Changer de comportement, réviser son système de valeurs
réajuster son mode d’agir à un nouveau système de valeurs, qu’est-ce donc sinon
la description du phénomène extraordinaire qu’on appelle la CONVERSION ?
C’est même à se demander s’il peut y avoir une réhabilitation authentique et
durable sans une authentique conversion ?
Notre brève étude voudrait d’abord définir le terme de
« CONVERSION » avant de mettre en lumière la psycho-dynamique
particulière de ce phénomène tel qu’observé chez certains criminels. Pour
terminer, nous voudrions souligner les relations qui existent entre la
CONVERSION et la RÉHABILITATION.
1.Définition
La langue française emploie le terme CONVERSION dans
plusieurs sens : en langage militaire, la conversion signifie « un
changement de front » ; dans la marine, la conversion désigne
« un mouvement circulaire exécuté par un corps de bâtiment » ;
En mécanique, on parlera d’un « centre de conversion ». En d’autres
domaines, on parlera de « conversion de rente », de « conversion
d’équations », de « conversion de maladie ».
Dans le contexte de la présente étude, le
terme CONVERSION se réfère à un phénomène psychologique très précis.
Il est pris dans son acceptation intellectuelle et morale bien qu’il conserve
quelque chose de son acceptation physique. En effet, dans son sens PHYSIQUE, le
terme « convertir » implique l’idée de se « tourner vers »
un but nouveau, soir encore l’idée de « pivoter sur soi-même », soit
enfin de « retourner et revenir vers son point d’origine ».
C’est donc au sens figuré et métaphorique qu’on emploie
le terme CONVERSION sur le plan intellectuel et moral. De la notion
d’orientation physique, on passe à celle de changement d’orientation
intellectuelle et morale.
Au figuré, le terme CONVERSION évoquera encore l’idée de
« tourner son attention vers quelque chose ou vers quelqu’un ». On
rencontre encore le terme CONVERSION dans le sens de « se tourner vers un
but » ou marque alors un objectif, une intention finale.
Dans un excellent ouvrage « LE PROBLEME DE LA
CONVERSION » (1), le Rev. Père Paul Aubin, s.j., scrute en profondeur la
signification du terme de conversion tel qu’employé par les auteurs profanes et
sacrés. Au terme d’une exégèse rigoureuse, l’auteur reconnaît deux types de
conversions : la conversion philosophique ou profane, et la conversion
religieuse ou chrétienne. En comparant
les deux, l’auteur conclut :
« Conversion
philosophique et conversion chrétienne n’ont souvent
de commun que le nom ; et pourtant, l’une et l’autre sont présentées
comme un mouvement essentiel de vie spirituelle et morale…
Leur différence apparaît vite si l’on fait attention à certaines expressions
que les uns emploient plus facilement que d’autres…
Le christianisme, par exemple, unit très usuellement de mot
« épistrophe » au mot « metonoiein ». Rien de tel chez les
philosophes ou l’expression « se tourner sur soi-même » est
typique » (p.186).
En d’autres termes, la conversion chrétienne est
« vers le Seigneur » et implique le dépouillement de soi-même pour
adopter les idées nouvelle (métanoia) alors que la conversion philosophique ou
profane se fait « vers soi-même » et implique l’idée d’une découverte
progressive de ses ressources personnelles.
Dans le contexte de la psychologie moderne, il faudrait
rapprocher la « conversion philosophique » a « l’insight »,
c’est-à-dire a un effort d’introspection et d’auto-analyse qui permet au sujet
de prendre conscience de soi-même et de se situer dans le contexte global de la
vie sociale.
Par ailleurs, la conversion chrétienne repose
essentiellement sur la découverte de QUELQU’UN vers qui on se retourne. C’est
la découverte de l’AUTRE avec qui on établit des rapports de personne à
personne, et cet AUTRE c’est DIEU. C’est donc la prise de conscience de
soi-même mais en face d’un AUTRE vers lequel on tend. Au lieu de se situer
soi-même au sein de contingences bio-psycho-socio-culturelles, le converti se
situe par rapport à une PERSONNE, qui est un absolu et dont dépend un plan
universel de salut au sein duquel on a sa place précise ; une personne qui
propose des valeurs nouvelles ; valeurs qui exigeront, par voie de
conséquence, un comportement nouveau.
La conversion profane ou philosophique marque un certain
retour à l’origine. L’homme, en se tournant vers soi-même, veut connaître sa
place dans l’ensemble du cosmos. L’intelligibilité de son existence résulte de
la synthèse qu’il réussit à faire autour de son point d’origine. La conversion
religieuse ou chrétienne, elle, se fonde sur la découverte de DIEU et se situe
par rapport à l’Alliance qui marque l’origine des rapports interpersonnels
entre les deux, entre la créature et son créateur, entre l’homme et son Dieu.
Le philosophe cherche à se mettre au diapason du Cosmos d’où résultera une
sorte d’harmonie existentielle entre la nature et lui ; le chrétien, pour
sa part, vise à se mettre en harmonie avec la volonté de Dieu, assuré par là
qu’il sera en parfaite harmonie avec l’ensemble de l’univers.
II. La démarche
Que nous envisagions la conversion profane ou la
conversion religieuse, il reste toujours que cette conversion est « un
acte de la raison qui implique un changement radical dans la conduite et la
disposition intérieure du caractère ». Il y a une prise de conscience de
certaines valeurs et prise de position en face de ces valeurs de sorte qu’il en
résulte chez l’individu, une nouvelle manière de voir les choses et un
comportement tout différent de celui qu’il avait auparavant.
Or, ce changement, cette transformation du sujet, ne peut
se faire que progressivement et par étapes. Ce qui nous intéresse plus
particulièrement, au ou nous en sommes, ce n’est pas le CONTENU du système de
valeurs proposé. Ce n’est pas, non plus, le mode naturel ou surnaturel selon
lequel cette transformation s’opère chez le sujet en voie de conversion. Ce que
nous désirons souligner, c’est la dynamique propre qui caractérise le phénomène
de la conversion tel qu’observé chez certains criminels. C’est donc l’aspect
psychologique plutôt que théologique qui revient ici notre attention.
On pourrait distinguer cinq phases dans la démarche de
retour qu’est la « conversion » :
1-La révolte contre l’ordre
existant ;
2-La prise de conscience que cette révolte est sans issue ;
3-La prise de conscience des valeurs proposées ;
4-La prise de position en face de ces valeurs ;
5-La mise en pratique de ces nouvelles valeurs.
On remarquera que la conversion ne suit pas une démarche
rectiligne et ascensionnelle vers un sommet. Au contraire, il s’agit plutôt
d’un mouvement d’oscillation pendulaire. C’est une marche dialectique qui
procède par mode de négation et d’affirmation.
Le sujet commence par se poser en s’opposant à l’ordre
existant. Mais, il se rend compte que cette opposition est stérile puisqu’elle
aboutit à l’absurde. C’est pourquoi il décide de s’opposer à son propre état de
misère. En s’opposant a sa misère, il cherche à se poser dans un ordre nouveau
qui est le contraire de sa misère. Cependant, il ne peut s’intégrer dans cet
ordre nouveau qu’en renonçant aux anciennes valeurs. Finalement, le sujet ne
peut selon les nouvelles normes et valeurs que s’il renonce pratiquement à son
ancien comportement. Ce n’est qu’au terme de ce mouvement d’oscillation du
négatif au positif et du positif au négatif que le sujet finit par retrouver
son équilibre dans la paix et la loi qui accompagnent le repos.
Chez le délinquant, comme chez le criminel, cette
démarche de la conversion prend véritablement le sens d’un drame existentiel,
En effet, c’est tout l’être qui est atteint : son mode de vie, sa façon de
penser, sa façon d’agir, son échelle de valeurs, son image « de
soi », son idéal suprême. Il s’agit, pour lui, de restructurer toute sa
personnalité de fond en comble. Cela ne peut se faire sans de violentes
oppositions. C’est pourquoi le mouvement oscillatoire dont nous avons déjà
parlé prendra d’autant plus d’amplitude que le sujet est plus attaché à sa vie
criminelle.
1-La révolte contre l’ordre existant
Le trait caractéristique de toute personnalité
délinquante, c’est d’affirmer son autonomie en s’opposant à l’ordre établi.
Tout ce qui compte à ses yeux, c’est de faire selon sa propre volonté, sans
égard pour les autres, et surtout, sans entrave de la part des autres. Toute
intervention de l’autorité devient un outrage à sa personnalité. Toute forme de
contrôle devient une atteinte à sa liberté.
Il ne faut donc pas se surprendre de constater que le
délinquant ou le criminel accueille avec tant d’hostilité les premières
démarches du prêtre ou du thérapeute. La réaction sera d’autant plus violente
que le sujet se sent plus menacé. Il se livre à toutes sortes de
généralisations outrancières à l’égard des personnes qui tentent de le
secourir. Il prétend qu’il veut la paix et rien ne sert de perdre son temps
avec lui. En réalité, c’est sa façon à lui de crier au secours. Ce qu’il faut par-dessus tout durant la
première phase, c’est une attitude sereine, compréhensive et pleine de tact
pour ménager les susceptibilités du sujet qui reviendra malgré les apparences
contraires.
2-La prise de conscience que cette
révolte est sans issue
L’échec de cette première approche n’est qu’un échec
apparent. En réalité, le sujet a subi un choc d’autant plus grand que sa
réaction a été plus violente. Ce qui le trouble surtout, c’est de voir qu’on ne
l’a pas rejeté. L’angoisse qu’il en ressent remet en question l’équilibre
(d’ailleurs instable) de sa personnalité. A cause de son angoisse, il va
revenir auprès de son « ennemi ». Il va scruter la valeur et
l’authenticité de la personne qui a osé lui parler ainsi. Progressivement, il
se rend compte que sa position est absurde. Il prendra conscience, parfois avec
acuité douloureuse, qu’il est privé de beaucoup de choses, principalement de sa
liberté, a cause de son esprit de révolte. Sa capacité d’introspection s’avise
et il se découvre toutes les misères. Le fait que sa misère est le résultat de
sa volonté propre lui inspire un tel dégoût qu’il se croit irrémédiablement
perdu à jamais.
Durant cette deuxième phase, le sujet continue à opposer
des fins de non-recevoir à toute forme de solution que pourrait lui suggérer le
prêtre ou le thérapeute. Mais on sent que la principale objection n’est plus
l’obstination aveugle. Il devient de
plus en plus apparent que le sujet ressent une profonde impuissance a tout
bien. Il avoue qu’on aurait pu réaliser quelque chose avec lui si on l’avait
connu plus tôt, mais actuellement tout est perdu. Le succès éventuel des
conseils proposés durant cette seconde phase dépendra, dans une large mesure,
de la qualité des relations interpersonnelles établies à ce moment précis. Le
sujet fait du « testing » pour mesurer le degré de sincérité et le
désintéressement authentique qui motivent la personne qui le traite. S’il
découvre la moindre faille chez cette personne, le délinquant en tirera un
argument suffisant pour légitimer sa persévérance dans la voie du mal.
3-La prise de conscience des valeurs
proposées
Abimer par l’absurdité de sa révolte, le délinquant ou le
criminel prend progressivement conscience de ce qu’il aurait PU ETRE, de ce
qu’il aurait DU ETRE. Il se surprend de n’être pas encore détruit par sa propre
bêtise et commence à découvrir que l’univers n’est pas fait seulement de haine
et de vengeance. Il se rend compte peu à peu qu’il y a place pour l’amour et le
pardon. Mais l’unique moyen pour lui de bénéficier de cet amour et de ce
pardon, c’est de se conformer aux valeurs qu’on lui a proposées durant ses
heures d’angoisse. Il se plaît à comparer le bonheur relatif qu’il éprouvait
plus jeune lorsque ces valeurs avaient pour lui quelque signification, avec le
malheur qu’il éprouve depuis qu’il a rejeté ces mêmes valeurs. Comme
l’expérience lui a prouvé hors de tout doute qu’il s’était trompé, il se voit
dans la possibilité de sortir de son erreur en suivant les conseils d’un autre.
Il se risque donc à accorder une certaine crédibilité au système de valeurs
proposé par cet autre. Après tout, il n’y a rien à perdre. Puisqu’on ne peut
plus aller plus bas, il ne reste plus qu’à monter plus haut.
Au cours de la troisième phase, le sujet perd beaucoup de
son anxiété. A force de se faire répéter que tout n’était pas perdu et que seul
l’effort personnel parviendrait à vaincre les obstacles, il finit par retrouver
un peu de cal intérieur. A la faveur de cette accalmie, il peut réfléchir
davantage au contenu du système de valeur qu’on lui propose. Il manifeste une
certaine docilité à ce qu’on peut lui dire et parfois il ressent une impression
de découverte sensationnelle. Le réconfort qu’il en éprouve le stimule à
vouloir en savoir plus long sur la question. Ce qui caractérise sa démarche,
c’est la formulation négative de son enquête. Il procède par objections et
passe au crible de la critique les réponses reçues. Il semble préoccupé de
savoir si la personne qui lui parle croit vraiment aux valeurs qu’elle propose.
Ce qu’il analyse, ce n’est pas tellement le RAISONNEMENT mais bien le
COMPORTEMENT de son interlocuteur. Ce qu’il redoute le plus, en effet, c’est
d’être dupe de quelques paroles mielleuses qui ne correspondent à rien. Sa
révolte n’en deviendrait que plus agressive, et son obstination dans le mal
plus enracinée.
4- La prise de position en face de ces
valeurs
Au terme de cette longue et pénible évolution, le sujet
en arrive au point crucial de la conversion. Il avoue s’être trompé et d’avoir
végété trop longtemps dans une révolte stérile. Il avoue également que tout ce
qu’on a pu lui dire jusque-là est plein de bon sens. Mais reste à franchir
l’étape majeure de la décision en face des valeurs proposées. Bien des liens
sensibles et psychologiques retiennent le sujet dans ses dispositions
antérieures. Sur le plan intellectuel et moral, il veut vraiment s’engager dans
la voie nouvelle. Les valeurs humaines, sociales et morales qui lui ont été
présentées, exercent sur lui un réel pouvoir de séduction. Il peut parler avec
enthousiasme du bien qui l’attire et désire réellement accomplir, mais sur le
plan pratique, les œuvres ne sont pas conformes aux idées.
La principale difficulté, qui compromet le succès de
cette quatrième étape, c’est une fausse interprétation de l’ambiguïté que l’on
constate chez le sujet. On est porté à taxer d’hypocrisie ou de lâcheté
l’attitude ambivalente du sujet. Il dit une chose, mais en fait une
autre ; il promet de bien faire et le voilà en rechute ; il gagne
notre confiance puis semble profiter de la première occasion pour trahir cette
même confiance.
Loin d’être de l’hypocrisie ou de la lâcheté, cette
apparente incohérence est le signe de l’effort réel que fait le sujet pour
sortir de l’ornière. Il faut plus qu’une bonne résolution pour tenir droit dans
le bon chemin. Il faut des efforts, des rechutes et des relèvements. Il
n’existe pas réhabilitation sans une certaine marge de récidive chez les
criminels et les délinquants authentiques. C’est pourquoi, il ne faut ni
blâmer, ni condamner, ni rejeter le sujet à la suite de ces récidives
inévitables. L’essentiel, c’est de lui projeter une image positive de soi-même
et de veiller à ce que les rechutes soient plus rares et moins graves d’une
fois à l’autre. Ce à quoi il faut s’attacher avant tout, c’est l’orientation
générale de la volonté du sujet. Tant que ce dernier conserve la conviction
qu’il peut bien faire s’il le veut, tant qu’il croit possible de sortir de son
impasse en appliquant les principes qu’on lui enseigne, la conversion est entre
bonne voie.
5-La mise en pratique des nouvelles valeurs
La différence
essentielle entre la quatrième et la cinquième phase, c’est que la quatrième se
joue principalement au niveau de l’intelligence spéculative tandis que la
cinquième se situe au niveau du jugement pratico-pratique et de la volonté
expresse. Il ne s’agit plus d’une simple CONFORMATION de son esprit aux
principes et aux valeurs proposées; il s’agit bien plutôt d’une CONFIRMATION EN
ACTE de ces mêmes valeurs. Il a fallu quatre longues étapes pour mettre sur
pied les structures d’une nouvelle personnalité en substituant des valeurs
humaines, sociales et morales aux valeurs délinquantes de l’individu. La
cinquième phase se concentre davantage sur le fonctionnement pratique de la
personnalité globale. Le sujet éprouve une certaine crainte de s’engager à
corps perdu dans la nouvelle voie. Il craint par-dessus tout, les jugements de
ses anciens compagnons qui le traiteront DE DÉGONGLÉ, DE TRAITE, DE LACHE, etc…
Il éprouve un certain malaise d’avoir laissé tombes ses amis d’autrefois. Il
n’échappe pas à un certain sentiment de culpabilité d’avoir trahi le
« gang » ou les anciens copains. Les difficultés concrètes de
l’engagement humain, social et chrétien lui pèsent réellement sur les épaules
au point qu’il éprouve de la nostalgie profonde de la « belle vie »
du passé. Ce n’est qu’après avoir réussi cette dernière étape avec succès que
l’on peut parler sérieusement de CONVERSION.
Le danger, que
court le prêtre ou le thérapeute durant cette dernière phase, c’est de se
montrer trop « protecteur ». Il faut amener le sujet à voler peu à
peu de ses propres ailes. On jugera de la maturité de ce dernier d’après sa
capacité d’autodétermination dans le bien. C’est une étape d’affranchissement
progressif qui doit se terminer par l’indépendance totale du sujet à l’égard de
son thérapeute. Cela n’est possible, évidemment, que si le sujet a bien réussi
l’intériorisation des normes et principes de la vie normale. Il faut donc que
le sujet soit exposé suffisamment aux chocs de la vie courante pour éprouver la
solidité de sa conversion, sans quoi le résultat de nos efforts ne sera pas à
la hauteur du but proposé.
III.
Relations entre la réhabilitation et la conversion
Si on accepte
que la réhabilitation soit « un processus psycho-social de rééducation et
de resocialisation des personnalités délinquantes ou criminelles » il
devient impossible de dissocier la RÉHABILITATION de la CONVERSION. Peut-on
espérer logiquement qu’un criminel retourne à la vie normale sans qu’il ne se
produise en lui de changement en profondeur. Le comportement social d’une
personne n’est pas seulement le dressage de cette personne a certains réflexes
conditionnés. Il faut que le comportement extérieur soit de certaines valeurs.
On peut
s’attendre à ce qu’un délinquant ou un criminel change sa manière d’agir sans
d’abord changer sa manière de penser et sa manière de juger le monde qui
l’entoure, sans qu’il n’ait pris une claire conscience de la place qu’il occupe
réellement dans l’ensemble de ce monde? Pour ce faire, il doit revenir sur
lui-même et se situer dans l’univers qui l’entoure; en d’autres mots, il doit
au moins se « convertir » dans le sens profane du terme.
Par ailleurs,
comme il s’agit pour le délinquant de S’OUVRIR A L’AUTRE et d’intégrer dans sa
personnalité globale cette perception DE L’AUTRE, il importe souverainement,
pour l’efficacité et la durabilité de sa réhabilitation, que la conversion
profane se prolonge et s’achève dans la conversion religieuse. En effet, cette
découverte de l’Autre, cette prise de conscience d’une Personne à connaître, à
aimer et à imiter, place le sujet dans une perspective beaucoup plus large et
dans un climat beaucoup plus favorable à la réhabilitation complète de sa
personnalité. Toutes les valeurs humaines, sociales et morales sont doublées en
quelque de valeurs surnaturelles. De plus, le sujet ne se sent plus seul en
face de soi-même pour vaincre les obstacles intérieurs et extérieurs a
lui-même. Il peut compter sur la PRÉSENCE de l’Autre pour surmonter l’anxiété
de l’isolement et surtout, il peut compter sur le SECOURS de l’Autre – la grâce
– pour triompher des obstacles courants.
Il ne faudrait
pas croire pour autant que la réhabilitation se limite à la conversion et
vice-versa. S’il est vrai qu’il ne peut y avoir de réhabilitation efficace et
durable sans une authentique conversion, il est également vrai de dire qu’une
conversion sans réhabilitation n’est ni efficace ni durable. Retour sur
soi-même, retour vers Dieu doivent faire partie d’un programme sérieux de
réhabilitation pour le délinquant criminel. Mais ce programme de réhabilitation
pour le délinquant et le criminel doit être beaucoup plus vaste et beaucoup
plus diversifié que la simple conversion profane ou religieuse.
Ce qu’il reste
à souhaiter, en terminant, c’est que les programmes de de réhabilitation
tiennent davantage compte dans l’avenir de la nécessité d’un solide programme
moral et religieux pour assurer l’efficacité et la durabilité de leur œuvre.
Jean-Paul Regimbal
Tiré de la revue Trinité Liberté, Vol.6 No 3, décembre 1974, pp.7 à 15. Copie disponible chez: BANQ (PER120)