François-Xavier de l'Immaculée Conception (1858-1954)


L’année 1958 nous ramène deux grands centenaires : pour nous les fidèles du monde entier, celui des apparitions de la Vierges à la grotte de Massabielle. Pour tous les religieux de l’Ordre trinitaire, spécialement ceux du Canada français, celui de la naissance de l’illustre ministre général de regrettée mémoire, le T.R.P. François-Xavier de l’Immaculée-Conception.

C’est le 5 juin 1858 que nait, dans le petit village de Woerth en Alsace, un fils à M. Xavier Pellerin et a son épouse Barbara Lienhart. Élevé chrétiennement par ses dévoués parents, le jeune Xavier, car c’est son nom, fait son entrée au Collège apostolique d’Amiens après avoir terminé ses études élémentaires dans son village natal. Les pères Jésuites qui régissent l’établissement forment l’adolescent a la culture classique. Et dirigent sa vie spirituelle vers l’acquisition des solides vertus.

La vocation
Or, voici qu’à l'âge de dix-huit ans, Xavier ressent les premiers appels à la vocation religieuse. Le passage du R.P. Calixte de la providence, unique profès simple du Couvent de l’Ordre trinitaire a Cerfroid, en fournit l’occasion. Ce digne religieux adresse aux élèves d’Amiens une touchante allocution ou il évoque le glorieux passé de l’Ordre trinitaire au service des esclaves et des malheureux. Après la conférence, Xavier se rend chez le P. Calixte pour lui faire part de son désir d’entrer dans cet Ordre vénérable. Le P. Visiteur recommande au collégien d’étudier davantage sa vocation avec l’aide de son directeur de conscience, le R.P. Barbelin, s.j. Ce dernier, loin de mettre obstacle aux ambitions du jeune alsacien, lui donne pour réponse : « Lorsque le R.P. Calixte parlait de son Ordre et de sa mission de générosité, je me suis dit : Voilà quelque chose qui ferait l’affaire de Xavier Pellerin ». Il n’en faut pas tant pour encourager le vibrant aspirant à suivre le P. Calixte à Paris puis a Cerfroid.

Dans la solitude de Cerfroid, sanctifié jadis par nos saints patriarches Jean et Félix, Xavier murit sa vocation au milieu des épreuves et des humiliations. Se voyant soudainement en face de rien après trois longues années de probation, le postulant écrit au révérendissime P. Général, Benoit de la Vierge, pour connaitre exactement ce qu’il doit faire. Le supérieur lui enjoint aussitôt l’Ordre de rentrer à Rome pour commencer son noviciat canonique. Privé de toute assistance matérielle, le courageux postulant doit quêter lui-même son passage pour exécuter l’ordre de son supérieur présomptif.

Reçu chaleureusement dans la ville éternelle après un long et pénible voyage, Xavier Pellerin se voit accorder la faveur de commencer son noviciat à Palestrina, le 25 janvier 1880, sous le nom de Fr. François-Xavier de l’Immaculée-Conception. Un an plus tard, le 28 janvier 1881, il émet ses simples et termine ses études théologiques au Séminaire diocésain du cardinal Luco.

Le 24 juin 1883, en vertu d’une dispense du Saint-Siège, le père François-Xavier reçoit la grâce du sacerdoce en l’église Sainte-Luce des mains de Mgr Macchi, évêque auxiliaire de Palestrina. L’heureux élu connait aussi la joie de célébrer sa première grand-messe solennelle dans l’église de N.-D. de Guebwiller en présence de sa sainte vénérée maman. Devant tant de grandeur et de solennité, la pieuse mère avoue à son grand garçon : « Si jamais j’avais pu prévoir un tel bonheur, je n’aurais jamais pleuré de ma vie ».

Enfin, le 28 février 1884, en la fête de sainte Agnès, patronne principale de l’Ordre, le père François-Xavier termine le cycle de sa formation religieuse. Il prononce ses voeux solennels dans l’Ordre de la très sainte Trinité entre les mains de son supérieur, le R.P. Grégoire de Jésus et Marie, lui-même futur général de l’Ordre.

Les échanges
Les autorités de l’Ordre ont tôt fait de reconnaitre en ce religieux exemplaire, une âme de feu et un tempérament de chef. C’est pourquoi dès sa sortie du scolasticat, on lui confie sans hésiter la charge de maître des étudiants au Collège Saint-Étienne des Abyssins à Rome. Fort de l’expérience qu’il y a acquise, le père François-Xavier se prépare admirablement bien (à son insu) à présider aux destinées de ce couvent célèbre comme ministre conventuel de 1891 à 1894.

Ses qualités exceptionnelles le signalent même à tous les religieux de la province italienne. Bien qu’il soit français par la langue et la culture, le P. Xavier se voit élire à la haute fonction de ministre provincial de la province italienne de saint Jean de Matha des 1894 et se fait réélire pour un second triennat jusqu’en 1900. Durant son provincialat, le P. Xavier acquiert à l’Ordre les deux maisons d’Anagni et de Gorga.

L’office de provincial n’empêche pas le P. Xavier d’exercer son zèle et son apostolat au point de prêcher des retraites et des carêmes. C’est même après le carême de 1898 dans la cathédrale d’Anagni que le digne prédicateur reçoit l’invitation de se rendre à Faucon, terre bénie qui a vu naitre saint Jean de Matha, pour présider aux fêtes du 7ieme centenaire de la fondation de l’Ordre. Durant cette célébration, on dévoile un monument dédié à la mémoire de l’illustre fondateur des Trinitaires. Le vénéré P. provincial demeure à Faucon jusqu’au moment de l’expulsion des religieux en 1900.

Loin de se décourager, le saint religieux met tout son espoir en la divine providence et tente, en retour, une fondation sur le sol d’Autriche. Il y restaure l’ancienne province de Saint-Joseph fondée 214 ans plus tôt et supprimée depuis 117 ans déjà. De 1900 à 1917, le P. Xavier peine ardument pour ouvrir les deux maisons de Vienne et d’Augustendorff.

Mais la Trinité sainte qui a forgé dans le creuset de l’épreuve l’âme de son apôtre, dispose avec suavité des événements qui conduiront le 20 mai 1919 le T.R.P. François-Xavier de l’Immaculée-Conception a la suprême prélature de l’Ordre

Pendant douze ans, de 1919 à 1931, le T.R.P Xavier ne cessera de travailler à l’expansion de l’Ordre trinitaire dans le monde. Bien que les effectifs de l’Ordre soient très humbles, il décide avec audace et surtout avec esprit de foi de jouer le tout pour le tout. Et suit la période des fondations successives à Marseille (1922), à Montréal (1924), a Miarinarivo (1926), les trois visites en Amérique du Nord et la restauration de deux maisons chères à l’Ordre : Saint-Chrysogone, la maison généralice et Saint-Thomas-in-Formis ou mourut Jean de Matha.

La fondation canadienne
Pour ceux qui ne vivent pas habituellement de l’esprit de foi, la fondation canadienne peut paraitre téméraire, voire même chimérique. Mais le P. Xavier qui ne cesse de se recommander à la providence de Dieu, cherche un moyen efficace pour sauver l’Ordre de l’extinction totale. Admis en audience privée auprès de sa sainteté Pie XI, le 14 avril 1924, il expose ses problèmes au chef suprême de l’Église. Pour toute réponse ce dernier lui déclare : « Si vous voulez des religieux, des missionnaires, allez-vous implanter au Canada. Le Canada est un jardin fertile pour les vocations religieuses, missionnaires. L’âme canadienne est foncièrement chrétienne, intrépide, généreuse et apostolique. Allez au Canada. »

Le révérendissime père quitte Rome le 21 avril suivant pour le Canada avec l’intention d’accepter la fondation d’une paroisse que lui offrait son excellence Mgr Georges Gauthier, administrateur du diocèse de Montréal. Le dimanche 4 mai de la même année, notre distingué voyageur est à Québec puis le 6 dans la métropole.

Son excellence Mgr l’archevêque l’accueille avec une bienveillance toute paternelle et lui confie la paroisse dont il a été question antérieurement. Le 11 mai 1924, le révérendissime père Xavier prends officiellement possession de la nouvelle paroisse qui est érigée sons le patronage de Saint-Jean-de-Matha.

Pour stabiliser sa fondation canadienne le révérendissime père Xavier veille a la rédaction de l’acte d’incorporation civile de l’Ordre trinitaire, le 4 avril 1929. On y lit notamment cette clause, véritable testament spirituel légué par le T.R.P. Xavier a ses fils du Canada : « La mission de cet Ordre est de s’occuper du rachat des captifs, d’œuvre de charité, d’aide et de secours aux immigrants, de s’intéresser au sort et de vaquer à la moralisation des prisonniers… »

Au déclin du grand jour
Malgré ses deux termes comme ministre général de l’Ordre, le T.R.P. Xavier ne goute pas au repos en 1931. Au contraire, il se voit assigner la fonction de premier définiteur général. Ses occupations nombreuses ne l’empêchent pas pour autant de produire des œuvres littéraires. On doit à sa plume des œuvres en français, en Italien et en allemand, toutes marquées au coin, de son grand amour pour l’Ordre trinitaire et ses saints fondateurs.

Usé par les travaux d’une vie consacrée exclusivement a la gloire de la très sainte Trinité, le P. Xavier est atteint de paralysie le 5 février 1934. Dans sa confiance d’enfant, il adresse des supplications instantes à saint Jean de Matha de bien vouloir le délivrer de son mal. Trois jours plus tard, en la fête du saint apôtre des captifs, le T.R.P. François-Xavier Pellerin de l’Immaculée-Conception quitte cette terre vers sept heures du matin en notre couvent de Saint-Chrysogone, à Rome. Hommage a sa vénérée mémoire.

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinitas - revue du tiers-ordre et de l’archiconfrérie de la très sainte Trinité, 4e année, No. 3, 1958, pp.13 à 17 Revue conservée a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska, a Granby (Fonds P049).