Par Benoit
Voyer
6
septembre 2024
Ce 8 septembre
est le 36e anniversaire du décès de Jean-Paul Regimbal.
Né le 4 juillet
1931, le père Jean-Paul Regimbal a été un véritable phénomène de l’histoire
religieuse du Québec, du Canada et du monde catholique. A son époque, il a
laissé bien peu de gens indifférents. Les uns étaient favorables à sa cause.
Les autres le voyaient comme un illuminé ayant ramené le fondamentalisme en
terre québécoise ou encore ils se moquaient de ce qu’on qualifiait
d’exagérations ou de sensibleries religieuses.
Au Québec, dans
notre mémoire collective, peu de religieux ont laissé une telle trace. Comme
Victor Lelièvre, Henri Roy et plusieurs autres, il a laissé la sienne. Il est
de cette race de passionnés qui a parlé de Dieu et qui a rejoint directement
les attentes intérieures de milliers de personnes.
Jean-Paul
Regimbal était un passionné. Il avait la passion des choses divines. Il s’est
donné corps, âme et esprit pour ce Jésus qui a séduit son cœur. Il n’a jamais
compté les heures. « Reposez-vous donc un peu! », lui disaient des
confrères. « Je me reposerai lorsque je serai dans ma tombe! »
répondait-il impulsivement, le sourire aux livres, puisque Jean-Paul avait un
bon sens de l’humour.
Plusieurs de ceux
et celles qui l’ont connu personnellement sont décédés. Néanmoins, il en reste
quelques-uns. Je fais partie de ceux-ci.
Lui et moi
Le père Jean-Paul Regimbal est étroitement lié à mon histoire personnelle et familiale.
A partir de janvier
1974, ma mère le suit et s’impliquera à la maison de ressourcement spirituel
des Trinitaires, à Granby.
En 2024, a 90
ans, il lui arrive encore, sporadiquement, d’aller faire acte de présence aux
retraites spirituelles du père Michel Vigneau. Michel a connu maman alors qu’il
était jeune novice. Ainsi, en 2024, il y a plus de 50 ans que maman fréquente
les Trinitaires et leurs retraitants.
De mon côté,
j’étais présent la première fois qu’elle a participé à une soirée de prière du
lundi animée par le père Jean-Paul Regimbal. J’avais 7 ou 8 ans, si mon
souvenir est bon. Bien entendu, je m’en souviens, même si je me suis endormi à
ses pieds sur une couverture. C’était une longue soirée pour un jeune garçon.
Plusieurs
années plus tard, mon père fera de même. Devenu un visage familier dans le
réseau granbyen du père Regimbal, il sera le dernier à le visiter à l’hôpital
de Granby le soir de son décès, le 8 septembre 1988.
Une mission
particulière
Un jour, en tête à tête, Jean-Paul me dit : « Je me permets une
petite confidence. Dans la prière, le Seigneur m’inspire. Souvent, il met dans
mon cœur des certitudes. Lui, il est appelé à ceci. Un autre est appelé à ça.
Et, étonnamment, grâce à l’Esprit saint, je suis bien aiguillé. Mais depuis
quelques années, je n’y arrive pas avec toi. Ma seule certitude est que tu es
appelé à une mission particulière, c’est-à-dire a quelque chose que le Seigneur
sait et qu’il te révélera lui-même ». Il m’a fallu longtemps pour
comprendre cette chose si simple.
A l’automne
2023, en effectuant mon travail de relecture de vie, j’ai pris conscience – Et
ça a été comme une révélation pour moi – qu’une grande partie de mon histoire
personnelle et familiale est mêlée de près ou de loin au père Jean-Paul
Regimbal et à son ordre religieux.
Je l’ai assez
bien connu. Je dis assez bien, puisque j’ai reçu, au fil des années, plusieurs
confidences de ses frères Trinitaires et de personnes qui l’ont connu.
Jean-Paul était
un homme fort intelligent, ayant une grande foi en la Trinité, loyal à son
ordre religieux et à l’écoute de ses supérieurs. Et surtout, il avait un grand
amour pour les gens qu’il côtoyait, en particulier pour ceux vivant des
parcours de vie particulier et, pour reprendre l’expression, « pas
toujours catholique ».
Ainsi donc, j’ai
baigné dans l’univers de Jean-Paul, particulièrement chez les Trinitaires, à
Granby, à partir de mes 14 ans.
Dès 1981, je m’
implique au sein de plusieurs de ses œuvres et j’en ai fréquentées plusieurs
autres.
Plus tard, devenu
adulte, lorsque je serai un artisan des médias, je poursuivrai ma découverte
des suites de son travail apostolique.
Concrètement,
j’ai été et je suis un témoin.
Chercher,
lire, analyser et écrire
J’écris sur ma vie. Pour l’instant, ma démarche est simple et je souhaite
qu’elle le demeure : Mon document autobiographique parle avant tout de mon
univers personnel et des rencontres que j’ai eu le privilège de faire à titre
de journaliste. En peu de mots : Je relate ce que j’ai vécu, lu et entendu
au fil des ans.
Inévitablement,
puisque son histoire croise la mienne de 1974 à 1988, j’écris sur le père Jean-Paul
Regimbal.
En dépouillant
le fonds d’archives que j’ai déposé à la Société d’histoire de la Haute-Yamaska
autour de l’an 2000 et à l’aide d’anciennes publications retrouvées aux
Archives nationales du Québec (les miennes et bien d’autres), je résume - si
possible de manière chronologique – tous les documents que je peux consulter.
A la fin du
mois de décembre 2023, j’ai retrouvé un petit opus que j’ai écrit en 1998. Il
s’appelle « Nul n’est prophète… - Jean-Paul Regimbal et son
œuvre ». A cette époque, j’étais
responsable des communications de la maison des Trinitaires, à Granby. Ma
petite recherche visait à rédiger quelques « trucs » sur le père Trinitaire
en vue d’une fête ayant pour but de souligner le 10e anniversaire de
son décès. Le texte a servi à la rédaction d’articles qui ont été diffusées dans
plusieurs publications et au contenu de l’émission radiophonique
« Rencontre spirituelle » a Radio Ville-Marie et a une conférence
donnée par Raymond Beaugrand-Champagne, l’animateur de ce rendez-vous quotidien.
Bien entendu,
afin d’en faire une analyse sérieuse et y retrouver des inspirations pour ma
relecture de vie, je l’ai retranscrit. Durant mes heures de travail devant mon
ordinateur – transcrire un long texte est un travail de moine -, j’ai fait de
longues intériorisations. Puisque je suis un témoin, j’ai décidé de réécrire le
document, d’en tirer les éléments autobiographiques et de poursuivre ce travail
de recherche sur Jean-Paul Regimbal en résumant dans le nouveau texte tout ce
que j’intercepte en effectuant mon travail autobiographique. En d’autres
termes, je garde le focus sur mon premier objectif, mais en parallèle, je
traite maintenant les documents en lien avec Jean-Paul en vue de faire une
nouvelle petite biographique.
Jean-Paul
Regimbal est-il un saint?
Je veux répondre à une question qu’on me pose souvent : Est-ce que
Jean-Paul Regimbal est un saint?
Réponse :
Je n’en sais rien.
Néanmoins, je
me permets quelques commentaires.
Ma première
réflexion est que Jean-Paul Regimbal est à regarder avec une pointe
d’humour : Sa grande qualité d’émerveillement, son côté émotif (je
rappelle que c’est à la base un artiste) et sa tendance à grossir les faits
réels me font souvent sourire.
Comme je l’ai
écrit, je travaille à résumer ce que j’ai en main à son sujet et à rendre
témoignage de ce que j’ai vu, en entendu et vécu auprès de lui, mais j’aimerais
bien que des théologiens, des psychologues et d’autres spécialistes scrutent
Jean-Paul afin de découvrir d’autres angles de ce qu’il a été et son message
humain et spirituel. J’avoue que Jean-Paul Regimbal est un sujet de recherche
fort intéressant.
Cependant, sur
le plan de religieux, sa grande foi, son intense désir de Dieu, son espérance
exemplaire en celui-ci et son grand amour de la Très sainte Trinité et de ses
contemporains sont des exemples à imiter.
De plus, les
fondements de ses entretiens sur la foi sont d’une grande richesse même si
parfois il avance des idées qui ne me plaisent pas ou qui me paraissent
farfelues.
Ceux qui comme
moi l’ont connu savent ce qui l’animait intérieurement : C’est de vivre
totalement de l’esprit biblique, sans tiédeur. Son enseignement a toujours été
un appel à faire l’option radicale de Jésus Christ et à entrer dans le mystère
trinitaire.
De son côté, le
Vatican demande d’être prudents sur le point de l’« officialité » de
sa sainteté tant que les démarches d’usage ne seront pas commencées et
complétées.
Voici les
étapes que Jean-Paul Regimbal aurait à franchir selon la tradition de l’Église
catholique :
Dans un premier
temps, il faut qu’il y ait une volonté populaire pour que sa cause soit
introduite au Vatican et, en second lieu, il y a une somme considérable de
renseignements à réunir. Sur ce point, mon travail de recherche-rédaction peut
devenir un bon élément de départ.
Enfin, il faut
convaincre un des évêques des diocèses ou il a travaillé et habité de
reconnaître en Jean-Paul Regimbal une trace de sainteté. Ces évêques sont ceux
de Saint-Hyacinthe, de Saint-Jean Longueuil, de Montréal et de Sault
Sainte-Marie.
Le diocèse qui
présentera sa cause au Vatican devra recueillir toute la documentation possible
qui permettra d’écrire une biographie critico-historique pour connaître le
religieux dans ses moindres détails, de sa naissance jusqu’à sa mort.
Cette
« biographie officielle » sera plus ou moins grosse selon les
problèmes rencontrés. Elle aura de 500 à 1000 pages. Peut-être davantage! On
appelle cette étude une « positio »
Une fois cette
étape franchie, le Vatican s’attardera à la dimension théologique. Ce travail
consistera à démontrer que cet homme originaire de l’Ontario a vécu l’Évangile
de manière héroïque, c’est-à-dire au-dessus du commun des fidèles.
Quelques années
plus tard, des historiens et des théologiens regarderont si le travail a été
bien réalisé.
S’il n’y a pas
d’obstacles sur la route, un comité de cardinaux scrutera le dossier et le
recommandera au pape.
Entre le début
et la fin du processus, au moins 15 années se seront écoulées. C’est à ce
moment que le pape pourrait donner au père Jean-Paul Regimbal le titre de
« vénérable ».
Ainsi nommé,
les Catholiques seraient assurés que cet homme de foi est un véritable
intercesseur auprès de Dieu. Avec ce
titre, le « vénérable Jean-Paul Regimbal » devra tout de même se
contenter de la ferveur privée des fidèles.
Pour être
considéré comme un « bienheureux », il devra accomplir un miracle
certifié par la médecine. Il faut une preuve qui ne laisse aucun doute qu’il
est au royaume de Dieu, au paradis. C’est pour cela que l’Église exige un
miracle. Le bienheureux Jean-Paul devra en accomplir un second pour être
canonisé.
Le titre de
« bienheureux » permet à un diocèse ou à une région ou à une
congrégation religieuse de vouer un culte public au personnage.
Enfin, la
canonisation proposera celui-ci comme un modèle à imiter par l’Église
universelle. A ce titre, il aura une place particulière au calendrier
liturgique. Habituellement, la fête liturgique coïncide avec la date du décès
puisque c’est son entrée dans l’éternité, l’entrée dans la lumière divine.
Ainsi donc, si
Jean-Paul Regimbal traverse ce processus, l’Église devrait souligner sa mémoire
liturgique le 8 septembre, jour de son « entrée dans la gloire des
bienheureux et saints du ciel ».
Autrefois,
toute la documentation qui arrivait au Vatican était examinée par l’avocat de
la cause qui démontrait l’héroïcité des vertus.
De son côté, le
promoteur de la foi (vulgairement appelé « l’avocat du diable »)
cherchait dans cette littérature ce qui était négatif. Le candidat était jugé à
trois reprises.
Depuis 1983,
les règles sont plus souples. Ce sont maintenant des historiens qui font un
récit objectif du candidat.
S’il est
impossible de répondre à certaines difficultés, a certaines objections, la
Congrégation pour la cause des saints peut arrêter ou suspendre la démarche.
Ainsi donc, il
est prématuré d’arriver à la conclusion que le père Jean-Paul Regimbal est un
saint.
Il est
cependant possible, à titre personnel, de croire qu’il est un fidèle
intercesseur auprès de Dieu et de l’invoquer dans ses prières intimes. C’est ce
qu’on appelle « la communion des saints ».
Pour les
croyants, les défunts ne sont jamais morts, ils sont auprès de Dieu. La
profession de foi des Catholiques qui est proclamée d’une semaine à l’autre
dans les célébrations eucharistiques fait référence à cela.
Ainsi donc, si
on a foi au Dieu révélé par Jésus le nazaréen, on peut aussi inscrire la date
du 8 septembre dans son agenda personnel afin de perpétuer sa mémoire.
Et en tout
temps, on peut aller se recueillir sur sa dépouille au cimetière Saint-Antoine,
à Longueuil, situé à quelques pas de la cathédrale du diocèse de
Saint-Jean-Longueuil ou repose la bienheureuse Marie-Rose Durocher.
Une note :
Le 29 mai 1998, a l’occasion d’une rencontre informelle a son bureau, à
Montréal, le supérieur provincial des Trinitaires au Canada de l’époque, le
regretté père Sylvio Michaud, m’a demandé d’être très prudent dans ma démarche de
recherche, d’analyse et de rédaction parce que la sainteté de Jean-Paul
Regimbal n’est pas encore reconnue par le Vatican. Bien entendu, je l’ai assuré
être en accord avec lui et que ma démarche est d’ordre historique.
Je le pense
vraiment : un Catholique qui veut vivre en communion avec la grande
Église, respectera cela et, dans son discours, en fera référence. Élever
Regimbal a la gloire des saints avant que la sérieuse enquête soit terminée,
pourrait nuire au processus.
A mes yeux, la
démarche d’enquête du Vatican est un acte de grande sagesse afin de ne pas
présenter au calendrier des saints des personnes qui ne sont pas de vrais
modèles.
C’est déjà
arrivé qu’on ait dû retirer des saints du calendrier. Rapidement, il me vient à
l’esprit les cas de saint Christophe et saint Alexis qui, en réalité, n’ont
jamais existés.
En janvier
2024, il y a eu aussi l’histoire de la mystique italienne Luisa Piccaretta dont
la béatification a été refusé par le Vatican.
Les difficultés
relevées dans ses écrits étaient de nature à la fois…
a Théologique : une conception de la
divine Volonté trop mécanique et obsessionnelle ne semblant pas laisser à
l’humain la possibilité d’exercer son libre arbitre;
b) Christologique : une doctrine de la
réparation et de la spiritualité « victimale » n’intégrant pas le
primat de l’amour miséricordieux, immérité et inconditionnel de Dieu et
risquant d’annuler ou relativiser l’offrande libre et gratuite du Rédempteur;
c) Et, anthropologique : une
spiritualité marquée par un pessimisme sur la nature humaine avec peu de
références à la résurrection du Christ, à l’espérance chrétienne, à la grâce
sanctifiante, à la bonté de la création et à la communion ecclésiale.
Appel à
l’aide
Vous avez en main des documents à
mon sujet ou au sujet du père Jean-Paul Regimbal (enregistrements audio et
vidéo, correspondance, articles journalistiques, photographies, etc.) ?
J’aimerais beaucoup en prendre connaissance. Tous documents que vous me donnerez
(ou les copies) seront déposés à la Société d’histoire de la Haute-Yamaska afin
que les futures générations se souviennent de l’homme qu’il a été. Ces
documents seront conservés dans les meilleures conditions archivistique qui
soit et resteront disponible aux chercheurs.