réalité. Bien au contraire, je n’ai parlé ici ni des messages inspirés, ni des messages en langues, ni des prophéties, ni des interprétations, ni des paroles e sagesse, ni des paroles de science que l’assemblée intercale souvent au cours même de la prédication ou durant la pause de silence qui suit l’homélie. Chacun de ces points exigerait une description spécifique que ne permet pas le cadre de cet article.
Prière des fidèles C’est au moment de la prière des fidèles que sont formulées les demandes explicites de l’assemblée. Plusieurs se contentent de transmettre ces demandes par écrit, d’autres formulent oralement leurs requêtes, d’autres enfin, les plus handicapés, sont assis dans le sanctuaire, face aux fidèles, et leur seule présence physique est une imploration au Seigneur. C’est le président qui résume en quelque sorte les diverses demandes en s’adressant à Dieu le Père avec la certitude de foi qu’elles sont toutes exaucées puisque ces demandes sont faites au nom puissant et efficace de Jésus Christ.
Offrande Le rituel de l’offrande suit le déroulement prévu par les normes liturgiques, mais les chants qui l’accompagnent sont à la fois bien choisis et exécutés avec enthousiasme, car chacun a la plus vive conscience que c’est sa propre personne qu’il offre à Dieu en sacrifice de louange.
Récit de l’institution Après de récit de l’institution - la consécration - un silence profond enveloppe l’assemblée dans un acte d’adoration qui se prolonge une minute ou deux, puis, spontanément c’est un chant en langues qui s’élève vers le ciel. Ce chant commence par un simple murmure à mi-voix et s’amplifie dans un crescendo très harmonieux ou chacun chante sa propre mélodie dans une langue distincte, le tout exécuté en accords parfaits pour ensuite s’atténuer progressivement en un murmure de contemplation, et s’arrêter en même temps sans aucun signal du président de l’assemblée. C’est ce qu’on appelle “chanter dans l’Esprit” - ces cantiques spirituels et inspirés dont nous parle saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens.
Acclamation L’acclamation eucharistique prend un relief jusqu’alors insoupçonné et l’assemblée est profondément consciente de la dimension prophétique du dernier verset : « Nous attendons sa venue dans la gloire », qui renvoie spécifiquement à l’éclatante parousie du Seigneur, Jésus Christ. A la conclusion de la prière eucharistique, c’est par des « amen » et des « alléluias » que l’assemblée démontre son assentiment libre et joyeux a la proclamation « Par lui, avec lui et en lui, a toi, Dieu le Père Tout-Puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles ».
Notre Père Le « Notre Père » fournit l’occasion de manifester visiblement les liens qi nous unissent dans le corps mystique dont le Christ est la tête, par le geste très simple des mains reliées en chaine lors du chant de cette prière que Jésus lui-même nous a enseignées. Beaucoup de participants font la remarque que ce geste fraternel les conduit fréquemment à poser des actes concrets de réconciliation. Cela dispose admirablement au baiser de paix qui suit de près ce moment liturgique. Le baiser de paix ne consiste pas en une simple poignée de main presque indifférente, mais en des accolades sincères et vraies, conformes au précepte de Paul : « Embrassez-vous les uns les autres d’un chaste et saint baiser » (1 Th 5,26).
Communion Le moment est venu enfin de communier au corps et au sang du Christ, et toutes les fois que c’est physiquement possible nous offrons la communion sous les deux espèces. Notre expérience, depuis cinq ans, nous autorise à dire que c’est lors de la communion que commencent la plupart des guérisons, des délivrances, des conversions et des réconciliations qui seront mises en évidence durant le ministère charismatique après la messe. Le contexte de la communion exige des chants appropriés pour intérioriser le plus possible cet événement majeur de la rencontre personnelle de l’homme avec son Dieu et son sauveur. Généralement, un silence prolongé suit la communion, après quoi les participants formulent spontanément leurs actions de grâce, le tout culmine par un nouveau jaillissement de chants en langues dont l’interprétation alimente souvent une prophétie, une parole de sagesse ou une parole de sciences qui rejoindra vraiment en profondeur toute l’assemblée.
Le ministère charismatique On peut détailler comme suit l’objet et la nature de ce ministère particulier exercé dans la puissance de l’Esprit saint:
1. Prière pour l’effusion de l’Esprit (avec ou sans imposition des mains).
2. Prière pour les guérisons physiques, suivie d’un témoignage concret par les personnes touchées par la puissance de Dieu.
3. Prière pour les guérisons du cœur, de l’âme et de l’esprit et délivrances de toutes sortes (alcooliques, narcomanes, obsédés sexuels et autres, etc.).
4. Prière pour les couples en difficultés (réconciliation, compréhension et pardon).
5. Prière pour les jeunes qui sont toujours très nombreux dans les rencontres de prières.
6. Prière pour ceux qui souffrent de leur solitude (veuves, célibataires, séparés, divorcés, etc.)
7. Toutes autres prières exigées par les besoins spécifiques de telle ou telle situation de vie exprimée par les membres de l’assemblée.
Bénédiction finale La bénédiction par tous les prêtres présents et le renvoi avec les voeux de paix et de joie que seul le Christ peut donner, terminent la célébration. Il est évident qu’une telle célébration eucharistique ne peut se faire en trente-cinq ou quarante minutes, mais, si étrange que cela puisse sembler, après trois heures, les participants refusent de se disperser et fraternisent encore une demi-heure ou trois-quarts d’heure soit en des petits groupes de prière, soit auteur d’une collation, soit dans un échange d’impressions ou règne une note caractéristique: l’émerveillement devant la gloire manifeste de Dieu dont on a été témoin et dont on se fera le messager dans les jours qui vont suivre. Bien que ces réunions se tiennent à Granby le lundi soir, il n’y a jamais moins de 900 personnes et parfois l’assistance s’élève à douze cents, voire à quelques milliers en des circonstances plus solennelles. Il est plus étrange encore qu’on vienne et revienne malgré le manque d’espace, la chaleur intense et l’incommodité de passer trois heures debout dans une foule aussi dense. Certes, ce n’est pas là l’œuvre des hommes mais uniquement de la puissance de Dieu.
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Le renouveau charismatique a déjà commencé de transformer le climat de la célébration liturgique de l’eucharistie. Sans toucher à la structure ni au texte lui-même, la célébration charismatique assure un climat et un contexte renouvelé ou la messe prend un relief considérable, une signification en profondeur! L’assemblée chrétienne s’adonne joyeusement à une véritable “célébration de gloire” dans laquelle les signes et les merveilles du Seigneur attestent sa présence au milieu des siens.
A un moment aussi critique de notre évolution historique, le renouveau charismatique parait être la source d’une nouvelle espérance, car Dieu rassemble son peuple dans la puissance du Saint-Esprit afin que toute langue proclame: “Jésus Christ est Seigneur a la gloire de Dieu le Père” (Ph 2,11).
célébration liturgique de l’office divin C’est après quinze ans de sacerdoce et vingt-deux ans de vie religieuse que j’ai découvert et compris le vrai sens de l’office divin. Comme elle est vraie cette parole de sagesse qui affirme que “le chemin le plus long à parcourir est celui qui va de la tête au cœur”. En effet, j’ai toujours été fidèle à réciter mon bréviaire quotidiennement et généralement j’assistais à l’office au chœur. Mais, je dois affirmer que cette lecture quotidienne des psaumes ne nourrissait pas ma spiritualité et ne se situait pas dans une relation vivante et vécue avec la célébration de la sainte messe.
De façon pratique, la récitation d’une heure canoniale dont la durée pouvait être d’environ quinze minutes était suivie, matin et soir, par une demi-heure d’oraison silencieuse. Que cette récitation soit privée ou communautaire, c’était le régime que je suivais à l’époque. Lorsque j’ai commencé à prêcher des retraites aux prêtres, aux religieux et religieuses, j’ai vite compris qu’il fallait songer à une autre méthode de récitation pour revigorer l’amour et la pratique de l’office divin. Par ailleurs, il ne fallait pas que cet exercice dépasse quarante-cinq minutes. C’est alors que j’ai songé à la récitation de l’office médité et au partage communautaire de prières spontanées directement inspirées des psaumes.
Le fait observé Très rapidement, j’ai compris, pour moi-même, et j’ai constaté chez les autres l’enrichissement prodigieux de la vie spirituelle grâce au ressourcement biblique opéré par la méditation des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels. L’office enfin devenait vivant et contribuait à mettre en évidence “la grâce du jour” déjà exprimée dans la liturgie de la messe. Des liens de plus en plus profonds se tissaient entre l’office et la messe, le premier préparant admirablement la seconde et la seconde prolongeant admirablement le premier. C’est alors que je me suis inséré de plus en plus dans une nouvelle dynamique spirituelle résultant de l’interaction de ces deux pôles de ma vie quotidienne et me permettant d’exercer intégralement dans un climat de foi favorable mon ministère de prédication.
La méthode Au fond, la méthode est fort simple et point n’est besoin d’être grand clerc en Israël pour en comprendre le fonctionnement. Chaque hymne, chaque psaume, chaque cantique et chaque extrait de la Parole de Dieu est suivi d’un silence plus ou moins long qui vise à intérioriser un ou deux versets du passage récité. Ces paroles inspirées sont goutées et savourées par le cœur et l’esprit et donnent naissance à une prière spontanée d’adoration, de louange, d'action de grâce ou de demande. Les divers participants offrent à leur tour une prière spontanée nourrie aux mêmes sources selon les mots ou les versets qui les ont frappés. Ainsi, en se mettant à l’écoute les uns des autres, nous finissons par découvrir communautairement la richesse substantielle de chaque passage récité.
Il arrive très souvent que les silences méditatifs sont ponctués par des messages en langues, suivis d’interprétations ou encore des prophéties viennent préciser les grâces particulières que le Seigneur veut bien nous offrir au cours de cet office, Parfois, c’est un cantique inspiré qui vient enrichir par ses harmonies et son enseignement la communauté priante. Il n’est pas rare, non plus, qu’un chant en langues unisse toute la communauté sous le même souffle de l’Esprit.
Au sein de cette démarche communautaire, il arrive souvent que la prière de l’un réponde au besoin de l’autre ou que la communauté supporte la souffrance et la peine des uns, la joie et la consolation des autres. De temps à autre, une parole de sagesse apporte un appoint précieux a la réflexion du groupe et même une parole de science qui annonce que tel ou tel participant est en train de recevoir une guérison, une délivrance, une révélation ou une prophétie. De temps à autre, le texte de la Parole de Dieu est l’origine d’un enseignement inspiré ou d’une exhortation spirituelle en rapport avec l’Alliance. A d’autres moments, c’est un silence complet d’adoration intime, riche de la présence de Dieu, qui devient presque palpable tant cette présence est forte.
C’est dans la plus grande liberté que les participants interviennent, soit pour entonner un chant, soit pour expliciter un enseignement, soit pour remercier le Seigneur d’une prophétie ou d’un message interprété. Ce qui importe par-dessus tout c’est que l’office se déroule avec ordre et décence dans le plus grand respect des autres et dans l’accueil joyeux de ce que chacun peut offrir. Il va sans dire que l’office ainsi récité et médité ne risque jamais de devenir ennuyant ou face. Tous demeurent en éveil parce qu’ils sont constamment interpellés, voire dérangés, par l’action souveraine de l’Esprit qui se manifeste par les charismes. De l’aveu de tous les participants le plus grand profit spirituel résulte de cette prise de conscience que la communauté unifiée dans l’Esprit s’édifie dans la charité.
Les fruits spirituels L’évangile nous dit clairement de juger l’arbre a ses fruits et c’est pourquoi je voudrais brièvement mettre en évidence quelques un des fruits constatés au cours de diverses expériences d’office divin vécues depuis trois ans.
1- Une communauté qui se bâtit dans la prière:
Chaque retraite représente le même problème: des gens qui ne se connaissent pas et qui se trouvent juxtaposés les uns aux autres pour vivre une expérience spirituelle. Assez souvent, ces personnes viennent de milieux différents, elles sont de cultures et de cheminements spirituels fort variés. Durant les deux premiers jours, chacun est encore timide et n’ose pas se compromettre devant les autres dans un effort de communion individuelle avec Dieu. Au fur et à mesure que l’expérience de prière se développe, voici que la communauté se forme, que les liens s’approfondissent et qu’une unité se dessine jusqu’à l’évolution définitive d’une unité organique ou la contribution de chacun sert à édifier le tout. Après quatre ou cinq jours, la présence des autres devient indispensable à la prière et on ne se sent bien qu’en priant ensemble puisque le Seigneur passe par l’autre pour rejoindre chacun. Voilà ce qu’on appelle l’émergence de la communauté de foi dans les doux liens de l’Esprit.
2-Complémentarité des charismes: Il est fascinant de voir se concrétiser sous nos yeux l’exactitude de ce Paul écrivait aux Corinthiens: “A l’un est donnée une parole de sagesse, a l’autre une parole de science, a un autre la prophétie, a un autre le discernement des esprits, a un autre le don des langues, a un autre, le donc de l’interprétation selon le même Esprit”. C’est exactement ce qui se vérifie dans l’office divin récité selon le mode charismatique. Et je constate souvent que l’Esprit saint manifeste un sens de l’humour qui a parfois quelque chose de cocasse. Il n’est pas rare que ce soit celui dont on s’y attendait le moins qui profère soudain une prophétie étonnante. Le groupe en est d’abord surpris, puis admire profondément celui qui a eu la simplicité et l'audace de livrer cette prophétie. Le sujet s’en trouve alors singulièrement valorisé au sein du groupe. Il arrive encore que deux personnes ayant vécu quelques malentendus ou quelques conflits durant la journée précédente se trouvent maintenant liées dans une expérience charismatique ou le premier reçoit un message en langues et le second l’interprétation. Quel drôle de moyen d’opérer des réconciliations par l’action directe de l’Esprit! Puis, c’est un troisième qui demande à la communauté priante d’intercéder pour sa guérison, et voici que quatre ou cinq personnes s’offrent à lui imposer les mains. C’est la complémentarité des charismes qui fait croitre la communauté dans l’Agape: “Le pied ne peut dire à l’œil, je n’ai pas besoin de toi, ni la main dire à la bouche, je n’ai pas besoin de toi”. Très rapidement, chacun a besoin des autres pour recevoir la plénitude des grâces voulues par le Seigneur pour toute la communauté de foi: “Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum!”
3-Joie spirituelle: Dans la mesure même ou l’action de Dieu rapproche les membres de la communauté et révèle, tantôt par l’un tantôt par l’autre, ses divers messages d'amour, une explosion de joie se constate au sein du groupe et tend à s’intensifier jusqu’à la fin de la retraite. Les uns pleurent de joie parce qu’ils reçoivent enfin une paix qui dépasse tout entendement, une libération depuis longtemps attendue ou une guérison qu’on n’attendait plus. Les autres pleurent de tendresse ou d’amour parce qu’ils viennent de gouter et de savourer pour la première fois l’amour personnel que Dieu leur porte et vient tout juste de leur révéler. D’autres encore peuvent à peine retenir un rire contagieux parce qu’ils viennent d’être soulagés d’un poids énorme soit dans leur cœur, soit dans leur esprit. La tristesse s’envole pour faire place à la joie. Ce curieux mélange d’eau jaillissante et de soleil riant dessine dans l’atmosphère des arcs-en-ciel radieux: “Vers toi, terre promise, le peuple de Dieu tend les bras...”
C’est l’alliance vécue existentiellement, c’est un peuple de ressuscités qui rayonne de joie pascale, c’est un peuple de sauvés qui sait se réjouir du salut, et je n’ai pas encore mentionné ces bonnes bouffées de rire frais lorsqu'un message ou une prophétie tombe pile pour réjouir le cœur des croyants. Oh qu’il tarde au cœur de Dieu de voir cette joie spirituelle couler comme un fleuve dans tous les cloitres du mode!
4-L'agape communautairement vécue: Entre l’arrivée et le départ des retraitants, il se dessine une courbe ascensionnelle qui va de la pieuse indifférence a l’amitié spirituelle. Au début, la plupart sont figés, refermés sur eux-mêmes, désireux d’entretenir une relation intime et personnelle avec Dieu. La communauté n’existe pas encore. Mais l’action de l’Esprit commence à faire fondre les neiges, les frimas et les glaciers. De cette fonte graduelle coule un tout petit ruisseau qui ira s’élargissant jusqu’à former un fleuve d’authentique fraternité dans l’unité de l’Esprit. Chacun devenant conscient de la prière des autres sort des frontières étroites de son “moi”. Il s’ouvre petit à petit au “toi” douloureux de l’autre et il se forme un premier “nous” de partage. Jour après jour, le “nous” se développe et, dans la prière, le “nous” grandit à la dimension d’un “nous” global qui se nomme communauté. Les relations interpersonnelles passent insensiblement de la “philia” a “l’agape” sous la mouvance discrète de l’Esprit saint. Finalement, chacun porte la communauté dans sa prière et la communauté porte chacun dans la sienne. Comment ne pas s’aimer comme des frères quand de l’un on a reçu un message spirituel, de l’autre une prophétie, d’un troisième une guérison, d’un quatrième une délivrance, d’un cinquième une parole de sagesse et d’un sixième une parole de science. Ce type d’unité dépasse tout ce que la psychologie et la dynamique de groupe peuvent produire de mieux. Tous se mettent à vivre exactement ce que Jésus disait: “Aimez-vous les uns les autres comme moi-même je vous ai aimés”. Les frustrations cèdent le pas aux consolations, les tensions aux détentes, les conflits aux réconciliations, les complexes aux délivrances. Comme il est bon de vivre sous le regard aimant d’un Dieu qui se nomme “agape”. Le plus étrange c’est que les mêmes personnes qui s’ignoraient mutuellement le dimanche soir éprouvent un vrai déchirement de se quitter le samedi suivant. “O admirabile commercium”...” Voilà brièvement ce qui se produit quand l’office divin est rénové par les charismes de l’Esprit en moins d’une semaine. Imaginez la révolution communautaire qui résulterait de l’office divin célébré ainsi tout au cours d’une année!
L’expérience bénédictine de Pecos (Nouveau-Mexique) L’expérience des moine bénédictins de Pecos illustre bien ce que peut produire une liturgie vivante dans une communauté chrétienne élargie. Ce monastère fut construit a la demande explicite de son exc. Mgr Davis a la condition expresse que huit moines charismatiques en assurent le fonctionnement pastoral. En moins de trois ans, ce monastère devint un des hauts lieux du renouveau charismatique américain presqu’uniquement en raison de la qualité des offices religieux qu’on y célèbre. A l’époque, il n’y avait pas encore de retraites prêchées, mais le public n’a pas tardé à affluer de toutes parts parce que l’Esprit de Dieu touchait les assistants uniquement par la récitation de l’office et la célébration de la messe. Dès le début, des manifestations étonnantes ont commencé à toucher le cœur de ceux qui fréquentaient la chapelle durant les offices. Certains furent guéris spontanément sans impositions des mains. D’autres furent convertis par l’onction spirituelle du chant liturgique et de la charité fraternelle des moines entre eux. Puis ce furent les prophéties qui s’adressaient, bien sûr, aux membres de la communauté, mais qui répondaient en même temps aux besoins d’un pèlerin de passage. Les foules commencèrent à devenir plus denses; Ce fut alors le clergé diocésain qui se pressa au monastère pour se confesser et pour vivre quelques heures dans le climat vivifiant de l’église abbatiale. Finalement, ce sont des centaines de jeunes qui sont accourus à l’Abbaye Notre-Dame-de-la-Guadeloupe. Vivant sous la tente ou à la belle étoile pour gouter la joie de vivre dans la présence de Dieu manifestée dans la puissance du Saint-Esprit.
En moins de cinq ans, un apostolat se dessinait auprès des couples et que de réconciliations ont été vécues grâce au ministère discret des moines tout occupées à chanter les louanges de l’Éternel! Le clergé tout entier a fini par demander des retraites sacerdotales et, de fil en aiguille, les retraites se sont multipliées aussi bien dans les cadres du monastère qu’a la grandeur des États-Unis. Je tiens à dire que le ministère principal des moines n’est pas la prédication, bien que celle-ci occupe une place plus importante qu’au début. Non, c’est bien par l’office divin et la liturgie de la messe célébrée l’un et l’autre dans la puissance charismatique de l’Esprit que les cœurs sont touchés, les vies sont changées, les hommes réconciliés et les obsédés délivrés. C’est par la redécouverte de la vie charismatique que cette fondation bénédictine continue la mission messianique de Jésus auprès de ceux qui souffrent ou qui pleurent, et qu’elle renoue ces liens vitaux avec ses origines lointaines, multiséculaires.
Quand on ose laisser libre cours à la puissance de l’Esprit, les signes et les merveilles se multiplient pour attester au peuple de Dieu que Jésus Christ, le ressuscité, est toujours vivant et vrai, le même aujourd’hui qu’hier et à jamais. Plaise à Dieu que tous les monastères, toutes les communautés retournent ainsi à ces sources pour que le peuple de Dieu soit réjoui et pacifié par les torrents d’eau vive qui coulent déjà du côté du Temple. Rien d’étonnant qu’une telle présence d’Église ranime, revigore et vivifie non seulement un diocèse mais un pays tout entier. Quand donc le Canada aura-t-il son Pecos bien-aimé?
célébration liturgique des autres sacrements
Après avoir traité de la célébration liturgique de la messe et celle de l’office divin, il est opportun de dire un mot de la célébration liturgique des autres sacrements en relation avec les enrichissements suggérés par le renouveau charismatique. De toute évidence il est impossible de traiter de tous les sacrements dans le cadre de cet article. C’est pourquoi je me limiterai seulement à trois d’entre eux :
A- Le sacrement de pénitence;
B- Le sacrement des malades;
C- Le sacrement de confirmation.
Le sacrement de pénitence Dans le cadre du renouveau charismatique, ce sacrement a connu un renouvellement pratique très encourageant. On sait déjà combien ce sacrement est désaffecté, surtout dans son usage privé. La tendance actuelle est vers la célébration communautaire pas toujours très bien comprise ni même bien exercée dans divers milieux. Je ne veux pas insinuer par la que je m’oppose à la pratique de la liturgie pénitentielle communautaire puisque cette forme fait prendre conscience de la dimension ecclésiale du péché. Cependant, il me semble très dangereux que cette pratique, louable en soi, se substitue à la confession privée.
L’expérience de plusieurs prêtres engagés dans le renouveau charismatique confirme, au contraire, l’urgence pastorale de la confession individuelle. C’est dans le cadre de cette relation interpersonnelle et intime que le sacrement a le plus de chance d’être exercé avec le maximum d’efficacité et de fruits spirituels.
Je voudrais mettre en évidence cinq aspects de ce ministère pastoral qui exige de par sa nature même un entretien privé avec le pénitent.
1-Le discernement spirituel. Il faut accorder au pénitent le temps et le climat de confiance mutuelle pour favoriser l’ouverture du cœur et le récit circonstancié de ses divers problèmes. Durant cet entretien, l’Esprit saint est à l’œuvre aussi bien chez le pasteur que chez le pénitent pour que s’exerce le discernement spirituel requis dans l’exercice de ce sacrement particulier. Peu a peu, le pénitent prend conscience qu’il est le terrain d’un combat spirituel ou s’exercent trois influences concomitantes : celle de Dieu, celle de la nature humaine blessée par le péché et celle des esprits de ténèbres. Grace au discernement spirituel, le prêtre et son pénitent peuvent délimiter assez clairement ce qui relève de chacun de ces facteurs dans le problème concret de ce qui relève de chacun de ces facteurs dans le problème concret de vie soumis au pouvoir sacrementel. L’importance de ce charisme ne peut être exagérée puisqu’il faut trouver des solutions pratiques bien équilibrées et pastoralement efficaces. Le résultat final de cette démarche de foi permet ainsi de mieux saisir la miséricorde infinie de Dieu, la véritable responsabilité du pécheur et les incursions sournoises de l’esprit malin. Le pénitent en éprouve toujours un grand soulagement, une vive espérance et un nouveau départ dans sa vie d’amour avec l’Éternel.
2-La parole de science. Le charisme particulier de la parole de science est d’un sérieux secours dans l’exercice du sacrement de réconciliation. Sous la mouvance de l’Esprit, le prêtre identifie clairement la vraie cause du malaise souventes fois ignorée du pénitent lui-même et jusque-là non connues du ministère. Au grand étonnement de l’un et de l’autre, il se fait une lumière dans les replis sombres et ténébreux du cœur de l’homme qui achemine vers la lumière de la vérité libératrice celui qui « gisait dans l’ombre de la mort ». Je dois dire personnellement que ce précieux charisme m’a rendu d’inappréciables services au cours du sacrement de la réconciliation : ressentiment et haine n’osait s’admettre a lui-même, péchés cachés et crimes enfouis sous la pression de mécanismes de défenses assez puissants pour oblitérer la mémoire elle-même de ses fautes cachées. La littérature classique appelle ce phénomène « lire dans les cœurs » tellement courant dans le ministère d’un curé d’Ars et d’un padre Pio. J’avais toujours cru que ces grâces exceptionnelles n’étaient réservées qu’aux grands saints jusqu’au jour ou cela m’est arrivé et que je me suis rendu compte que plusieurs autres prêtres l’expérimentaient dans le cadre du sacrement. Que de réconciliations en ont résulté au sein des couples, des familles, de la parenté et des diverses communautés! On comprend mieux alors pourquoi ce sacrement devrait s’appeler sacrement de la réconciliation plutôt que sacrement de la pénitence. Par la force des choses, le renouveau charismatique oblige à quitter la terminologie traditionnelle empreinte de juridisme, pour traduire en termes plus savoureux ce qui se passe existentiellement dans cette démarche de foi. Au lieu de parler de « tribunal » on est davantage porter à parler de « clinique » puisque c’est une vraie guérison qui s’opère par l’expérience. On se rend compte qu’il s’agit moins d’un aveu accusatoire qu’une psycho-genèse du comportement humain qu’on appelle « péché ». D’autre part, le jugement du prêtre tient davantage du diagnostique et du discernement que d’une sentence de tribunal suivie d’une pénitence correctionnelle. Enfin, l’admonition perd sa dureté de réprimande pour revêtir la douceur d’un encouragement fraternel au dépassement dans l’amour. Le tout débouche enfin sur la louange et l’action de grâce de la délivrance reçue plutôt que sur l’amère constation des échecs passés et la nerveuse appréhension des échecs futurs. N’est-ce pas là déjà une sensible amélioration du climat psychologique et mental dans lequel ce sacrement est vécu aussi bien par le pénitent que par le prêtre?
3-Le charisme de sagesse Mais l’expérience va encore plus loin puisque l’Esprit saint suscite, dans le cœur et l’esprit des deux participants, la découverte savoureuse de l’amour miséricordieux du Seigneur à travers le vécu pénible du péché dévastateur. On ne tarde pas à toucher du doigt la vérité qu’exprimait saint Augustin : « Tout concourt au bien de celui qui aime Dieu, même le péché ». L’infidélité du pécheur permet de découvrir la fidélité du Dieu de l’Alliance qui n’abandonne jamais celui qui tombe ou s’égare dans les voies du mal. Isaïe l’exprimait de la façon suivante : « Même si tu es noir comme le charbon, je te rendrai plus blanc que neige. Même si tu es rouge comme l’écarlate, je te rendrai plus éclatant que le soleil ». La faiblesse et l’impuissance du pécheur devient le lieu privilégié ou éclate la puissance régénératrice de Dieu : Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ». Il ne brise pas le roseau courbé et n’éteint pas la mèche qui fume encore. Enfin, il devient évident pour le pénitent et pour le prêtre que la victoire de Jésus dans la vie du pécheur indique très souvent la voie du futur ministère réservé à celui qui a tant lutté pour retrouver l’équilibre de sa vie et la délivrance de ses chaines. En effet, c’est dans la ligne même de nos faiblesses que se dessine la ligne même de nos faiblesses que se dessine la ligne de notre apostolat : l’alcoolique délivré vient au secours des alcooliques asservis, le narcomane restauré se porte au secours des narcomanes désolés, les prostituées regénérées se font apôtres auprès des prostituées dégénérées et ainsi de suite. Nul n’a plus d’amour, de compréhension et de compassion pour les autres que celui qui fut sauvé et délivré par la puissance de ce même amour rédempteur.
4-Le ministère de délivrance. Plusieurs prêtres font la merveilleuse découverte que le sacrement de pénitence ne vise pas seulement l’absolution des péchés commis, mais aussi la délivrance des chaines et des entraves qui tiennent le pécheur dans la captivité de ses passions incontrôlables. En effet, le but du sacrement est d’opérer la rupture profonde des liens qui retiennent le pécheur dans l’habitude tyrannique qui le replonge dans son péché : « Je fais le mal que je ne veux pas faire et ne peux faire le bien que je voudrais faire ». C’est surtout dans le cas des péchés d’habitude que ce ministère est efficace : alcoolisme, narcomanie, déviation sexuelle, vol et violence. C’est une véritable résurrection d’entre les morts qui s’opère lorsque les chaines tombent et que le pénitent retrouve la liberté des enfants de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple soulagement temporaire, mais bien d’une victoire définitive et durable par la seule puissance du nom de Jésus et l’efficacité de sa sainte croix.
Il faudrait mentionner ici un aspect du ministère de délivrance qui a beaucoup d’affinités avec l’exorcisme. Beaucoup de pécheurs, sans même s’en rendre compte, vivent sous la domination d’esprits maléfiques. Qu’il s’agisse d’oppression ou d’obsession diaboliques, la puissance libératrice du sacrement exercée sous l’action du Saint-Esprit vient à bout d’une victoire éclatante que la psychologie et la psychiatrie sont incapables de réaliser. Je me permets ici de renvoyer à la lettre de Paul aux Éphésiens (6, 1-4) pour mieux comprendre ce que je mentionne ici. Loin de moi l’idée d’utiliser l’exorcisme a temps et à contretemps sous la naïve illusion de découvrir un démon derrière chaque rosier. Mais le réalisme même du combat spirituel m’oblige à reconnaitre que l’être humain devient facilement le jouet des ruses et des séductions des esprits de ténèbres. Il n’est pas superflu de conduire le pénitent à renoncer formellement aux pièges et aux ruses de Satan. Tout comme on le fait chaque fois qu’on renouvelle les promesses de son baptême. J’ai pu constater expérimentalement l’efficacité de cette méthode et la valeur pédagogique de ramener le pénitent aux sources vives de son baptême. Plus on fera prendre conscience des relations dynamiques entre l’initiation baptismale (baptême-confirmation-eucharistie) et la vie concrète du croyant, plus on constatera des fruits spirituels durables et une maturité adulte chez le pénitent.
5-La guérison spirituelle. Un autre aspect indispensable du sacrement de pénitence concerne la guérison du cœur, de la mémoire et de l’esprit. Jésus est venu sur la terre des hommes et s’est offert en sacrifice au calvaire, non seulement pour le salut mais aussi pour la guérison radicale de l’homme-pécheur : « C’est par son sang que nous sommes sauvés et par ses plaies que nous sommes guéris. »
En premier lieu, il faut envisager la guérison de la mémoire. Tous les événements traumatisants de la vie passée s’enracinent dans la mémoire, le subconscient et l’inconscient profond. Il en résulte un effet psycho-dynamique qui influence tout le comportement humain et nourrit la motivation derrière le péché. Même lorsqu’on prétend pardonner aux autres, la mémoire n’oublie pas et cette souvenance intoxique la psyché de l’homme au point de l’induire a des actions parfois incontrôlables dont la motivation consciente échappe complètement au pécheur. Seule la grâce rédemptrice est à même d’assainir les sources conscientes et inconscientes de l’agit humain et le canal de cette grâce est principalement, non exclusivement, le sacrement de pénitence.
Aux blessures de la mémoire, il faut ajouter les blessures du cœur : frustrations affectives, injustices subies, incompréhensions douloureuses, trahisons et infidélités, ressentiments et haines, envies et jalousies. Voilà quelques-unes des blessure intimes du cœur qu’il importe de cicatriser définitivement. Si la psychologie et la psychiatrie peuvent aider un sujet à réagir plus positivement face aux réalités cruelles de la vie, ces sciences sont impuissantes à opérer les guérisons radicales de ces plaies béantes. C’est en appliquant la vertu propre des plaies du Seigneur et la puissance curative de son précieux sang que l’on peut obtenir des résultats efficaces et durables. Lorsque le pénitent accepte de placer tout son être sous la seigneurie de Jésus Christ, il ne tarde pas à constater un nouvel équilibre produit par la lumière, l’ordre et la paix accordés par le Seigneur lui-même. Je n’hésite pas un instant à recommander au pénitent de place même sa vie sexuelle sous le signe de la seigneurie du Christ. L’immense bienfait qu’il en retire le motive à témoigner librement des résultats constatés.
Pour terminer disons un mot de la guérison de l’esprit. Déjà blessé par le péché originel, l’esprit de l’homme est profondément blessé par chaque péché actuel. Au niveau de la conscience, il y a la douleur du remords qui prend parfois des proportions énormes notamment dans le cas du scrupule. Sans aller nécessairement à cet extrême, la conscience troublée engendre des craintes, des angoisses et des peurs qui affectent souvent l’organisme tout entier. Dans d’autres cas, le jugement est obnubilé au point que la conscience s’insensibilise au péché et ne se réveille, hélas, qu’après des actes très graves d’un caractère souvent dégradant pour l’homme. Là encore, le ministère du confessionnal révèle la puissance de guérison du sacrement lorsqu’il est appliqué selon le mode charismatique. Après la prière de l’absolution, le prêtre fait appel à la puissance du Christ pour délier les entraves de la conscience souffrante et implore le sang de Jésus pour guérir les plaies de l’âme et de l’esprit. S’il le fait, c’est en vertu même de la promesse du Seigneur: “Tout ce que vous déliez sur terre sera délié devant mon Père qui est dans les cieux” (Mt 18,18).
Il faudrait développer longuement le thème de la guérison intérieure pour faire justice au sujet proposé. Qu’il me suffise de référer le lecteur a trois ouvrages récents sur cette question afin d’approfondir les implications pastorales de ce que nous venons de décrire. Le père Francis McNutt, o.p. consacre à cette question un volume entier sous le titre “Healing”. De plus, le père Scanlan, tertiaires carme, a publié deux brochures fort au point sous les titres suivants: “Power in penance” et “Inner Healing”. Il me semble urgent que les théologiens des sacrements intègrent ces nouvelles expériences charismatiques dans l’étude du sacrement de pénitence. Des études complémentaires devraient être entreprises par les spécialistes de l’histoire des sacrements et par les exégètes néo-testamentaires afin de remonter aux sources bibliques et ecclésiologiques sous-jacentes à la discipline sacramentelle de la confession.
B- Le sacrement des malades Tout en se réjouissant de la nouvelle discipline sacramentelle adoptée par l’Église dans l’administration du sacrement des malades, il faut admettre qu’on n’insiste pas suffisamment sur l’aspect de la guérison physique comme conséquence de l’imposition des mains et de l’onction sacramentelle. Exerçant depuis cinq ans le ministère de guérison, j’ai pu constater l’efficacité remarquable de la foi personnelle et communautaire implorant la guérison des malades même atteints de maladies incurables. Lorsque, par surcroit, les circonstances me permettaient d’offrir le sacrement des malades, j’ai pu constater l’efficacité propre de ce sacrement particulier. Il me souvient notamment d’avoir exercé ce ministère en public a la basilique de Notre-Dame-du-Cap lors de la neuvaine en l’honneur de l’Assomption de Marie. Quantité de malades furent guéris spontanément soit au moment de l’onction elle-même, soit encore durant la bénédiction du Saint-Sacrement qui suivit immédiatement. Cas de cécité, un de surdité, deux de sclérose en plaques, etc. Il y eut en tout un peu plus de trente guérisons.
Il me semble de plus que ce sacrement pourrait s'administrer avec le concours de certains laïcs jouissant déjà du charisme de guérison. En effet, les dons du Saint-Esprit sont accordés pour le bien commun et quelle plus grande marque de charité peut-on offrir à un malade que cette démarche communautaire en vue de sa guérison.
Il faut bien admettre que ce n’est pas encore pratique courante, même dans les milieux charismatiques, mais je verrais volontiers une pastorale sacramentelle orientée en ce sens. De même qu’on a mis sur pied une pastorale des baptêmes, pourquoi ne verrions-nous pas une pastorale spécialisée en vue d’évangéliser les malades, de les préparer dans la foi a la réception du sacrement et de valoriser dans la foi cet événement pénible qi se nomme “maladie”. Jésus ne guérissait-il pas les malades qu’on lui apportait quelle que soit la nature de leur affliction. Et l’évangile nous rapporte ces paroles: “Va, ta foi t’a guéri”. Or, Jésus est le même hier, aujourd’hui et demain et c’est lui qui veut rejoindre le malade avec la même puissance par ce sacrement qu’il a institué pour eux. Pendant trop longtemps, on a fait appel à la résignation chrétienne pour exhorter les malades à supporter courageusement leur maladie. A mon sens, l’heure est venue dans l’Église d’offrir aux malades une pastorale d’espérance, une pédagogie de résurrection et une thérapeutique surnaturelle pour éveiller leur foi et obtenir leur restauration physique. I va sans dire que cette approche sacramentelle ne veut en rien porter préjudice à la médecine conventionnelle, non plus que de vouloir s'y substituer. Mais la médecine professionnelle admet elle-même son impuissance, non seulement dans les cas de maladies incurables, mais encore dans les cas où le malade n’est pas en mesure de supporter les traitements jugés par ailleurs efficaces. Il importe également que les médecins se rappellent la grande vérité proclamée par un de leurs collègues, Thomas Paré: “Je le soignai, Dieu le guérit”. Ce n’est pas parce que nos techniques sont plus sophistiquées qu’il faut limiter aujourd’hui l’exercice de la puissance de Dieu et restreindre la vivacité de la foi au cœur de l’événement. Plus d’un médecin, à ma connaissance, a été étonné devant les guérisons inexplicables et fut ainsi ramené à la pratique de la foi et à la ferveur de sa religion. Si nous, les croyants, n’avons pas l’audace de notre foi au point de poser de ces gestes prophétiques, pourquoi nous étonner que l’incroyance gagne si rapidement les rangs des baptisés, professionnels ou pas?
L’expérience m’a aussi démontré l’efficacité de ce ministère de guérison pour réconcilier des familles entières et ramener à la foi des membres égarés. La visite des malades fournit aux prêtres une excellente occasion d’évangéliser la famille tout entière et den exhorter les membres à la prière de foi en vue de la guérison. J’ai souvent invité les parents et amis à imposer les mains à leur malade en vue de sa prompte guérison, et c’est toute la famille qui fut rejointe par la grâce. Dans ces conditions, le sacrement des malades marquait le sommet d’une démarche de foi et c’est dans un contexte de célébration et de joyeuse expectative que j’ai donné l’onction au malade. Quelle différence avec l’atmosphère lugubre qui prévalait autrefois lorsqu’on extrémisait des agonisant comateux ou inconscients! Par la suite, les membres de la famille ont continué cette habitude d’imposer les mains et de prier jusqu’à la complète et entière guérison du parent malade. De plus, cette approche pastorale a appris aux parents à imposer les mains à leurs enfants lorsque la maladie commençait à les frapper, depuis la simple grippe jusqu’à la méningite aigue. Et les résultats attestent que la guérison se produisit.
Une autre dimension qui s’ajoute aux précédente vise la restauration dans chaque paroisse d’une célébration mensuelle du sacrement des malades. Lorsque je prêche des retraites paroissiales, je réserve toujours une après-midi complète a ce ministère de guérison. Une liturgie de la Parole dispose les cœurs à l’accueil du Verbe de Vie et une exhortation stimule leur foi en Jésus Christ, le sauveur et le libérateur des hommes. Puis commence la liturgie proprement dite du sacrement des malades ou l’onction sacramentelle est offerte par cinq ou six prêtres disponibles à cette fin. Vient ensuite un autre moment où l’invitation est lancée aux participants pour recevoir l’imposition des mains, cette fois sans l’onction sacramentelle, en vue de guérisons psychologiques et physiques moins graves. Le tout est couronné par le salut du Saint-Sacrement suivi d’une bénédiction particulière des malades avec l’ostensoir. A chaque fois, de nombreux malades sont guéris, d’autres grandement soulagés, d’autres enfin profondément édifiés du climat de foi et de prière qui se dégage de cette cérémonie. Il me semble qu’une pastorale paroissiale globale pourrait inclure, sans difficulté, un tel programme a son agenda.
C- Le sacrement de confirmation Dans le contexte sacramentel actuel, le sacrement de confirmation est séparé, dans le temps, des deux autres sacrements initiatiques: le baptême et l’eucharistie. Cette pratique ne reflète pas la coutume de l’Église primitive et s’est imposée tardivement pour diverses raisons historiques que je ne peux développer dans le cadre restreint de cet article. Cependant, il me parait urgent et nécessaire qu’une pastorale de la confirmation articule les relations essentielles entre ces trois sacrements de l’initiation chrétienne.
Il est à la fois curieux et intéressant de constater que le fondement biblique du sacrement de confirmation et l’expérience du baptême dans le Saint-Esprit est pratiquement identique. Par ailleurs, la littérature des quatre premiers siècles reflète une réalité remarquable: les chrétiens sont presque toujours “charismatiques”. Les Pères de l’Église en tiraient même un argument ad hominem contre les hérétiques puisqu'ils leur posaient des questions aussi directes que celle-ci “Ou sont vos prophètes”? Ou sont vos thaumaturges? Quels sont parmi vous ceux qui chantent des hymnes inspirés et qui interprètent les messages en langues?” S’il fallait que ces pères de l’Église posent les mêmes questions aux québécois en 1975, je me demande bien quelle conclusion ils en tireraient. Ne recevraient-ils pas la même réponse que Paul a reçu des Éphésiens: “Quand donc avons-nous même entendu parler qu’il y eut un Esprit saint? » (Ac 19,2). Dans l’Église primitive, il était inconcevable qu’un chrétien ne jouisse pas d’un ou plusieurs charismes et c’est pourquoi l’heure est venue dans l’Église de revenir aux sources pour revaloriser, voire redécouvrir, ce qui faisait le dynamisme et la vitalité de cette Église des pères.
Il est dommage qu’un courant légaliste et ritualiste ait dépouillé plusieurs sacrements de leur richesse originelle. On a été si longtemps préoccupé de la validité et de la licéité de chaque sacrement qu’on a fini par perdre de vue les autres effets tellement bénéfiques a la vie générale de toute l’institution. C’est pourquoi il faut revenir a une réflexion théologique qui réintégrerait par synthèse ce qui a été dilapidé par l’analyse hypercritique. Paul VI lui-même ne déclare-t-il pas en date du 6 juin 1973 : « A la christologie et spécialement a l’ecclésiologie du concile doivent succéder une étude nouvelle et un culte nouveau a l’Esprit saint, précisément comme complément indispensable de l’enseignement du concile ».
C’est seulement dans le cadre de cette pneumatologie renouvelée qu’on pourra redonner au sacrement de confirmation tout son relief et toute sa vigueur. De plus, celle-ci sera en mesure de réorienter au témoignage et au service de l’Église tout entière. De par sa nature, ce sacrement vise à conduire le baptisé au stade de la maturité et de l’engagement personnels au sein de la communauté de foi. Non seulement appose-t-il le sceau de la reconnaissance officielle de l’Église au baptisé et lui offre-t-il une grâce de sanctification pour vivre en adulte sa foi baptismale, mais il députe encore à l’apostolat et au service celui qui est confirmé. N’est-ce pas étrange, alors, que les dons du Saint-Esprit reçus au baptême ne commencent pas immédiatement à opérer manifestement dès le sacrement de confirmation? Je ne veux pas insinuer par la que le sacrement est inefficace ou inopérant, mais je veux simplement mettre en évidence que les candidats à la confirmation y sont insuffisamment préparés.
Age du confirmant : Il faudrait peut-être commencer par clarifier la finalité spécifique de ce sacrement pour savoir précisément a quel on devrait le conférer. Convient-il de confier a un enfant de sept ou huit ans une responsabilité communautaire de service et de témoignage qui, par ailleurs, fait appel a une maturité d’adulte engagé? Puisque ce sacrement se veut une initiative a la vie publique de l’église et une députation sérieuse au ministère du laïcat, ne serait-il pas opportun de reporter la confirmation soit à douze ans comme chez les Juifs, soit à dix-huit ans, âge de responsabilité légale, soit à vingt-et-un ans, âge de maturité adulte? Cette question est extrêmement importante puisqu’elle conditionne à la fois la pédagogie et le contenu de la pastorale préparatoire a la réception de ce sacrement spécialisé. A la lumière de cette simple considération, on peut comprendre facilement toute la différence d’approche à prévoir avant d’admettre quelqu’un a la confirmation d’une façon libre, responsable, consciente et informée.
Formation et information : Il apparait aussi évident que le jeune confirmant ignore en grande partie tout ce que ce sacrement peut lui apporter de force et d’audace dans l’accomplissement de son mandat communautaire. Bien sûr, on lui dit qu’il recevra le caractère sacramentel grâce a l’action personnelle du Saint-Esprit et on lui explique en quoi consiste chacun des sept dons spirituels. Mais, on le laisse dans la plus complète ignorance des charismes du Saint-Esprit et des ministères charismatiques auxquels il a accès et on le prive alors de l’information et de la formation la plus importante quant aux conséquences pratiques de ce sacrement d’initiation.
Charisme : En effet, les dons du Saint-Esprit constituent la source fondamentale et permanente de l’agir charismatique et ce sont précisément ces dons que l’Esprit saint surélèvera de façon transitoire pour qu’ils se manifestent extérieurement pour prendre alors le nom de « charismes ». A titre d’exemple, le don de sagesse qui, lui, est reçu comme un habitus permanent, devient « parole de sagesse » lorsqu’il est mu transitoirement par le Saint Esprit en vue d’apporter à la communauté de foi un énoncé capable de faire gouter et savourer la miséricorde, la bonté, la tendresse ou l’amour de Dieu. Un autre exemple qui le fera comprendre touche le don de force. Ce don permanent dote le cœur et l’esprit du croyant d’une disponibilité habituelle d’être mus par la puissance même du Saint-Esprit; lorsque l’Esprit saint actualise ce don, il se manifestera sous la forme d’un des deux charismes : soit le don de guérison, soit le don de miracles et ainsi de suite pour chacun des sept dons du Saint-Esprit.
Ministère : Quant aux ministères charismatiques qui, disons-le tout-de-suite, peuvent être exercés par les laïcs, les religieux, les religieuses aussi bien que par les prêtres, il importe de savoir qu’ils doivent s’exercer en toute liberté dans l’Église et dans le monde en s’insérant dans la structure charismatique de l’Église en vue de fonctions bien spécialisées. Or, jusqu’à quel point le jeune confirmant est-il formé et informé du rôle et de la fonction de chacun de ces ministères dans le futur exercice de son apostolat ecclésial? De plus, un enfant de sept ou huit ans peut-il absorber un tel enseignement de façon valable et opérationnelle? La pastorale sacramentelle a-t-elle, jusqu’à ce jour, envisagé ces problèmes de façon honnête et courageuse? Saint Paul ne disait-il pas aux chrétiens de Corinthe : « Pour ce qui est des dons spirituels, frères, je ne peux pas souffrir de vous voir dans l’ignorance » (Co 12,1).
Témoignage et service : Il nous reste à dire un mot sur le témoignage et le service communautaire qui serait normalement la conséquence immédiate du sacrement de confirmation. Dans les Actes des apôtres, au chapitre 1, Jésus affirme : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre » (Ac 1,18). Or, il est évident que les chrétiens confirmés sont en général extrêmement timides lorsqu’il s’agit de témoigner publiquement de leur foi. Et l’expérience de la pastorale paroissiale met en évidence la difficulté que ces mêmes chrétiens confirmés éprouvent à s’engager a fon au service de la paroisse. Tous les curés seront d’accord pour reconnaitre que ce sont toujours les mêmes paroissiens qui œuvrent dans tous les mouvements et même ceux-là qui s’engagent avec tant de bonne volonté n’ont certes pas l’audace d’aller jusqu’au bout des exigences de leur foi dans le cadre pourtant limité de l’apostolat paroissial. A mon avis, la face de la terre ne sera jamais changée par ces tentatives timides et ces engagements restreints.
Remarquez bien, encore une foi, que je ne mets en doute l’efficacité et le dynamisme du sacrement de confirmation, mais je maintien avec fermeté que les confirmants ne sont guère préparés au témoignage évangélique vigoureux, non plus qu’au service ecclésial énergique. C’est la responsabilité pastorale des éducateurs de la foi de préparer les confirmants en ce sens et c’est mon désir le plus sincère qu’un renouvellement audacieux soit entrepris en ce domaine.
« Boite a surprise » Finalement, je puis dire qu’il m’est arrivé une seule fois dans les cinq dernières années d’assister à une confirmation ou l’imposition des mains de l’évêque a été suivie d’une explosion en langues chez les nouveaux confirmés. Pourtant, saint Paul se basait sur le phénomène des langues et de la prophétie pour avoir l’assurance que son ministère apostolique avait produit tous ses fruits. Pour être honnête, je dois avouer que l’évêque en question a été tout aussi étonné que l’assistance présente à ce moment-là. Il était clair que ce n’était pas pratique courante dans son ministère épiscopal. Après la cérémonie, l’évêque, surpris et heureux à la fois, s’informa du nom de ceux qui avaient préparés ces jeunes a la réception de ce sacrement. Il comprit alors la raison de cet événement particulier puisque les trois responsables de la formation pastorale a la confirmation n’étaient autres que trois charismatiques embrasés des feux de pentecôte. Certes, il s’agit d’un événement isolé qui ne peut démontrer grand-chose, mais il appert que des enfants peuvent être sensibilisés suffisamment aux charismes du Saint-Esprit pour recevoir, dans le cadre de l’acte sacramentel, l’effusion ou le baptême dans le Saint-Esprit.
Distinction essentielle : Par ce dernier exemple, je ne veux absolument prétendre qu’il existe une équivalence absolue entre le sacrement de la confirmation et le baptême dans le Saint-Esprit. Une telle affirmation serait fausse et conduirait à des conclusions plus fausses encore. Mais ce que j’ai voulu mettre en évidence, c’est qu’il n’existe pas d’opposition entre ces deux réalités expérientielles et qu’il peut arriver que ces deux expériences coïncident parfois dans une même démarche de foi. Le cardinal Suenens aime beaucoup parler des « surprises du Saint-Esprit » qui agit souvent de façon imprévisible et j’ose même dire « cocasse ». Mais de tels événements devraient nous remettre assez en question pour nous ouvrir des horizons nouveaux et stimuler notre créativité pastorale à accueillir les interventions de l’Esprit saint avec gratitude et joie spirituelle. Toute pastorale trop rigidement programmée empêche même la manifestation possible de l’Esprit divin. N’ayons pas peur de laisser quelques espaces vides pour donner la chance a l’Esprit de dire son mot et de faire irruption dans le programme au risque même de le bousculer. Rien ne réussit mieux que la désorganisation imprévue de nos catéchèses provoquées et voulues par l’intrusion inattendue du paraclet, a moins qu’on estime que cet « intrus divin » est de trop dans le curriculum équilibré de notre pastorale catéchétique.
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Au terme de cette démarche un peu lourde, parfois même confuse, j’ose espérer que le lecteur a saisi l’idée majeure qui s’en dégage. Oui, le renouveau charismatique peut apporter quelques éléments nouveaux à la célébration liturgique. Le fera-t-il de fait? Tout dépendra jusqu’à quel point chacun se laissera interpeller par les possibilités merveilleuses que je viens d’évoquer dans cet article.
Pourquoi et comment ces éléments devraient-ils être introduits? Il me parait impossible pour l’instant de donner à cette question une réponse valable et compétente.
Cependant, je lance une invitation formelle aux agents de pastorale, aux spécialistes en liturgie, aux théologiens avertis, aux pasteurs zélés et aux fidèles engagés à se mettre ensemble à l’étude de cette question. Personne n’a le monopole de l’Esprit saint et c’est au magistère de l’Église d’éclairer la démarche des croyants pour en arriver a des solutions lucides, pratiques, efficaces et lumineuses.
Plus la communauté chrétienne dans son ensemble se mettra, dans la foi, a l’écoute de l’Esprit saint, plus elle entendra ce que « l’Esprit saint veut dire aux Églises » (Ap 2,11). On verra alors s’opérer un nouveau printemps dans l’Église, une recrudescence dans la foi et un retour massif des non-pratiquants a la vie sacramentelle au sein de chaque paroisse.
L’heure doit venir, et elle est déjà là, ou de pieux slogans deviendront des directives fulgurantes endossées avec enthousiasme par tous les membres de la communauté chrétienne : « Bâtir ensemble une communauté vivante » - « Tous rassemblées dans une Église priante et engagée ».
Jean-Paul Regimbal
Tiré de: Liturgie et vie chrétienne, no 90, octobre-décembre 1975, pp. 294 à 320. Revue conservée a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska, a Granby (P049)