Celle qui a vécu sa vie - Une biographie abrégée de la bienheureuse Anna-Maria Taïgi


Texte de Jean-Paul Regimbal (1955)
Introduction de Gérard Saint-Pierre (1955)

Introduction L’édition française de la biographie de la bienheureuse Anna-Maria Taïgi par son éminence le cardinal Charles Salotti, qui a eu comme traducteur M. l’abbé Camille Poisson, a remporté le succès désiré. En effet un peu partout dans le pays, dans le Québec surtout, on connait cette mère de famille d’origine italienne, on proclame ses vertus et on la prie avec une confiance de plus en plus marquée.
Ce qui fait la gloire de cette bienheureuse, c’est l’exemple admirable et si rare d’une vie héroïque dans le monde par la pratique constante du devoir d’état et de la pénitence pour en arriver à l’union à Dieu. C’est ce qui a fait écrire à Louis Veuillot : « C’était une Thérèse, une contemplative, une vraie aimante, mais point de cellule. Elle avait un mari à servir, grossier quoiqu’honnête, beaucoup d’enfants, mille soucis, des maladies fréquentes, des ennemis, des calomniateurs. Elle gouvernait sa maison et n’y faisait pas régner seulement l’ordre, mais la sainte joie » (Parfum de Rome).
C’est la « sainte du foyer » que les papes Benoit XV et Pie XI présentent comme le modèle que doit imiter une mère chrétienne dans le sein de sa famille. Dans son allocution aux jeunes époux du 18 mars 1942 Pie XII la cite comme exemple de collaboration dans la vie conjugale : « Tous les hommes, dit-il, sont des pèlerins venus de Dieu et s’acheminent vers lui dans la route des vivants, mais sur le chemin battu de la vie conjugale, plus d’une fois la diversité des caractères des deux voyageurs transforme le voyage pour l’un d’eux en un tel exercice de vertu qu’il l’élève jusqu’aux splendeurs de la sainteté. Celui qui lit la vie de la bienheureuse Anna-Maria Taïgi reste stupéfait des différences d’origine, de tempérament, d’éducation, d’inclination et gouts qu’il y avait entre elle et son mari, le portefaix Domenico; néanmoins, elle s’était admirablement entendue et accordée avec cette âme si différente de la sienne. »
Daignent ces éloquents témoignages inviter de nombreux lecteurs, nos mères de famille surtout, à lire cette biographie populaire que présente notre confrère en remettant a plus tard le plaisir d’offrir au public un ouvrage plus complet. Qu’en savons-nous? Cette nouvelle édition ne serait-elle pas celle que nous pourrions publier à l’occasion de la proclamation officielle par l’Église de la canonisation d’Anna-Maria Taïgi.
Nous souhaitons qu’arrive très bientôt ce jour mémorable et nous formulons le vœu que les Canadiens aient contribué alors à cet événement heureux par la pratique des vertus que nous prêche la bienheureuse Anna-Maria Taïgi.
Une résolution bien gardée Tous les jours, un peu plus nous, marchons vers l’éternité…
Le temps infailliblement se perd dans le temps et entraine avec lui tous les hommes vers la maison du Père dont la porte est celle du tombeau. Que peut être une vie? … Échec formidable ou un admirable triomphe, succès ou désastre souvent renfermé dans la décision énergique d’un moment. A l’occasion d’un avent, d’un carême ou d’une retraite, une résolution est à prendre, un choix à établir. Cette fois, pourquoi ne pas apporter une résolution ferme, constante, durable, héroïque même? N’est-ce pas l’assurance d’une vie vraiment vécue?
Pour vous stimuler, bien cher lecteur, dans la poursuite de votre vrai bonheur, nous vous exposons dans cette modeste brochure non pas tant la vie chrétienne dans ses principes – la longueur des discours finit toujours par ennuyer – Mais bien la vie chrétienne dans ses modèles… qui entrainent à l’action.
Il y a quelque chose d’étrange dans nos vies! … Voyez : Les églises sont peuplées de statues antiques et vénérables : figurines plus ou moins artistiques de moines, d’évêques, des religieuses, de vierges, de martyrs, de confesseurs. Avec tout cela, il devrait se rencontrer beaucoup de saints chez-nous. Et pourtant qu’en est-il? Sans nier la valeur authentique des exemples qu’ils nous ont laissés ces géants surnaturels, nous ne pouvons manquer de constater le faible dynamisme spirituel qu’ils insufflent actuellement dans les âmes et les cœurs de nos contemporains. On se contente de dire : « Tout cela était bel et bien au moyen-âge… ça se concevait. Mais, aujourd’hui?
Aujourd’hui! Vous cherchez un exemple de votre temps? Nous vous le présentons en la personne de la bienheureuse Anna-Maria Taïgi, mère de famille, tertiaire trinitaire, modèle proposé par Benoit XV lui-même à tous les mouvements féminins catholiques. Ni moniale, ni vierge, ni martyre, ni abbesse, ni reine, Anna-Maria passa toute sa vie, comme la plupart de nos bonnes mamans, à préparer les trois repas quotidiens, à faire le ménage, à baigner les petits, à repriser les bas du mari, à rapiécer les pantalons des petits gars, à chercher le foulard du mousse qui part pour la classe : bref à accomplir sans plus ni moins son devoir d’épouse et de mère. Elle a fait tout simplement comme vous a cette différence peut-être qu’elle aimait son devoir parce qu’elle y voyait Dieu. Voilà une femme qui a concrètement vécu sa vie!
La marche des événements laisse parfois entrevoir quelques lueurs des desseins de Dieu. En effet, le Roi de gloire qui a laissé dans l’ombre la vie de sa dévouée servante, semble profiter de cette heure de désarroi universel pour la révéler au monde. Comme Dieu sait bien trouver le remède salutaire aux maux de chaque époque! Voyez Anna-Maria, cette humble dame romaine dans notre siècle d’athéisme rayonne partout le foyer divin de la Trinité…
-Au courant scientiste et rationaliste, elle oppose le contre-courant de la sagesse et de la toute-puissance divines;
-A la philosophie matérialiste, elle rappelle le primat du spirituel;
-Aux lignes anti-conceptionnelles, elle témoigne de la vocation sociale et religieuse de la mère de famille;
-A la vague de frivolité, elle dresse le bastion de la vie intérieure et le roc de la foi profonde;
-Aux partisans de l’amour libre, elle prouve que seul l’amour pur et édifié sur une conception chrétienne de la vie, est apte à procurer le vrai bonheur;
-Aux mères de famille, elle enseigne que la tâche d’éducatrice leur revient en propre;
-Aux épouse chrétiennes, elle montre que le tiers-ordres trinitaires, comme ceux des autres Ordres, est un puissant moyen pour devenir encore plus unies a Dieu tout en garantissant une plus entière fidélité à leurs maris;
-Aux femmes dévotes, elle ouvre une voie nouvelle d’intimité avec les trois personnes divines;
- A tous Enfin, elle prêche par l’exemple qu’il y a moyen de se sauver dans le monde, quel que soit le milieu où l’on se trouve, à condition de prendre une fois pour toutes une seule résolution et de la tenir jusqu’au bout.
Cette ferme décision, Anna Maria se la formule de la façon la plus précise le 26 décembre 1808, pour y être fidèle jusqu’à sa sainte mort, en 1837. Et la vôtre, quand la prendrez-vous? … Souvenez-vous donc jusqu’où peut conduire une seule résolution bien gardée…
La petite Annette 1769! Un vent mauvais souffle sur la France et sur l’Italie. Serait-ce le spectre menaçant d’une autre révolution qui pointe à l’horizon?
Malgré cette atmosphère d’inquiétude, la Providence jette encore ici et là des brins de joie. En effet, le 29 mai, à 32 de la via dei Rossi, dans la ville de Sienne, la bénédiction de Dieu comble l’attente du bon pharmacien Luigi Gianetti et de sa tendre épouse Maria Santa Masi. Une petite fille leur est née. Dès le lendemain, cette enfant reçoit sur les fonts baptismaux les noms d’Anna Maria Antonia Gesualda.
Notons en passant que deux mois après, dans l’île de Corse, en face de la cité siennoise, un autre personnage fera son apparition dans le monde : Napoléon Bonaparte. C’est ainsi que la Providence met déjà en présence l’une de l’autre les deux puissances, spirituelle et politique, qui domineront l’époque troublée de demain…
Annette n’est pas de ces saintes cartonnées qui portent dès le berceau un nimbe glorieux. Ni la fortune, ni l’honneur, ni les miracles, ni les extases n’ont caractérisé sa jeunesse. Au contraire, dès son jeune âge, le sacrifice et l’adversité ont trempé solidement sa foi, son obéissance et sa patience. En effet, un cruel revers de fortune oblige la famille Gianetti à quitter la riante ville de Sienne. Âgée de six ans, Anna-Maria doit suivre à pied jusqu’à Rome, le pauvre Luigi et la courageuse Santa. Le quartier dei Monti, le plus populeux et le plus pauvre de la ville éternelle, offre un humble gîte a la famille déshéritée.
Après de longues et pénibles recherches, les parents de la petite Annette trouvent un emploi. Santa sera femme de ménage. Luigi, domestique. Encore trop jeune pour travailler, Anna est mise à l’école des Pieuses maîtresses Filipines de la servante de Dieu, Lucia Filippi. Là, elle apprend à lire et reçoit les instructions de catéchisme. Sa vive intelligence a tôt fait de prendre connaissance des mystères de la religion tandis que sa juvénile mémoire retient sans effort nombre de prières et de psaumes. Durant cette période on a particulièrement remarqué son obéissance et sa docilité sans toutefois crier au prodige et au miracle!
Annette grandit. Elle a 11 ans. Elle se prépare donc à recevoir la confirmation. Le bonheur de la première communion, toutefois,
lui sera retardé jusqu’à sa treizième année. En ces deux occasions, rien de plus que de douces émotions. Sa foi, bien qu’enfantine, était tout de même assez vive pour remplir son âme des sentiments les plus élevés.
Adolescente, Anna-Maria met tout son bonheur dans la pleine réalisation de son devoir d’état. Elle se trouve donc un emploi dans un ouvroir, et tout heureuse elle apporte quelques économies pour le soulagement du budget familial. Malgré ses treize ans, elle parvient à gagner sa vie et s’applique aussi à mettre une main au ménage, ce qui lui mérite le surnom de « domina in casa » … La bonne petite ménagère.
Plus forte et plus gracieuse au début de sa dix-septième année, Anna se place au service de la noble dame Serra Marini comme camérière. Fort jolie, coquette et un peu vaniteuse, elle attire non seulement le regard des anges, mais aussi des fils d’homme! Cependant, le moment de la tentation devient pour elle celui de la victoire. Toutes ces difficultés la rendent plus sérieuse. Résolument, elle cherche sa voie… elle veut à tout prix un état de vie ou sa vertu et sa grâce jouiront d’une infrangible sécurité…
Les fiançailles d’une sainte Pendant quelque temps, l’idée de la vie religieuse hante l’esprit d’Anna-Maria. Après mûre réflexion, elle se demande si la sainteté est l’apanage exclusif des cloîtres.
Rassurée par son directeur qui lui indique la voie commune, Anna-Maria prie Dieu de mettre sur sa route le jeune homme de son rêve. Mais au juste, quel est ce rêve? Un bel homme, célèbre, grassement salarié, équipé de chevaux et de carrosse -la Cadillac du temps-, sportif et à la mode? Non, rien de si superficiel. Ce jeune homme, elle le veut honnête, chrétien, convaincu, de modeste condition : bref, un homme au cœur noble et généreux, capable de la protéger contre les dangers du monde. Conditions simples si l’on veut, mais rassurantes pour le bonheur d’un foyer.
Sans se préoccuper outre mesure de ce problème, l’humble Annette met toute sa confiance en Dieu et continue simplement son travail chez madame Marini. Or, la divine Providence qui dispose tout avec suavité conduit auprès de la fidèle camérière l’ami de son choix. En effet, au palais Macarani, on reçoit quotidiennement la visite de Domenico Taïgi qui, de la part du prince Chigi, son maître, apporte à Dame Marini des messages ou des vivres. Tout naturellement ses fréquentes rencontres avec Anna finissent par lier de sympathie, puis d’amitié ces deux cœurs.
Domenico Taïgi, le bel « Angiolino » milanais est l’un de ces facchini (portefaix) de figure franche et gaie, aux cheveux noirs crépus, robuste de santé, que les nobles aiment à garder à leur service. Anna-Maria, on le devine, ne reste pas insensible à ses charmes sans toutefois se méprendre pour ses défauts; car Domenico, ignore l’art de dissimuler son caractère grossier, son obstination résolue et sa vulgarité plébéienne. Par contre, la bonté de son cœur, son honnêteté instinctive, sa réputation morale et ses convictions religieuses compensent bien pour les petites lacunes de son caractère.
On se demande peut-être comment la délicate, l’intelligente et modèle Maria peut arrêter son choix sur un homme de culture et de manières si différentes des siennes? Tout simplement parce que les susceptibilités sociales et les qu’en-dira-t-on des voisins n’influencent guère les élans de son cœur. L’ours et la brebis se plaisent… Voilà l’important. Et, chose plus étonnante encore, la brebis aura raison de l’ours grognon.
Avant de prendre un aussi grave engagement, Anna, selon son habitude, consulte Dieu le premier. Puis elle s’informe auprès de monsieur le curé, de dame Marini et d’autres amies de l’ancien ouvroir. De son côté, Domenico demande aux parents de Gianetti la main de leur fille, après avoir obtenu de l’intéressée l’assurance qu’elle l’épouserait (procès de béatification).
Une ferme décision s’exécute sans retard! Les fiançailles conclues à la fin de novembre 1789, maman Santa et les amies se hâtent de confectionner le trousseau de la future mariée. Le 7 janvier 1790, toute radieuse dans la fraicheur de ses vingt ans, Anna s’engage à la vie comme à la mort à son cher Domenico (de huit ans plus âgé qu’elle) devant le témoin du Seigneur, le Père Masetti, servite de Marie, dans l’église paroissiale Saint-Marcel de Rome.
Au procès de béatification, Sofia, la fille de la bienheureuse, déposera sous serment : « Ma mère me disait que si elle avait ainsi tout réglé en quarante jours, c’était qu’elle ne voulait pas « rester à réchauffer la chaise » en s’éternisant à la maison. Trainer en longueur, après s’être assurée de la piété et de l’honnêteté de son futur, ne pouvait que lui amener ennuis et danger. Elle fut toujours heureuse de ce qu’elle avait fait en épousant mon père… »
L’épouse parfaite La vie conjugale, cette montée a deux dans la voie de la perfection, commence en beauté au pied des autels. Pour qu’il en continue toujours ainsi, il faut bien entendu, y mettre du sien! Anna-Maria le voit clairement. Dieu la veut « épouse » et, de plus, épouse parfaite. Parmi toutes les vertus qu’exige d’elle la fidélité à son devoir d’état, deux surtout frappent notre attention : la patience et l’obéissance.
D’elle on peut dire comme de Jésus-Christ : « Obéissance jusqu’à la mort… de la croix ». Oui, la croix que Dieu lui a confiée, c’est Domenico, son mari. Homme de grand cœur et de solide piété, le pauvre « facchino » n’en reste pas moins rustre, entêté, violent, exigeant et même ami du bon vin blanc.
Comme il convient, Domenico entend mener la barque. Mais son tempérament fougueux le porte souvent à donner des coups de barre qui risquent de faire chavirer toute la maisonnée. Si la soupe ne fume pas sur la table, sa puissante griffe a tôt fait de tirer la nappe pour jeter plats et assiettes par terre. Puis, à la moindre contradiction des enfants, le voilà encore en colère jusqu’à les menacer du bâton et à lancer les chaises par la fenêtre. Le P. Bussières, jésuite, le dépeint d’un mot : « Domenico Taïgi est un ours… et, qui plus est, un ours mal léché. »
Qui peut mesurer l’héroïque patience de cette humble femme : vivre quarante-huit ans à subir les sautes d’humeur de pareil rustaud, tout en lui assurant, sourire aux lèvres, les attentions délicates d’une véritable épouse? Domenico affirme devant les juges ecclésiastiques : « Je veux dire ceci a la gloire de Dieu, que j’ai vécu avec cette âme bénie environ quarante-huit ans. Jamais de sa part, une parole de dégout, jamais un dissentiment. Nous avons vécu en continuelle paix de paradis. »
Après sa pénible journée, Annette attend son Domenico jusqu’aux petites heures du matin. Comme de coutume, « l’ours » grogne : « Pourquoi m’attends-tu si longtemps? Pourquoi ne pas te coucher tranquille puisqu’il faut que tu sois sur pied tout le long du jour »? – « Mais qui donc, Domenico, te soignera si moi-même je ne suis là? Soupe à ton aise puis nous irons prendre notre repos dans la paix du Seigneur ». – Après un bin de jasette – bien qu’il soit déjà trois ou quatre heures du matin. – le couple rasséréné par la patience d’une sainte épouse récite la prière à genoux au milieu des lits et des berceaux…
Cette patience à toute épreuve réussit des merveilles : en plus de convertir l’ours revêche en un docile agneau, elle noue de solides liens d’amitié avec une bru qui partage son logis, elle conjure des guerres de familles entre Domenico, sa belle-mère aussi têtue que lui et son beau-père aussi malcommode que peu reconnaissant. « Amour, voilà tes prodiges ».
A cette angélique patience, Anna joint une obéissance sans égale. A ses yeux, la volonté de son mari suit immédiatement celle de Dieu. Aussi répond-elle à ses moindres désirs au prix de grands sacrifices. Domenico veut-il se rendre au théâtre du Corso, se balader sur la via Romana ou seulement la voir revêtir se robe rouge – celle qu’il préfère – et ses bijoux de fête, elle acquiesce simplement, avec promptitude, bien qu’au fond ce lui soit une épine au cœur.
Et lorsqu’il s’agit de répondre à l’appel divin de la perfection, Anna demande à son époux la permission de quitte fêtes et parures pour se consacrer à Dieu. Prête à s’imposer des sacrifices volontaires, elle ne veut pas cependant obliger son mari a des pénitences forcées… Sans trop comprendre pourquoi elle tient tant à se mortifier, il consent à la requête de sa femme. Il ne saisira ce mystère que cinquante-ans plus tard lorsque sa « sainte » l’aura quitté.
A l’âge de quatre-vingt-onze ans, le vieillard prononcera l’éloge le plus admirable de sa fidèle et parfaite épouse : « Je puis attester en toute vérité que depuis notre mariage il ne lui arriva pas une seule fois de demander le devoir conjugal, comme aussi de ne s’y refuser jamais dès que je le désirais. Pour moi, je l’ai toujours estimée et je dis que le Seigneur m’a ôté cette bonne servante parce que je n’étais pas digne de la posséder. Je ferais le tour du monde qu’il me serait impossible de trouver une femme pareille, possédant tant de qualités. J’ai perdu un grand trésor! ».
Une maman modèle Anna-Maria, jeune fille, a envisagé le mariage dans sa formule la plus réaliste. Elle sait le cœur d’une maman doit être riche en vertus pour sourire a toutes les besognes maternelles, pour se maintenir vaillante, d’humeur égale, avenante, compréhensible, tendre et ferme.
Maintenant engagée dans cette école, elle ne se contente pas d’une rêverie purement sentimentale, mais elle y voit un devoir d’état à remplir. La lune de miel passée, Annette gagne donc son petit logis chez le prince Chigi. Deux appartements abritent le jeune ménage et la mère Santa. Ces chambres situées au rez-de-chaussée sont bien humides. Domenico s’en plaint. La tendre épouse alors s’ingéniera à rendre coquet le foyer. Ses mains de fée réussiront bien le tour, puisque les Taïgi demeureront la une quinzaine d’années.
Annette rêve aussi d’une famille égayée de nombreux berceaux. Dieu bénit ses plus légitimes désirs. Là, en effet, naissent six enfants, trois garçons et trois filles et un septième au Corso. La jeune maman adore ses petits. Elle ne ménage rien pour leur santé, les nourrit elle-même, leur prodigue des soins plus délicats quand leur corps fragile semble vaciller. Trois bébés quitteront la terre pour devenir de petits anges. Anna pleure ses pertes, mais elle se console de les savoir auprès du bon Jésus. Du départ de Camille, son aîné de vingt ans, pour la guerre, elle sera beaucoup affectée. Comment lui reviendra-t-il? S’il revient… la guerre, cette bête sans entrailles. Le bon Dieu la consolera : Camille ne se battra pas, il reviendra, au foyer, encore bien disposé.
Comme une maman chrétienne, Anna trouve beaucoup de bonheur dans la formation morale et religieuse de ses petits. Très tôt, elle les porte à la pratique de toutes les vertus, les habitue à l’ordre et à la propreté, d’autant plus que le papa n’a rien à gaspiller. Aux repas et aux divertissements, elle fait toujours appel au partage fraternel des gâteries et des jeux. A ce sujet, Mariette, la cadette, ressent beaucoup de peine. Gâtée par son père, elle supporte difficilement qu’un grand frère la taquine. Mademoiselle veut être respectée! Anna temporise, prie, fait ses observations avec douceur. Mariette vieillit; Voici qu’elle devient une fille distinguée, laborieuse et très pieuse.
Alexandre, le deuxième des garçons, lui aussi profite de la douce fermeté de la main maternelle. Apprenti chez un chapelier, il commence à se mettre de côté quelques économies. Mais bientôt, entrainé par de mauvais compagnons, il joue au billard tout l’argent qu’il a en poche et celui qu’il n’a pas. Il se fiche bien des dettes : grand-maman Santa se porte garante de tout. La bienheureuse avertit délicatement la grand-mère : « Vous ferez du purgatoire pour ces largesses déplacées ». De plus, elle prévient le patron de surveiller toute absence de l’apprenti. Avec cette sollicitude maternelle, Alex se guérit bien vite de son défaut et deviennt par la suite petit patron d’entreprise.
Annette veut surtout un foyer ou Dieu soit le premier servi. Pour cela, elle met toute son âme à ouvrir celle de ses petits à la piété, leur apprend, dès les premiers balbutiements, à prier le petit Jésus et la Vierge Marie. Le soir, elle leur parle du bon Dieu, les bénit par un petit signe de croix sur le front et récite enfin avec eux quelques aves aux intentions de papa qui se dépense pour la famille. Le jour du Seigneur, maman Taïgi l’organise entièrement pour les affaires du bon Dieu : assistance à la messe, communion, visite d’hôpital, lecture de beaux livres... Dans la soirée, on chante et on s’amuse en famille. Domenico même se mêle aux jeux des enfants. Un foyer ou l’on chante et où l’on prie est un foyer uni.
Anna-Maria a rêvé d’un beau métier, celui d’être une véritable maman. Parmi les témoignages nombreux qui confirment la réalisation de cet idéal, nous retenons celui d’une amie de la famille, Marie Androver : « Il est particulièrement édifiant de voir comment (ses enfants) savent unir a la vie séculière la pratique la plus fervente des vertus chrétiennes, en tout premier lieu de la charité envers les pauvres : et tout cela, chez (eux), est le fruit des bons principes et des exemples reçus de leur mère ».
La tertiaire Depuis son mariage le 7 janvier 1790, Anna-Maria, dans la grâce de ses vingt ans, s’applique avec une particulière complaisance à réjouir les yeux de son mari par le charme de ses atours. Authentiquement femme, elle deviendra aussi authentiquement sainte.
Pour sauvegarder l’âme pure et fraiche de cette jeune épouse tout à la joie des premiers mois de vie conjugale, la voix de Dieu se fait entendre. Lors d’un pèlerinage au tombeau de saint Pierre, Anna, pressée par la foule, heurte par mégarde un Servite d’éminente sainteté, le père Angelo Verardi. La jeune femme s’excuse et s’empresse, au bras de Domenico, d’entrer au Vatican. A l’insu d’Anna, le P. Angelo entend une voix intérieure lui dire : « Je l’ai choisie pour être une sainte ». Mais déjà, la jeune inconnue disparaissait dans la foule.
Une fois entrée dans la célèbre basilique, la bienheureuse sent un trouble naître en son cœur. Bien qu’il lui semble accomplir son devoir le mieux possible, une force intérieure la porte a plus de générosité. Pendant plusieurs mois, cette lutte intime ne laisse pas un moment son esprit en repos. Après avoir vainement recouru à différents confesseurs dans l’espoir de retrouver la paix de sa conscience, elle se rend à l’église Saint-Marcel et s’approche du confessionnal ou déjà s’alignent de nombreux pénitents. Lorsque vient son tour, la grille s’ouvre et, à sa grande surprise, elle reconnaît la voix de confesseur : C’est le P. Angelo qui l’accueille en ces termes : « Ah! Vous êtes venue, ma fille! Le Seigneur vous aime. Il vous veut tout à lui ».
La douce lumière de la paix envahit aussitôt son âme, mais sa clarté révèle à la jeune femme la légèreté de sa vie passée. Sous ce jour nouveau, Anna ressent avec acuité sa misère native et prend dès ce moment la ferme résolution de faire pénitence le reste de ses jours. Elle commence dès lors à pratiquer des mortifications dont elle ne se départira qu’à l’heure de sa mort.
L’appel à la perfection retentit le plus vivement en son cœur! Elle veut bien y répondre mais cherche longtemps le moyen de satisfaire aux exigences de l’amour divin. Dans le secret, la Providence façonne un chef-d’œuvre pour le monde : l’âme d’une sainte! Sous sa conduite mystérieuse, Anna sa cherche un directeur capable de la comprendre. Le P. Angelo surchargé de travail, la confie à saint Vincent-Marie Strambi. Celui-ci se sent lui-même se sent débordé et ne peut lui donner tout le soin qu’elle mérite. Enfin, sur sa route apparaît le P. Ferdinand de Saint-Louis, religieux trinitaire espagnol, ministre du couvent de Saint-Charles-aux-quatre-fontaine.
Édifié par la qualité de cette âme d’élite, le P. Ferdinand invite sa nouvelle pénitente à s’inscrire au tiers-ordre. Mais alors, les objections se présentent nombreuses : d’abord il faut la permission de Domenico… puis, après tout, elle est mère de famille… enfin, le bon Dieu ne peut vouloir l’appeler à une perfection en-dehors de son état d’épouse et de mère.
Avec le temps, Dieu aplanit toutes ces difficultés. Domenico accepte de bon gré que sa femme entre dans le tiers-ordre. Le P. Ferdinand élucide enfin le problème de la chasteté pour les tertiaires séculiers engagés dans l’état du mariage : elle consiste dans la parfaite observance des lois de l’Église en cette matière… En somme, la volonté de Dieu s’accomplit.
Lors d’une communion, un bon jour, la servante de Dieu entend la réponse tant désirée : « Ma fille, tu diras à ton confesseur que je veux et ordonne que le jour de la fête de saint Étienne de cette année (1808), il te revête de l’habit de son Ordre. Je te préviens que le Père fera bien des difficultés mais que tout ce que je te dirai s’accomplira ». Dieu lui prédit même deux signes sensibles pour attester la vérité de ses paroles : la guérison immédiate de sa fille et la libération du couvent de San Carlino occupé par les troupes françaises.
La réalisation de ces faits confirme les dire de cette étonnante prophétesse! Il ne reste plus qu’à la recevoir au rang des tertiaires. Le 26 décembre suivant dans l’église Saint-Charles, Anna reçoit des mains du P. Ferdinand le scapulaire blanc a la croix rouge et bleue. Si grande devient sa ferveur qu’elle sent son corps agité par les forces vives de l’amour de Dieu. Un témoin oculaire affirme au procès de béatification qu’un mot du P. Ferdinand suffit à calmer les ardeurs de la bienheureuse car pour elle l’obéissance a toujours gain de cause.
Devenir tertiaire signifie autre chose pour Anna qu’assister à une réunion mensuelle et dire quelques prières surérogatoires… C’est véritablement mener une vie palpitante de tous les instants, vivre une expérience spirituelle tous les jours plus intense, plus intime, plus épanouissante…
Par la fidélité héroïque à ses obligations, Anna-Maria gravit les pics altiers de la perfection. Obéissante, elle demande ses permissions a son mari et va même jusqu’à régler ses attitudes intérieures et extérieures au commandement de son directeur. Elle observe selon sa condition d’épouse et de mère son vœu de chasteté conjugale. Elle donne ainsi naissance à sept enfants (4 filles, 3 garçons) sans jamais enfreindre les saintes lois de l’Église. Elle cultive l’esprit de pauvreté qui la pousse à mépriser les biens de la terre et à se contenter du minimum que lui envoie la divine providence. Grâce à cette vertu, elle refuse des dons substantiels offerts par des princes de l’Église ou par de célèbres reines, sans toutefois imposer à sa famille la gêne et la misère. Dans cette atmosphère, elle développe toutes les petites vertus domestiques d’économie, d’honnêteté, de prévoyance, etc. « lançant toujours », comme elle le dit de façon pittoresque, « son pied selon sa jambe ».
Malgré ses nombreuses occupations, elle trouve le temps de prier longuement sans jamais laisser sa dévotion prendre le pas sur ses devoirs. Sa charité cependant ne se limite pas seulement à la prière. Elle visite les malades et soigne les répugnants d’entre eux. A la misère, sa porte reste toujours ouverte. Que ce soit de pauvres innocents ou de mortels ennemis, elle partage le pain avec les fils de l’infortune, heureuse de secourir en eux les membres souffrants du Christ.
Mais au juste, pourquoi Anna-Maria choisit-elle le Tiers-ordre de la Très-Sainte-Trinité? Demandons à deux témoins la réponse à notre problème. Que dites-vous Domenico? « La servante de Dieu avec une profonde dévotion aux saints mystères particulièrement à celui de la très sainte Trinité. C’est pour cela qu’elle me demanda l’autorisation de devenir tertiaire déchaussée de l’Ordre qui porte ce vocable et je la lui ai accordée ».
L’amour qu’elle porte à ce mystère primordial de notre foi est le point central autour duquel gravite sa spiritualité. Des splendeurs de l’extase aux ardeurs violentes de son amour sensible pour Dieu, elle témoigne sans équivoque qu’il est l’unique amour en trois personnes. Non seulement ses prières vibrent de cet accent trinitaire, mais ces lettres en portent l’inscription, ses prodiges s’opèrent par l’invocation des trois, et ses conversations reflètent son respect pour les hôtes de son âme.
A son tour, le cardinal Pedicini, pendant vingt ans confident de la bienheureuse, affirme : « Elle parlait sur tous les mystères avec un tel respect et une telle certitude qu’on eut pensé qu’elle les voyait; Ainsi en est-t-il du mystère de la Trinité. Aussi, Anna-Maria, en raison de la dévotion qu’elle avait pour ce mystère, s’était précisément affiliée au saint Ordre voué au culte trinitaire, et elle regardait comme un grand honneur d’en porter le costume ».
Fidèle a ses engagements solennels, enhardie par l’amour de Dieu un et trois, elle marche à grands pas dans la voie de la perfection chrétienne. Sa vie – lumineux enseignement a ceux qui le veulent comprendre – prouve « qu’il est possible d’allier les devoirs de la vie conjugale avec l’observance des conseils évangéliques et de s’élever ainsi, tout en vivant au milieu du monde, de ses luttes et de ses misères, au faîte de la sainteté ». (Cardinal Soletti)
La mystique Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité! Dès qu’il reconnaît une âme prête à correspondre à ses inspirations, il ne tarde pas à la combler de ses grâces de choix. De toutes les faveurs accordées à la bienheureuse, celle de son mystérieux soleil compte parmi les plus extraordinaires.
« Ce soleil qu’il eut continuellement devant les yeux durant environ quarante-sept ans, c’est-à-dire depuis sa conversion jusqu’à sa mort, lui apparut dans sa chambre au moment où elle s’infligeait la discipline… La servante de Dieu fut prise à cette vue d’une sainte terreur. Sur l’ordre de son confesseur elle demanda à Dieu la signification de cet étrange phénomène et s’entendit répondre : « Ceci est un miroir pour que tu comprennes le bien et le mal » (Mgr Natali).
Les actes du procès nous fournissent la description : « Au sommet de rayons supérieurs de ce soleil se trouvait une couronne très épaisse d’épines entrelacés. Sur la droite et la gauche de cette couronne, deux de ces épines, très longues et ressemblant à deux verges, s’étendaient jusqu’au-dessous du disque, ou leurs pointes recourbées se croisaient, formant ainsi une croix. Dans le disque lumineux lui-même et à droite se trouvait une resplendissante figure, majestueusement assise dans une attitude de contemplation et d’extatique repos ». Mgr Natali voit en ce personnage la sagesse incarnée, le Fils de Dieu.
Si insolite que paraisse ce phénomène mystique, il n’est pas le seul dont jouisse l’humble mère de famille. Après la communion, l’extase la saisit soit pour l’immobiliser dans l’adoration soit pour l’agiter des ardeurs de l’amour. Même dans la rue, la pensée de Dieu la ravit hors d’elle-même et bientôt Sofie doit l’accompagner pour l’empêcher de si gênantes manifestations. A la maison, une vadrouille ou une casserole a la main, la bienheureuse se sent transportée dans une délicieuse contemplation qui, en quelque occasion, la soulève de terre. On comprend sans effort que la prière en famille favorise cet état mystique. Et le bon Domenico qui ne comprend rien en théologie mystique, de gronder son épouse : « C’est une honte de s’endormir ainsi pendant la prière quand on a toute la nuit pour dormir »
Douée, en plus, des dons de prophétie, de miracle et de connaissance des cœurs, Anna-Maria continue, en toute modestie et humilité sa rude besogne journalière comme la plus humble des femmes du quartier…
Elle se rend parfaitement compte que rien de ces merveilles n’est pour elle. A la demande de son confesseur, elle supplie Dieu d’accorder ses grâces insignes à une âme plus virginale dans la solitude du cloitre. Et la voix céleste répond d’avertir son directeur qu’il veuille bien s’occuper de son devoir et que Dieu seul entend distribuer ses dons selon son bon plaisir.
Ce privilège, unique dans l’histoire, lui est concédé pour l’Église qu’elle a mission de protéger. Elle, l’illettrée, doit devenir conseillère des papes, des cardinaux et des évêques. En réponse à une demande de S.S. le pape Pie VII, elle révèle par lettre toute l’enfance du souverain pontife et, toujours renseignée par son soleil, elle l’avertit de recevoir les derniers sacrements en vue de sa mort prochaine. Par l’intermédiaire de Mgr Strambi, elle joue le rôle d’aviseur dans les problèmes épineux et secret de Léon II. Au moment le plus critique de la vie, la bienheureuse le rassure. Lui ne mourra pas, mais Mgr Strambi reçoit l’avertissement de sa mort prochaine a la place du pape. Elle prévient Pie VIII que dans trois jours son catafalque se dressera dans la nef de Saint-Pierre. Quarante ans à l’avance, elle prophétise dans le détail le règne long et douloureux de Pie IX, alors simple prêtre au Chili.
Enfin, la vue claire et immédiate des fléaux terrible qui s’apprêtent à fondre sur l’Église et sur Rome, lui inspire la résolution de s’offrir en victime d’expiation pour conjurer le mal. En réponse à tant d’amour, Dieu daigne retarder ses justes châtiments jusqu’à la mort de la bienheureuse en 1837, et, comme elle l’avait prédit à sa fille Sofie, la miséricorde divine étend sa protection miraculeuse sur sa famille entière.
La dévotion mariale d’Anna-Maria La bienheureuse Anna-Maria Taïgi mérite de Benoit XV le titre de “modèle des mères chrétiennes” qu’elle doit principalement la filiale et tendre dévotion a la mère de Dieu.
Dans son humble chaumière, la Vierge Marie occupe la place d’honneur et reçoit l’hommage d’une veilleuse perpétuelle. L’huile de cette lampe servira maintes fois d’intermédiaire matériel à des guérisons miraculeuses. Mais l’ardente foi de la pauvre romaine et la puissance de la vierge Marie y jouera un rôle plus efficace encore que l’huile de la lampe.
« Ma chère mère à moi », voilà de quelle manière Anna-Maria s’adresse à la mère de Dieu et des hommes. Si filiale est sa dévotion à la Vierge, qu’elle lui inspire une foule de petites pratiques toutes à l’honneur de sa mère tant aimée. Non seulement récite-t-elle a genou l’angélus trois fois le jour, mais elle engage doucement la famille, et même les pensionnaires, à dire chaque soir le chapelet en commun, à s’inscrire de la Fraternité du Très saint Rosaire, à porter le scapulaire du mont Carmel. Elle introduit de plus dans son foyer l’habitude de s’entre-saluer en ces termes : « Loué soit Jésus et Marie » au lieu du banal « bonjour » et « Comment ça va? » Louable coutume, certes, que les premiers chrétiens pratiquaient sans respect humain dans le « Dominis » ou le « Pax Tecum », et que les catholiques du moyen âge répétaient avec foi : « Salut à vous et la compagnie » désignant par-là l’ange gardien du prochain.
Sans doute, la tendre dévotion d’Annette plait-elle grandement à sa bonne mère du ciel, car celle-ci récompense sa servante par des privilèges les plus extraordinaires. Pendant plus de quarante ans, l’humble mère de famille reçoit un nombre incalculable de visites mariales. Trois révélations notoires nous sont transmises en détails par les hagiographes les plus éminents de la bienheureuse tertiaire : « le R.P. Bessières, s.j., Mgr Natali et son Em. le Card. Salotti. Nous nous contenterons de reproduire leurs témoignages.
« Priant un jour, dans l’église d’Ara Coeli, près d’un tableau de la vierge peint sur une colonne, Anna entend l’image qui s’anime lui dire : « Ma fille avertis le père N… que je me trouve ici sans lumière et que je veux y être particulièrement honorée. Si les pères ne font pas ce que je leur demande, je les y obligerai par des miracles ». Les pères firent la sourde oreille, mais les miracles amenèrent des ex-voto et… la conversion des pères. (Vie de la bienheureuse Anna-Marie par le P. Bessières p.142).
Et plus loin : « Au cours d’une extase, la vierge dicta elle-même a la bienheureuse une prière qui se répandit rapidement. Imprimée sous le nom de quelques personnes pieuses, car Anna ne voulut pas être nommée, cette prière fut présentée le 6 mars 1809 par le cardinal Pedicini a Pie VII qui l’approuva et l’enrichit d’indulgences » [1]
Enfin, le confident officiel d’Anne-Marie, Mgr Natali, dépose sous la foi du serment au procès de béatification : « Dans la nuit du 21 mars 1812, pendant qu’Anna priait la pieuse madone de soulager les douleurs du monde et particulièrement de l’Église, dans l’air lui apparut un globe représentant la terre, comme entourée de flammes qui menaçaient son entière destruction. En même temps, d’un côté lui apparut Jésus crucifié saignant abondamment. A ses pieds. La tres sainte vierge Marie avait déposé son manteau sur la terre et priait ardemment (son Fils) de vouloir suspendre sa colère en vertu du sang répandu pour les pécheurs. » (Procès de béatification, fol. 1135 ad 1136 ter. pp. 699-700).
Avec un dernier témoignage du R.P. Bessières, nous concluons que ces contacts merveilleux et prolongés avec notre Seigneur et la Vierge Marie n’ont pu que façonner son âme a l’image de ses célestes modèles. “ Ainsi”, termine le biographe jésuite, “pour connaître l’intérieur de Marie aurons-nous jamais un meilleur terme de comparaison que la vie de cette ouvrière, de cette épouse, de cette maman que fut Anna-Maria Taïgi?”
L’empereur et la romaine 1769 – La divine providence infiniment sage en tous ses desseins suscite en l’an 1769 deux puissantes personnalités. A Sienne, le 29 mai, Anna-Maria Gianetti voit le jour dans une pauvre famille. En face de la cité toscane, sur l’île de Corse, Napoléon Bonaparte nait le 15 aout, “fils de bourgeois appauvri”. Dieu qui se plait à exalter les humbles pour humilier les superbes, permet la rencontre des deux champions de l’Église et de l’État du XIXème siècle. “Trente ans plus tard, ils se rencontreront autour de la chaire de Pierre: lui, le vainqueur du monde, pour la renverser; elle, la pauvre épouse d’un portefaix, pour la défendre. Une fois de plus, la faiblesse aura le dernier mot”.
1784 – L'histoire conserve encore une lettre du soldat Napoléon a son père. Ce jeune blanc-bec de quinze ans commande avec autorité qu’on lui envoie sans délai de l’argent. Alors qu’il pose dans l’orgueil les fondements de sa future ascension au pouvoir, Anna se forme à l’humilité dans le modeste service de camérière, de femme de chambre...
1790 – Anna et Napoléon ont vingt et un ans et déjà leurs voies se dessinent. Après un an de mariage, la servante de Dieu s’engage sous l’inspiration divine à suivre notre Seigneur dans l’obscur sentier de la vie parfaite... Plein de lui-même, le jeune lieutenant poursuit la brillante route du succès, “oscillant entre la révolution et la réaction”. Les deux cependant gravissent leur calvaire: ceux-là, le glorieux calvaire de la rédemption; celui-ci du douloureux calvaire de la réjection.
Dans son mystérieux soleil, la voyante suit la rapide montée du génial militaire: et son cœur pressent déjà le désastre qui attend l’Église. Elle souffre, pleure et gémit. Bref, elle entreprend, selon “SA” méthode, la conversion de ce monstre infatué. Par un juste retour, Dieu la désigne pour vaincre par son humilité ce démon d’orgueil.
1804 – Le voilà empereur.
1808 – Il occupe Rome, dépose le pape et annexe les états pontificaux à son empire.
1809 - Après son excommunication, il traine en exil le vénérable pontife Pie VII. Et pendant cette terrible tragédie, la servante de Dieu souffre mille martyres intérieures, car elle voit de ses yeux les brutalités de l’empereur et les humiliations du Saint-Père. Son amour pour l’Église décuple son courage: elle visite pieds nus, en esprit de réparation, les sept stations romaines, jeûne, se flagelle, se mortifie et prie plus ardemment que jamais.
Alors que l’Europe entière baigne dans le sang de millions d’hommes, Notre Seigneur parle a son épouse: “Dis-moi pour quelle fin ai-je suscité Napoléon? Il (est) le ministre de ma colère pour punir l’iniquité des impies et humilier les superbes. Un impie a détruit d’autres impies”.
Mais les insistances de la sainte romaine “l’emportent sur la puissance des armes impériales”. “Après chacune de ses batailles ou elle ne sacrifie qu’elle-même, Dieu lui dit: Il sera fait selon ta volonté”.
1814 – Instruite surnaturellement du dénouement imprévisible de la campagne russe, elle annonce le désastre de Moscou et le retour de Pie VII à Rome le 24 mai, dimanche de la pentecôte. Perdue dans la foule immense des chrétiens qui acclament leur père revenu d’exil, Anna-Maria s’écrie avec une vive émotion et une foi profonde: “C’est l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem”,
1821 – Si la servante de Dieu a participé à la joie de la glorieuse victoire du pape, elle est aussi témoin de l’humiliante défaite de l’empereur. Le 5 mai, elle voit dans son soleil la mort de l’exilé, “son lit, ses dispositions, son tombeau, les cérémonies de ses funérailles, son sort dans le temps et dans l’éternité”. Le cardinal Fesch, oncle et créature de Napoléon, devenu disciple de la bienheureuse, semble nous en fournir l’indication lorsqu’il affirme: “Dieu ne l’a pas brisé. Il l’a humilié et c’est la voie du salut”.
Dans son décret d’introduction de la cause a la cour romaine, Pie IX déclare avec raison: “Sa vocation est d’abattre le faste du siècle, de rendre vaines les entreprises des impies... a qui Dieu oppose comme un rempart une simple femme”.
La mort d’une sainte Pour les enfants de Dieu, la mort, c’est le retour à la maison du Père. Leur cœur s’épanouit dans la joie et leur âme reflète une paix de paradis. La bienheureuse Anna-Maria Taïgi, renseignée surnaturellement sur sa mort prochaine, nourrit ces sentiments chrétiens dans l’attente de l’Époux...
Un soir la bonne maman de soixante-sept ans entretient une conversation avec sa fille Sofie: “Je te préviens”, dit-elle sur un ton prophétique, “Rome connaîtra ce fléau (la peste); soyez bons et pieux... faites le mois du précieux-sang (juillet)”. A sa fille qui proteste: “Nous le ferons ensemble”, la sainte mère se contente de sourire sans ajouter un mot, car, elle le sait, son pèlerinage sur terre s’achève...
Son pauvre corps, en effet, n’en peut plus de souffrance. Des maux de tête la tourmentent cruellement; un œil ne perçoit déjà plus la lumière; ses oreilles lui élancent vivement; son odorat “est empesté par l’atroce puanteur des péchés du monde”; son palais goute une saveur de fiel; l’asthme l’oppresse au point de la laisser parfois à demi morte; son estomac se refuse à toute nourriture soutenante; les rhumatismes disloquent les jointures de ses os; bref, en elle s’accumulent toutes les douleurs de l’humanité souffrante.
Malgré tout, elle parvient au mois de mai à se trainer à la basilique Saint-Paul-hors-les-murs. Dom Natali l’accompagne. En prière devant un crucifix, elle entend distinctement son céleste Époux l’avertir: “Tu vois cette église pour la dernière fois... Hâte-toi d’aller ou tu voudras parce qu’après ce sera fini”.
Le 26 octobre 1836, le mal augmente à tel point que la bienheureuse s’alite pour ne plus se relever. En plus des afflictions corporelles, la douleur de voir sa famille dans la misère brise son cœur. Au milieu même de ses tourments, elle ne cesse de répéter: “ Tout pour l’amour de Dieu”. Et les cimes de sa volonté baignent dans la lumière bienfaisante de la paix. C’est là le témoignage unanime de tous ceux qui l’ont assistée dans sa dernière maladie: “ Ala fin de sa vie, elle parvint à une tranquillité d’esprit et a une paisible union à Dieu qu’on ne saurait expliquer”. Oui, comment expliquer humainement “cette paix dans l’universelle crucifixion”.
Elle ne s’apitoie pas cependant sur son propre sort. A ceux qui s’informent de sa santé elle répond avec un sourire: “Remercions Dieu. Cela ne va mal”. Et ses vieux doigts habiles trouvent encore moyen de servir tout le monde jusqu’aux trois derniers jours.
Le lundi 2 juin 1837, un excès de fièvre se manifeste. Après sa communion, Anna-Maria est ravie en extase pendant plusieurs heures, Revenue a elle-même, elle annonce toute joyeuse a l’abbé Natali que vendredi elle doit quitter les siens pour le ciel. Le mardi, devant une recrudescence du mal, les médecins décident de recourir aux remèdes violents. La bienheureuse les avertit que tout s’avèrera inutile, mais, par obéissance aux docteurs et a son mari, elle accepte la funeste infusion. Mercredi, on lui apporte le saint viatique et un père trinitaire accorde à l’éminente tertiaire l’absolution et l’indulgence plénière in articulo mortis. Le jeudi 8 juin, dans la soirée, le vice-curé de sa paroisse lui administre l’extrême-onction et, selon une étrange coutume romaine, la famille se retire.
Semblable au Christ jusque dans sa mort, Anna-Maria quitte la terre abandonne de tous après trois heures d’agonie. Pauvre elle l’est jusqu’au dénuement puisque ses draps de lit sont le fruit de l’aumône. Dans ses “douleurs mortelles”, elle s’unit au Fils pour remettre entre les mains du Père son âme parfaite.
Le vendredi matin 9 juin, l’abbé Natali se réveille en sursaut. Quatre heures sonnent. Il s’empresse auprès du lit de la mourante qui râle déjà ses derniers soupirs. Et saintement comme elle a vécu, Anna-Maria Taïgi rend à Dieu la suprême offrande avant le lever du jours conformément à sa prédiction.
Les funérailles de cette pieuse femme passent inaperçues à cause de la peste qui sévit dans la ville éternelle. Mais bientôt la renommée de la sainte se répand comme l’arome d’un capiteux parfum. De son humble sépulture au Campo Verano, les pèlerins obtiennent son transfert a Notre-Dame-de-la-paix ou l’on constate la parfaite conservation de son coeprs confié a la terre dix-huit ans auparavant. A la juste demande des pères Trinitaires, l’illustre tertiaire est enfin déposée dans la crypte de Saint-Chrysogone d’ou, en 1920, on la retira pour exposer son corps a la vénération des fidèles dans la basilique elle-même sous l’autel dédié a la Vierge Marie. La figure tournée vers ses dévots pelerins, la bienheureuse recoit les hommages et les prieres des femmes, filles, épouses et mère en détresse.
Celle qui sans retour s’est immolée pour la gloire et l’exaltation de la Sainte Église se voit décerner enfin les honneurs de l’autel. Le 8 janvier 1863, le pape Pie IX signe le décret d’introduction de sa cause a la cour romaine. Le 4 mars 1906, saint Pie X proclame l’héroïcité de ses vertus. En la fête de la Très sainte Trinité, le 30 mai 1920, Benoit XV propose la nouvelle bienheureuse comme modèle des femmes chrétiennes, car elle est la seule mère de famille à mériter la gloire de la béatification sans avoir passé par le veuvage, le cloitre ou le martyre.
L’Église présente au monde la première sainte du foyer.
Conclusion: Fruits de vie Les saints, nos grands frères, jouissent au ciel d’une surabondance de vie. Le surplus de leur vitalité se déverse, comme la sève printanière, dans les sarments de cette vigne dont le Christ est le cep principal. Il se produit alors une efflorescence mystique: Tous les rameaux unis au tronc central se chargent de fruits de vie.
La bienheureuse Anna-Maria transmet aux membres du corps mystique le débordement de sa vie surnaturelle. En méditant les actes vertueux de son passage parmi les hommes, nous en arrivons à la même conclusion que saint Augustin: “Ce que celle-ci a réalisé, pourquoi moi ne le ferais-je pas?”.
Oui, pourquoi par exemple ne puis-je pas me protéger davantage contre l’influence néfaste de la propagande mondaine, constant péril pour la pureté de mon corps et de mon âme? Je suis au Christ par mon baptême, j’ai des obligations d’époux ou d’épouse, mes devoirs ressemblent absolument à ceux de cette humble et simple femme. Pourquoi ne m’en acquitterais-je pas avec autant de zèle, de fidélité et de joie?
Dans ce monde ou Dieu, parait-il, n’a plus sa raison d’être, ma foi est-elle une illusion puérile ou une force géante? Quel puissant exemple fournit à la faiblesse de ma croyance la robuste foi de la pauvre romaine! Dans un siècle qui nie ouvertement le surnaturel, son témoignage devient fulgurant: “Non seulement je crois au Dieu de la révélation chrétienne, mais je l’ai vu! Je l’ai vu chaque jour pendant un demi-siècle”. Bien que les dons célestes ne dépendant pas de ma volonté, il m’est pourtant possible de développer ce sens du divin en face des hommes qui le méprisent.
Mais le plus sublime de cette vie ne réside pas dans le miracle continu du soleil mystérieux. Ce qui me frappe le plus, c’est de penser que cette ignorante, cette “femmelette” a renversé par le seul fait de son existence les savantes théories des sans-Dieu et vaincu les armées “invincibles” de l’empereur. Comment? Par l’intensité de sa charité. Leçon formidable pour celui qui veut l’entendre. La mesure de ma force se calcule moins en poids de ma science ou aux ressources de ma puissance physique qu’au degré de ma charité.
Enfin se dégage de cette vie l’idéal auquel aspire inconsciemment notre société moderne: le respect des humbles. N’est-ce pas le sens profond des revendications du prolétariat contre l’exploitation capitaliste?
Comme la majorité de nos contemporains, Anna-Maria fait partie de la classe populaire, comme d'ailleurs Jésus, Marie et Joseph. Malgré les multiples occasions offertes à sa liberté, elle choisit de vivre pauvre, du travail de ses mains, sans vouloir sortir de la modeste condition ou l’a sagement placée la Providence.
La même occasion s’offre à moi, mais je la vois avec peine, dévoré que je suis par la recherche du confort et du bien-être. Ma pauvreté ne me déshonore pas; c’est moi plutôt qui la déshonore.
Ce témoin admirable qu’est la bienheureuse Taïgi m’invite à changer d’attitude. Puisqu’elle est parvenue à se sanctifier dans sa condition et dans son milieu, je le puis de même par la grâce de Dieu. Quelle force alors prendra ma vie entière contre l’utopie communiste qui promet richesse et vie facile au soir du grand jour.
Ma richesse n’est pas de ce monde et ma vie s’épanouira dans un monde meilleur. Fils bien-aimé du Père, frère de Jésus-Christ, fidèle ami du Saint-Esprit, ne puis-je pas aspirer de toute mon âme à la sainteté? Le maître m’y appelle: “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait”. La bienheureuse Anna-Maria me sert d’exemple. Alors j’y vais? En marche vers la céleste patrie...
Appendice 1: La dévotion à la Bienheureuse Anna-Maria Taigi au Canada
Dès leur arrivée à Montréal, dans le quartier Ville-Émard, les pères Trinitaires s’empressent de répandre en leur paroisse Saint-Jean-de-Matha la dévotion a l’humble mère de famille. Le révérendissime père François-Xavier de l’Immaculée-Conception. Ministre général de l’Ordre, s’adresse même à la bienheureuse pour obtenir une guérison miraculeuse. Sa prière trouve écho en paradis car, le 20 mai 1923, la puissante intercession de la servante de Dieu mérite la guérison instantanée de madame Cerminara menacée de perdre un pied à la suite d’un grave accident. Le 24 mai, la miraculée dépose elle-même ses béquilles à l’église paroissiale après une messe d’action de grâces.
Cette faveur céleste contribue largement à diffuser en terre canadienne le culte d’Anna-Maria Taigi. Tous les ans depuis 1935, les pèlerins se groupent plus nombreux pour suivre la neuvaine qui précède sa fête fixée au 9 juin.
L’érection canonique du tiers-ordre trinitaire au Canada en date du 23 avril 1945 favorise aussi le culte de celle qui en est la céleste patronne et le lumineux modèle.
La presse trinitaire déploie son activité dans le même sens. Déjà sont parus une biographie composée par le cardinal Charles Salotti et une traduction française de la même par l’abbé Camille Poisson, ainsi que des milliers d’images et de feuillets en son honneur.
En notre chère patrie ou prit naissance le culte a la sainte Famille, ou de plus son a l’honneur les familles nombreuses, puisse cette dévotion trouver de fidèles adhérents et de zélés propagateurs pour glorifier la très sainte Trinité en son admirable servante.
Appendice 2: La prière de la Bienheureuse
N.B. C’est la Sainte Vierge qui inspira à sa fille la prière suivante en signe de reconnaissance pour sa tendre dévotion. Présentée a Pie VII par Mgr Pedicini, elle fut approuvée par le pontife. Par un rescrit en date du 6 mars 1809, le pape accorda cent jours d’indulgences à tous les fidèles qui la réciteraient une fois par jour, et une indulgence pléniere a ceux qui la réciteraient tous les jours durant un mois entier aux conditions ordinaires.
A genoux à vos pieds, o grande Reine du ciel, je vous vénère avec le plus profond respect, et je confesse que vous êtes Fille de Dieu, Mère du Verbe divin, Épouse du Saint-Esprit. Vous êtes la trésorière et dispensatrice des divines miséricordes. Votre cœur très pur, rempli de charité, de douceur et de tendresse envers les pécheurs a fait que nous vous appelons Mère de la divine Pitié. Aussi est-ce avec une grande confiance que je me présente à vous, Mère très aimante. Me voici dans l’affliction et dans l’angoisse: daignez me montrer combien véritablement vous m’aimez en m’accordant la grâce que je vous demande, si elle est conforme à la volonté divine et avantageuse pour le salut de mon âme. Je vous en conjure, daignez tourner votre regard vers moi et vers ceux qui se sont recommandés plus particulièrement à mes prières. Voyez la guerre cruelle que font à nos âmes le démon, le monde et la chair, et combien ils font de victimes. Rappelez-vous, o tendre Mère, que nous sommes tous vos enfants rachetés par le sang très précieux de votre Fils unique. Daignez prier avec ardeur la très sainte Trinité de nous accorder la grâce de toujours vaincre le démon, le monde et les mauvaises passions, cette grâce efficace qui sanctifie les justes, convertit les pécheurs, détruit les hérésies, éclaire les infidèles et convertit les juifs à la vraie foi.
Demandez pour moi cette grâce, o Mère très aimante, par l’infinie bonté du très-haut, par les mérites de votre très saint Fils, par le lait dont l’avez nourri, par la sollicitude dont vous l’avez entouré, par l’amour dont vous l’avez aimé, par les larmes que vous avez versées, par les douleurs que vous avez endurées dans sa sainte Passion. Obtenez-nous ce grand don, que le monde entier ne forme qu’un seul peuple et une seule Église qui chante gloire, honneur et reconnaissance à la très sainte Trinité et a vous qui êtes la médiatrice de tout bien. Que la puissance du Père, la sagesse du Fils et la vertu du Saint-Esprit daignent m’accorder cette grâce.
Appendice 3: Prière de la Bienheureuse pour demande une grâce particulière
Louange éternelle soit à la très auguste Trinité qui vous a élevé à une si grande gloire dans le ciel, o bienheureuse Anna-Maria. Au milieu de votre bonheur, souvenez-vous de moi sur cette terre d’exil.
Demandez pour mon âme au Seigneur, o ma céleste avocate, le don d’une foi vive soit la règle de toutes mes œuvres; une ferme espérance qui me soutienne dans le combat spirituel et dans toutes les difficultés de la vie; une ardente charité qui m’unisse toujours plus à Dieu et m’inspire une grande horreur pour l’ombre même du péché. Obtenez-moi encore cette grâce que je vous demande si elle est conforme à la volonté de Dieu et utile à mon salut éternel. Ainsi soit-il.
Prière O bienheureuse Anna-Maria Taigi qui dans votre humble demeure et au milieu des occupations du siècle avec pratiqué jusqu’à l’héroïsme toutes les vertus chrétiennes obtenez-nous de Dieu la grâce de conformer notre vie aux exemples que vous nous avez laissés, afin de participer un jour à votre félicité dans le ciel. Ainsi soit-il.
[1]Cette prière à Notre-Dame de pitié se trouve au complet à l’appendice II de cette brochure, p.59

Tiré de: Jean-Paul Regimbal. Celle qui a vécu sa vie - Anna-Maria Taïgi Tertiaire de l’Ordre de la très sainte Trinité - Modèle des mères chrétiennes, Éditions Trinitas, 1955. Livre conservé a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska, a Granby (P049) et chez Bibliothèque et archives nationales du Québec, a Montréal (BANQ 922.245632 T1299r 1955)