La démocratie, c’est l’art du dialogue
Le 15 septembre est la Journée internationale de la démocratie
14 septembre 2024
On ne passera pas quatre chemins : la démocratie n’est pas un objectif vague à atteindre. Il s’agit plutôt d’un processus. Pour y entrer, il faut la pleine participation et l’appui de tous.
La démocratie nécessite qu’on ne brime pas la liberté d’expression. Chacun a le droit d’exprimer sa différence. L'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dit que « tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »
Dialoguer
Une chose que la vie m'a apprise, c'est que pour bien dialoguer et se comprendre, il faut écouter avec le cœur. C'est ce qu'on appelle l'empathie.
Ce n’est pas la première fois que j’écris sur le sujet. Il y a près de dix ans, le 21 septembre 2014, dans la défunte version québécoise du Huffington Post [1], j’abordais le sujet de l’art du dialogue empathique.
J’écrivais que pour y parvenir, une ouverture réciproque sans peur de l'autre est nécessaire parce que la peur est l'ennemi de l'ouverture. « Lorsque j'ai peur, une part de moi se referme. C'est un mécanisme normal de défense. »
Et j’ajoutais : « Savoir écouter, ce n'est pas seulement entendre ce que l'autre me dit. C'est surtout savoir saisir ce qu'il tente d'exprimer avec toute sa personne. C'est ce qu'on appelle le langage non verbal. On dit qu'à peine 7% de la communication humaine se fait avec des mots. Il y a tant de choses dont on ne trouve jamais le verbe pour l'exprimer.
Au-delà des paroles et des actions, qu'est-ce que le cœur de la personne devant qui je me retrouve veut exprimer ? Qu'est-ce que les attitudes et le langage de son corps disent ? J'aime l'idée que le corps placote autant que les syllabes en bouche.
La rencontre de cultures différentes - tout comme le dialogue intergénérationnel - se passe de la même manière qu'entre deux personnes qui tentent de se comprendre. »
Être soi
Ainsi donc, le point de départ d'un bon dialogue, c'est l'identité individuelle. Ainsi donc, ce sont deux « moi » - ou personnes - qui s'ouvrent un à l'autre ou, pour reprendre les termes de la série jeunesse « Passe-Partout », « deux fesses qui se connaissent ».
C'est un vieil adage : Il est impossible de bien connaître l'autre qui est devant moi, si je ne me connais pas moi-même. Et puis, je ne peux guère accueillir sa différence, si je suis incapable d'affirmer la mienne. Ainsi, pour apprécier une autre culture différente de la mienne, il faut avant tout aimer celle qui a fait de moi ce que je suis. Pour apprécier le pays d'autrui, il est préférable d'avoir visité le sien. L'autre n'est pas moi.
Ce que j’avançais dans le Huffington Post reste d’actualité : « Lorsqu'on veut véritablement comprendre culturellement l'autre, il est important de mettre de côté les réponses faciles, les propos superficiels et les idées préconçues. Et puis, éviter de se comporter en conquérants ou en « personne qui fait pitié ». Enfin, la rencontre avec une autre culture n'est possible qu'en restant humble ».
Je me souviendrai toujours de la réponse de l'abbé Dumont à Esther Létourneau dans le roman historique « Un amour éternel » d'André Mathieu (Éditions Coup d'œil) : « Je me demande de plus en plus s'il ne faut pas plutôt laisser la route reconnaître le voyageur ». Ainsi donc, le plus important est de se mettre en route et marcher ensemble sans rien précipiter. C’est cela l’art du dialogue qui conduit à une vraie démocratie.
____________________________
[1] Cf. Benoit Voyer. « Apprendre à dialoguer avec les Premières Nations afin de sortir des préjugés», Huffington Post Québec, 21 septembre 2014 (page consultée le 29 juillet 2024) huffpost.com/archive/qc/entry/apprendre-a-dialoguer-avec-les-premieres-nations-afin-de-sortir_b_5844076
Saint Alfred Bessette, le « bon frère André », le p'tit gars de Mont Saint-Grégoire
Par Benoit Voyer
14 septembre 2024
En 1832, une année après leur mariage, Isaac Bessette et Clothilde Foisy
s’installent sur ce qu’est devenu l’intersection de la montée et du rang du Grand-Bois,
du 3e et du 4e Rang Nord, a Mont Saint-Grégoire. Il
s’agit d’une pointe de terre située à 3,22 km du village.
Il est facile de s’y rendre. On emprunte la sortie 37 de l’autoroute 10,
on prend la route 227 en direction sud et Google Map indique le reste du chemin
a suivre.
De nos jours, sur le terrain se trouve une immense croix en pierre, bien
évidemment une statue de saint Joseph, un monument nous rappelant la maison
natale d’Alfred et un tas de pierres, vestiges du solage de la cabane de la
famille Bessette. Elle est faite en bois et ne contient qu’une pièce de 20
pieds par 17.
Dix des douze enfants Bessette naissent dans cette très modeste maison.
Alfred est le huitième bambin. Il nait le 9 août 1845.
Craignant pour sa vie, parce qu’il est très maigre, le bébé est baptisé
le lendemain. Le curé Pierre-Albert Sylvestre procède au rituel.
La famille Bessette quittera cette maison en 1850. Alfred a 4 ans. Ils
s’établiront à Farnham.
A l’âge de 12
ans, Alfred devient orphelin.
Intelligent,
mais de santé délicate, il fréquente très peu l'école. Il apprend à lire, mais pas
à écrire. Et il peut à peine signer son nom.
Alfred est
travaillant. Il sera boulanger, cordonnier, homme de ferme.
Comme plusieurs
canadiens, il œuvre dans les usines de textile de la Nouvelle-Angleterre, aux
États-Unis. Il revient au Canada en 1867.
Optimiste de
nature, malgré sa faible santé et des difficultés qu’il traverse, il ne se
plaint jamais.
Sa foi et sa
confiance en Dieu donnent du sens à sa vie. Celles-ci viennent de sa mère. Elle
lui a inculqué une grande confiance en saint Joseph, l'artisan discret de
Nazareth. Il s’abandonne à son intercession.
L'abbé André
Provençal, curé de la paroisse catholique de Saint-Césaire, remarquant sa piété
et son esprit de service. Il lui recommande d'entrer dans la communauté de
Sainte-Croix. Ils viennent de fonder un collège pour les garçons au village.
Alfred a 25
ans. Homme à tout faire, quasi analphabète et de santé fragile, on hésite à
l'accepter en communauté. On finira par le garder parce qu'il « prie très bien
».
Chez les Pères
de Sainte-Croix, il portera le nom du curé de Saint-Césaire: « le frère André».
Ces hommes
instruits, tous des instituteurs, un peu bourgeois dans l’âme, le regardent
souvent de haut, mais Alfred c’est l’humble gars de la communauté. Il effectue ses
travaux – ceux que personne ne veut faire - avec entrain, humour et sans jamais
se plaindre. Il portier, jardinier, commissionnaire, coiffeur, repasse le linge
des religieux… Il mène une vie en apparence banale, une existence qui pense-t-on
ne laisse pas de trace. Mais un feu l'habite.
En coupant les
cheveux aux élèves, il leur parle de la prière et de l'importance de la
communion fréquente.
Tous
connaissent sa dévotion à saint Joseph.
Des rumeurs
commencent à circuler: le frère André aurait guéri un élève à l'infirmerie. Au fil
des ans, les « guérisons »se multiplient.
Homme d’écoute
et de bons conseils, les gens se présentent au collège afin de se confier au « bon
frère ». Il devient le confident d’un grand nombre de personnes.
C’est vers
l’âge de 60 ans qu’il devient peu à peu un personnage public.
Après avoir
longuement hésités, les autorités du Collège Notre-Dame achètent le terrain
situé de l'autre côté de la rue.
En 1904, on y
érige une petite chapelle. C’est la naissance de l'Oratoire Saint-Joseph.
Chaque matin,
le frère André y monte pour accueillir les pèlerins qui sont de plus en plus
nombreux.
Dans son petit
« son bourreau », comme il dit, le confident reçoit de 200 à 300 personnes.
Pour lui ces longues heures d'écoute sont souvent pénibles.
Le frère André n'est
pas un magicien, ni un charlatan. C’est un homme qui parle avec son coeur de
son expérience personnelle: prière, confiance en Dieu, dévotion à saint Joseph…
Le frère André
meurt le 6 janvier 1937, à l'âge de 91 ans. L’humble oratoire est en voie de
devenir une basilique. Le toit et le dôme seront complétés l'année suivante.
La semaine qui
suit son entrée dans la gloire éternelle, un million de personnes, dit-on, passent
lui rendre hommage. Ils viennent de partout en Amérique du Nord.
Montréal a
connu un grand saint. Il est l’exemple parfait de ce que doit être un
cheminement spirituel authentique : « Devenir grand en se faisant
petit »[1].
La fête liturgique de saint Alfred Bessette, allias « le bon frère André » est le 6 janvier.
[1] Dans sa chanson « Te ressembler », Patrice
Vallée illustre bien qu’aurait pu chanter Alfred
Bessette : « Te ressembler chaque jour un peu plus. Te continuer dans
nos maisons nos rue. Être ton corps qui revit aujourd’hui à chaque endroit ou
servent tes amis. Devenir grand
en se faisant petit, en s’abaissant pour mieux donner sa vie, en se penchant sur un malade ami,
sur un enfant
qui pleure dans la nuit. Être un servant à l’autel de la vie. Donner son sang comme toi tu le fis.
En s’oubliant
pour celui qui gémit, pour le souffrant ou celle qu’on oublie. Donner son temps comme on donne le pain, en oubliant le
geste de la main, en s’arrêtant à celui qui le tient, reconnaissant les traits de Dieu qui vient. »