L’entrée dans le plan du Père


L’histoire du Salut comme l’histoire du monde ne résulte pas du caprice des hommes et du hasard des événements. La Trinité tout entière veille sur sa Création, la mène et la conduit au terme ultime de la plénitude des temps, « a la louange de gloire de sa grâce ». C’est pourquoi, il nous importe de connaître ce plan d’ensemble que Dieu-Amour a daigné révéler aux hommes au cours des millénaires sur lesquels s’étend l’évolution.

Saint Paul avoue clairement, dans son épitre aux Éphésiens, c. 3e, que Dieu lui a « accordé par révélation, la connaissance du mystère » (v. 3 et 4). Puis, au verset 5, il ajoute : « Ce mystère n’avait pas été communiqué aux hommes des temps passés comme il vient d’être révélé maintenant à ses apôtres et prophètes, dans l’Esprit : Les païens sont admis au même héritage, membres du Corps bénéficiaires de la même promesse, dans le Christ Jésus, par les moyens de l’évangile ».

C’est donc dire que, dans le plan du Père, c’est l’humanité tout entière qui est appelé au salut par et dans le Christ de sorte que le royaume de Dieu soit, en principe du moins, co-extensif a l’humanité elle-même. Non seulement Dieu veut sauver tous les hommes, mais il veut récapituler toute la création sous un seul chef : Jésus-Christ (Eph. 1,10).

Vatican II rappelle cette vérité fondamentale aussi bien dans la constitution dogmatique « Lumen Gentium » que dans son décret sur l’activité missionnaire « ad gentes ». Citons par exemple deux passages significatifs :

1- « Dans l’ordre actuelle des choses, dont découlent de nouvelles conditions pour l’humanité, l’Église, sel de la terre et lumière du monde (matt. 5 :13-14) est appelée de façon plus pressante à sauver et à rénover toute créature, afin que tout soit restauré dans le Christ et qu’en lui les hommes constituent une seule famille et un seul peuple de Dieu ». (Ad Gentes, Introd. par. 2)

2- « C’est ainsi que l’Église prie et travaille tous ensemble, afin que le monde entier devienne le peuple de Dieu et soit transformé en temple de l’Esprit saint; et que, dans le Christ, chef de tous les êtres, tout honneur et toute gloire soient rendus au créateur et Père de toutes choses. » (Lumen Gentium, no 17)

C’est pourquoi la sainte écriture ne cesse de nous inviter à entrer pleinement dans ce plan salvifique du Père, car il ne veut pas sauver le monde sans nous; bien au contraire, il a daigné nous appeler, dans la miséricorde de sa grâce, à devenir les bâtisseurs et les artisans de son royaume, en nous donnant le « pouvoir de devenir les enfants de Dieu », ses propres fils bien aimés dans son seul et unique vrai fils, Jésus-Christ, une « race choisie, un peuple saint, un peuple de prêtres, de prophètes et de rois (1 Pierre 2 :9). Cette invitation du Père s’exprime très souvent, dans le Nouveau Testament, par l’expression suivante : « Telle est la volonté de Dieu sur nous ».

Explorons ensemble maintenant quelques passages ou apparait cette expression manifeste de la « volonté » de Dieu :

1- « La volonté de Dieu : C’est votre sanctification » (1 Thess. 4 :3)
Déjà dans le sermon sur la montagne, Jésus nous a tracé l’idéal de sainteté auquel nous sommes conviés par le Père : « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » (Matt. 4 :48).

Saint Paul indique également le sens profond de notre vocation chrétienne : « C’est ainsi que Dieu le Père nous a élus en Jésus-Christ, dès avant la création du monde, pour être saints, immaculés et sans tache en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, a la louange de gloire de sa gloire ». (Eph. 1,4-6).

Saint Pierre n’est pas moins explicite sur ce point lors que dans la première épitre aux croyants de la diaspora, il les exhorte à la sainteté : « Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux caprices de jadis, du temps de votre ignorance.
Mais, de même que celui qui vous a appelé est saint, devenez saints vous aussi, dans toute votre conduite, selon qu’.il est écrit : « Vous serez saints, parce que moi je suis saint » (1 Pierre 1 14-16).

Or, la sainteté à laquelle nous sommes appelés n’est pas le résultat de nos efforts personnels, de notre vertu propre ou de notre volonté. C’est essentiellement l’œuvre de Dieu en nous, l’œuvre de sa grâce et de sa miséricorde. Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu d’abord, mais c’est lui qui nous a aimé le premier. Alors même que nous étions ses ennemis par le péché, il nous a fait le « don gratuit », le cadeau précieux, sans mérite de notre part, de devenir ses fils adoptifs en Jésus-Christ, notre sauveur et rédempteur.

II – « La volonté de Dieu, c’est que vous soyez conformes à l’image de son Fils » (Rm 8, 29)
Saint Paul continue à nous donner plus de détails sur le plan de salut initié par le Père et réalisé en la personne de son Fils bien-aimé, Jésus-Christ. « Car ceux que le Père a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; Ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. »

Cela ne veut certes pas dire que nous sommes purement passifs et que nous n’avons rien à faire : Dieu qui nous a créés sans nous, ne veut pas nous sauver sans nous. Ce qu’il demande, c’est la foi en son Fils Jésus-Christ : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, a ceux qui croient en son nom… » (Jn 1, 12). Nous avons donc à prononcer le oui de la foi, puis à vivre de la foi en acceptant de mourir au « vieil homme » pour qu’apparaisse « l’homme nouveau » regénéré dans le sang de l’agneau. (Romains 6 :2-4)

Le Seigneur nous demande d’acquiescer à sa volonté par amour et d’accepter de se laisser interpeller par sa Parole afin que germe en nous la semence de vie divine. Mais il désire par-dessus tout que nous nous laissions envahir par son Fils jusqu’à ce que nous puissions parler comme lui, penser comme lui, agir comme lui et sentir comme lui : « Ayez en vous les mêmes sentiments que le Seigneur Jésus » (Phil. 2 :5)

Or, d’après le plan du Père, comment cela doit-il se faire? Déjà Jean-Baptiste nous indique comment ce plan doit se réaliser : « Il faut qu’il croisse et que je diminue » (Jean 3 :30). Et saint Paul mène cette pensée a sa conclusion ultime : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus qui vit en moi » (Gal 2 :20). Il s’agit donc de se laisser saisir, par le Christ, posséder par le Christ, pénétrer par le Christ, transformer par le Christ, par un oui total, par un accueil inconditionnel du Christ qu’on a intronisé dans son cœur, dans sa volonté, dans tout son être, bref : dans sa vie.

Voilà bien ce que saint Paul nous apprend d’une façon claire et précise dans sa première épitre aux Corinthiens : « Car c’est par la volonté du Père que vous êtes dans le Christ Jésus qui, de par Dieu, est devenu pour nous notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption (1 Cor. 1 :30). Puis il nous en donne la raison profonde : « Afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur » (1 Cor. 1 :31).

III – « La volonté du Père, c’est que vous soyez remplis de l’Esprit saint » (Éphésiens 5 : 17-19)
La volonté salvifique du Père ne peut être que trinitaire puisqu’elle nous convie à participer à la vie même des trois personnes divines. Jésus nous l’avait déjà enseigné avant que Paul ne l’explique de façon plus élaborée : « Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là mon Père l’aimera, et nous viendrons en lui et nous ferons chez lui notre demeure » (Jean 14-23). Ce que Paul nous apprend dans son épitre aux Éphésiens, c’est la manière concrète et pratique d’entrer pleinement dans la volonté du Père :

« Ne soyez pas inconsidéré, mais sachez voir quelle est la volonté de Dieu sur vous. Ne vous enivrez pas de bon vin : On n’y trouve que libertinage. Soyez plutôt remplis de l’Esprit saint. »
On se souviendra que les apôtres, au jour de la pentecôte, donnèrent à tous l’impression d’être ivres après qu’ils furent remplis de l’Esprit saint.

La réponse de Pierre fut immédiate : Impossible d’être saoul à si bonne heure le matin. Puis il procéda à expliquer à la foule ce qui leur était arrivé : Voici que le petit groupe timide des disciples du Seigneur avait fait l’expérience fantastique du baptême dans l’Esprit saint dont Jésus leur avait parlé plusieurs fois, mais plus spécialement le jour de son ascension (voir Acte 1 :14-18). Ils n’avaient rien compris alors; mais voici qu’en ce jour inoubliable se réalisaient à la fois la promesse du Christ et la prophétie de Joel (3 : 1-5). Sous l’onction de l’Esprit saint, Pierre parla avec tant de conviction et de puissance que 3000 se convertirent au Christ Jésus de Nazareth (Acte 2 au complet).

La volonté de Dieu est toujours la même pour nous aujourd’hui au XXe siècle. N’est-ce pas d’ailleurs l’objet premier de la prière de Jean XXIII que toute l’Église adressa à Dieu le Père pendant la durée entière du concile : « Renouvelles-en notre temps les merveilles de la Pentecôte »

Il ne peut y avoir de renouveau spirituel en profondeur dans l’Église du Christ que si l’Esprit de Jésus-Christ ne la ravive, ne la revitalise de son souffle puissant et vivificateur. Il n’est donc pas étonnant de constater que si tôt après le concile (soit en 1967), ce souffle de pentecôte n’ait commencé à se faire manifeste à travers le monde. De plus en plus de catholiques sont en train de faire l’expérience de baptême dans l’Esprit saint (ce que j’expliquerai dans un futur article) donnant ainsi naissance à un authentique renouveau charismatique tout comme au temps de l’Église primitive. J’ai eu moi-même l’occasion de voir ces manifestations de l’Esprit saint[2] au Danemark, en Hollande, en Espagne, en Italie, à travers les États-Unis et d’un bout à l’autre du Canada, de l’Île-du-Prince-Édouard jusqu’à Vancouver. C’est un nouveau printemps dans l’Église et la promesse de fleurs nous annonce une riche moisson de fruits spirituels dans le monde entier.

IV – « La joie et la prière d’action de grâce, c’est la volonté de Dieu » (1 Thess. 5 : 16-20)
Le cadre de cet article est trop restreint pour pouvoir explorer complètement tous les passages d’écriture nous parlant de la volonté du Père. Mais je ne voudrais pas conclure avant d’avoir dit clairement que la volonté du Père, c’est que notre « joie soit parfaite » et que nous jouissions « de la plénitude de la vie, et de la vie surabondante » (Jean 10 :10; et 16 :24).

Le Père nous appelle à la joie et à la vie débordante en nous abreuvant aux sources vives qui jaillissent du cœur de son Fils bien-aimé Jésus-Christ. Et c’est dans le dialogue d’amour qu’est l’authentique prière chrétienne qu’on peut se renouveler sans cesse dans la joie et la vie.

« Restez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toute condition, soyez dans l’action de grâce. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit saint, ne dépréciez pas la prophétie, mais vérifiez tout : Ce qui est bon retenez-le; Gardez-le de toute espèce de mal ». (1 Thess. 5 : 16-22)

La principale source de joie pour le chrétien, c’est la pensée du glorieux avènement de Jésus-Christ : « Nous attendons sa venue dans la gloire » disons-nous dans l’acclamation de foi qui suit la consécration.

Oui, Jésus reviendra et son retour est prochain. Notre joie et notre consolation, c’est de savoir que nous sommes appelés à bâtir son royaume et à travailler comme signes et témoins du Christ afin que son règne social arrive enfin sur la terre comme au ciel.

Voilà le sens de notre baptême; Voilà le sens de notre confirmation; Voilà le sens de notre engagement apostolique. Mais notre bouclier c’est la foi, notre épée c’est la parole de Dieu et notre puissance c’est l’Esprit saint qui « prie en nous par des gémissements ineffables » (Romains 8 : 26-28). La prière du cœur et de l’Esprit, voilà bien qui est l’âme de tout apostolat; La force contre laquelle rien ne peut s’opposer. Et non pas la prière du quémandeur importunant sans cesse le ciel pour des petits riens qui visent ses intérêts mesquins et individuels. Mais bien la prière d’action de grâces, la prière de louange et de gloire, la prière de foi et de joie qui se sait déjà exaucée avant même qu’elle se réalise. C’est la prière de contemplation qui jaillit du cœur en cascades de merci plutôt qu’en bouillonnement de « Si » … Tout comme Jésus l’enseignait a ses apôtres : « Quand vous priez, priez comme si vous l’aviez déjà reçu et cela vous sera certainement donné », (Marc 11 :24).

Conclusion :
Comme on s’en rend vite compte, la volonté du Père n’est pas celle d’un tyran ou d’un gendarme, d’un colonel d’armée ou d’un dictateur insatiable. Non : Car le Père est amour et il ne veut rien de plus que nous vivions de l’amour, dans l’amour et pour l’amour.

Cette volonté du Père est savoureuse à connaître, mystérieuse à comprendre, merveilleuse à découvrir et facile à exécuter. Jamais le Père ne nous demande quelque chose au-dessus de nos forces. C’est pourquoi le chrétien qui se plaint sans cesse du fardeau des dix commandements et du caractère contraignant de la volonté de Dieu, devrait se demander sincèrement si ce n’est pas lui-même qu’il faut gronder plutôt que le Père tout aimant qui nous a aimés le premier…

Je suis persuadé que le chrétien triste, morose, dégonflé et plaignard, n’a tout simplement pas fait l’expérience authentique et personnelle avec le Christ, et très certainement n’a pas encore fait la découverte sensationnelle du baptême dans l’Esprit saint.

Pourtant, c’est là, tout prêt à recevoir, tel que promis par le Père : « Si vous, tout méchants que vous êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père du ciel donnera-t-il l’Esprit saint à celui qui l’en demande » (Luc 11 :13).

Terminons cet article sur la merveilleuse prière de saint Paul (Eph. 3 :14-19) :
« C’est pourquoi je fléchis le genou en présence du Père de toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom. Qu’il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur. Que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre la largeur, la longueur et la profondeur de l’amour du Christ. »

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinité Liberté, Vol.4 No 4, juillet-août 1971, pp.17 à 21. Revue conservée chez Bibliothèque et archives nationales du Québec (BANQ-PER120)