A la découverte de Jésus le Fils


Il n’est peut-être pas inutile de rappeler dès le commencement de cet article, un principe fondamental déjà énoncé au tout début de cette série sur la spiritualité trinitaire. On peut formuler ce principe comme ceci :

« La qualité et l’efficacité de notre action apostolique est en rapport direct avec l’intimité et la vitalité de nos relations interpersonnelles avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit ».
En effet, la religion chrétienne n’est pas avant tout une doctrine, un système dogmatique de croyances, ni même un culte rituel : C’est d’abord et avant tout l’amour et le service de trois personnes distinctes parfaitement unies dans une seule et même nature divine.
Puisque nous avons parlé de nos relations avec le Père, traitons aujourd’hui de son Fils, Jésus Christ qui ne s’est pas prévalu de son égalité avec le Père, mais s’est anéanti lui-même pour prendre la condition d’esclave et devenir semblable aux hommes. « C’est par amour, et par amour, seulement et gratuitement, « il s’est humilié plus encore en se faisant obéissant jusqu’à la mort, et a la mort de la croix… » C’est pourquoi Dieu, son Père l’a exalté et lui a donné un nom au-dessus de tout nom… afin que toute langue proclame de Jésus-Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2, 6-11).
I-Jésus connu
Jésus l’a dit clairement, durant le sermon après la cène : « La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, o Père, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ (Jean 17,3).
Mais, il y a diverses manières de connaître Jésus-Christ, et toutes ne conduisent pas à la vie éternelle. Il y a cette connaissance intellectuelle de Jésus, comme personnage historique qu’aucun homme cultivé, à travers le monde, ne peut ignorer. Connaître Jésus de Nazareth de cette manière, ne conduit guère plus au salut que la connaissance d’autres personnages tels Aristote, Platon, César, Néron, Napoléon ou Hitler…
Il s’agit bien plutôt de la connaissance de la foi qui nous permet de non seulement croire en son existence historique, mais bien davantage à sa mort et sa résurrection, croire en sa personne et en son enseignement de lumière et de vie.
Beaucoup de chrétiens, catholiques et non-catholiques, croient ainsi à Jésus de cette connaissance de foi, mais leur connaissance au sujet de Jésus, de son Église, de son enseignement, plutôt qu’a une rencontre personnelle et intime avec Jésus, le Christ vivant et ressuscité, « Celui qui est le même aujourd’hui, qu’hier et à jamais. (Hébreux 13,3)
Cette connaissance « expérimentale et existentielle avec le Christ Vivant » n’est guère une connaissance de tête, mais bien plutôt une connaissance du cœur dans le sens ou en parle saint Paul en trois endroits :
a) Éphésien 1,18 : « Daigne le Dieu de N.S.J.C., le Père de gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation qu’il vous le fasse vraiment connaitre. Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous offre son appel… »
b) Éphésiens 3,17 : « Que le Christ habite vos cœurs par la foi… »
c) II Corinthiens 4,7 : « En effet, le Dieu qui a dit : Que du sein des ténèbres brille la lumière, est celui qui brille dans nos cœurs, pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ. »
Connaître le Christ en esprit et en vérité, c’est non seulement savoir qui il est, c’est-à-dire, le Fils unique du Père, vrai Dieu est vrai Homme, incarné par amour pour sauver tous les hommes, mort sur la croix pour la rémission de tous les péchés, et ressuscité d’entre les morts, le troisième jour, comme il l’avait annoncé, monté à la droite du Père en attendant le Jour de son Glorieux retour ou il viendra juger les vivants et les morts ; mais d’abord et avant tout l’inviter en sa vie et en son cœur, pour qu’il soit Roi et Maître de tout son être, de son avenir, de sa volonté, de son activité, de sa famille, de sa profession, de son lieu de travail, de sa ville, de son pays et du monde entier. « Je me tiens à la porte de ton cœur et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. » (Apocalypse 3,20).
Connaître Jésus, c’est en vivre, c’est le suivre pas à pas, c’est se nourrir de sa Parole, d son Pardon, de son Corps et de son Sang ;
Connaître Jésus, c’est en faire l’expérience personnelle jour après jour, dans le dialogue palpitant de la prière et de l’oraison ; C’est d’en expérimenter la puissance à l’œuvre dans les personnes et les événements ; C’est d’en entendre la voix au fond de soi-même, nous demander l’impossible en nous donnant la calme assurance que cela se fera ; C’est par-dessus tout en savourer la délicieuse présence, le précieux enseignement et le puissant amour. Oui, vraiment, Jésus est bien le Dieu des vivants et non des morts. Les théologiens qui ont décrété la mort de Dieu, ne l’ont certes pas connu. Non seulement, il n’est pas mort, mais il n’a jamais été si vigoureux, ni si plein de santé…
Connaître Jésus de la connaissance du cœur par la foi, comme sauveur et comme Dieu : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, a ceux qui croient en son nom… » (Jean 1,12). Connaître Jésus c’est co-naître par lui, avec lui et en lui, a la vie même de la Trinité, en devenant Fils dans le vrai et l’unique vrai-Fils ; C’est naître à la vie de l’Esprit ; C’est naître par la régénération en son sang à la Vie de la grâce et à la vie éternelle…
II-Jésus re-connu
Il est tout à fait intéressant de constater qu’après la résurrection de Jésus-Christ, tous ceux qui l’avaient connu avant sa mort, ne le re-connurent pas instantanément dès qu’il se montrait à eux. Marie-Madeleine l’a pris pour le jardinier, les disciples d’Emmaüs firent une longue journée de marche avec lui et ne l’ont re-connu qu’a la fraction du pain (l’eucharistie) ; Pierre et Jean ont mis un bon moment avant de re-connaître celui qui leur parlait de la berge ; quant à Thomas, il n’a voulu re-connaître Jésus qu’à la condition explicite de mettre ses doigts dans la plaie de ses mains et la main dans la plaie de son côté. Mais après l’avoir re-connu, ils se sont prosternés en disant, chacun a sa manière : « C’est le maître » ou « Mon Seigneur et mo Dieu ».
A) Reconnaissance personnelle : Chacun, dans sa vie de chrétien, doit en venir un jour a re-connaître Jésus dans une expérience vivante et inoubliable : re-connaître sa Seigneurie sur sa vie ; re-connaître que, sans lui, on ne peut rien faire ; re-connaître que c’est vraiment lui qui nous donne l’être, le mouvement et l’agir ; re-connaître qu’on peut tout en celui qui nous fortifie ; re-connaître que chacun a la responsabilité d’être un signe efficace et un témoin convaincu du Christ ressuscité ; que chacun a le devoir de bâtir et d’étendre le règne social de Jésus-Christ : le royaume de Dieu sur la terre des hommes. Cette re-connaissance, si elle est authentique et vécue, se reflétera dans une conversion totale des attitudes, de la mentalité, du comportement et de la vie, de sorte que chacun pourra dire comme Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2,20).
De la jaillira une gratitude profonde, une reconnaissance affective, un amen de gloire et un alléluia de jubilation de se savoir tant aimé par Dieu au point qu’il nous a donné son propre Fils comme sauveur et rédempteur. « Nous avons re-connu l’amour que le Père a pour nous et nous y avons cru » (1 Jean 4,16).
B) Reconnaissance ecclésiale : La grande tragédie de nos temps troublés, c’est qu’il y a trop de catholiques et pas assez de chrétiens… Je m’explique : un trop grand nombre de catholiques s’imaginent que c’est leur appartenance à l’Église qui est garantie de salut. Or, l’Église n’est pas un club social, une agence d’assurance-vie éternelle, un genre de fan-club qui a pour idole le Christ-super-vedette… Non, l’Église c’est le Corps du Christ, c’est le peuple de Dieu qui suit le Christ, connu et re-connu, depuis le calvaire jusqu’à la Parousie.
C’est parce que trop de catholiques sont convertis à l’Église plutôt qu’a Jésus-Christ que l’on voit tant et tant de « pratiquants » rejeter ou abandonner la « pratique religieuse » parce que, disent-ils, l’Église a changé trop de choses depuis le concile.
C’est non seulement à chaque croyant à se convertir au Christ Jésus, mais c’est à l’Église tout entière, au peuple de Dieu, communautairement, a re-connaître que Jésus est le chef de l’Église, le seul et unique médiateur entre Dieu et les hommes. L’Église est certainement le sacrement du Christ, et le lieu normal du salut, mais l’Église n’est pas la cause du salut.
Si l’Église est l’épouse du Christ, elle n’est certes pas le Christ en personne ! Enfin, si l’Église est le signe et le témoin de la lumière, l’Église n’est pas, par elle-même, la lumière puisque c’est le Christ qui est la seule voie, la seule vérité, la seule vie et la seule lumière substantielle qui luit dans les ténèbres.
Ce qui est urgent pour chaque chrétien en particulier et pour l’Église en général, c’est une rénovation spirituelle en profondeur, non seulement pour découvrir les mystères du Christ, mais surtout pour en vivre quotidiennement. La Volonté du Père, c’est que nous devenions conformes à l’image du Christ, que nous revêtions le Christ, que nous nous enracinions dans le Christ, que nous proclamions le Christ et que nous ayons, en nous et entre nous, les mêmes sentiments dans le Christ Jésus.
Conclusion :
Renouvelons-nous, selon la pensée de Paul et à la demande expresse du concile, par une véritable révolution spirituelle de notre jugement et revêtons l’Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité (Eph. 4, 23-24).
1) Laissons-nous attirer par le Christ : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi » (Jean 12,32) ;
2) Laissons-nous posséder par le Christ : « Tout vous appartient, mais vous appartenez au Christ et le Christ appartient à Dieu » (1 Cor 3,23) ;
3) Laissons-nous habiter par le Christ : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi » (Ephésiens 3,17) ;
4) Laissons-nous transformer par le Christ : « De par la volonté du Père le Christ est devenu notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption… » (1 Cor 1,30).
Terminons avec la prière de saint Paul dans le chapitre 3eaux Éphésiens :
D’abord la connaissance :
« Je fléchis le genou en présence du Père, de qui toute paternité, au ciel est sur terre, tire son nom. Qu’il daigne, selon la sagesse de sa gloire, vous armer de puisse par son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur, que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi, vous recevez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, vous comprendrez et connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute puissance et vous entrerez par notre plénitude, dans toute la plénitude de Dieu » (Ep. 3, 14-19).
Puis la reconnaissance :
« A celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà de tout ce que nous pouvons, demander ou concevoir, a lui la gloire, dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles ». Amen. (Ep 3, 20-21)
Jean-Paul Regimbal
Tiré de: Trinité Liberté, Vol.4 No 5, septembre-octobre 1971, pp.4 à 7. Revue conservée chez Bibliothèque et archives nationales du Québec, a Montréal (BANQ-PER120)