Le culte de Notre-Dame du Rachat au Canada


La dévotion a la reine du ciel et de la terre sous le titre de Notre-Dame du remède s’établit dans tous les lieux où se rencontrent les religieux de l’Ordre trinitaire. C’est que, en effet, cet Ordre lui voue un culte spécial en tant que patronne et protectrice de cet institut.

Chose surprenante cependant, le nom de la Vierge de « Los Remedious » précéda de plusieurs siècles l’arrivée des Trinitaires au Canada. En 1775, un explorateur espagnol Juan Perez fut envoyé par le vice-roy du Mexique pour explorer la côte ouest du Canada. Au cours de cette expédition, un des membres de son équipe, portant le nom de Quadra, place sous le patronage de la Vierge de « Los Remedious » le point majestueux qu’il vient de découvrir. Le malheur veut toutefois que cette baie profonde perde son illustre titre en 1778 lorsque le capitaine Cook lui impose le nom anglais de « Bau of Islands ».

Quoi qu’il en soit de ces préludes séculaires, nous pouvons parler avec plus de détails de l’effort tenté par les premiers religieux trinitaires au Canada français pour faire mieux connaitre et mieux aimer la douce Vierge du Remède.

Le premier monument du culte à Notre-Dame du Remède à Montréal est conservé à la paroisse Saint-Jean-de-Matha de Ville-Émard. Il s’agit d’une peinture représentant la Vierge assise sur un trône drapé de riches tentures qui présente à saint Jean de Matha une bourse d’argent pour le rachat des captifs. L’auguste reine tient dans ses bras l’enfant Jésus qui porte dans ses mains potelées un scapulaire blanc a la croix rouge et bleue. Cette œuvre est due au pinceau du R.P. Pie de la Trinité, deuxième curé de la paroisse, dont le talent s’efforça de reproduire une toile originale gardée dans l’ancien couvent de Saint-Thomas-in-Formis.

C’est devant cette image pieuse que vinrent quotidiennement prier les premiers novices canadiens revêtus de l’habit trinitaire. Toutefois, le rayonnement de cette dévotion ne pouvait pas facilement, dans les circonstances pénibles de la fondation naissante, dépasser de beaucoup le cadre restreint de la communauté et de la paroisse.

Avec le développement de la communauté, il devint plus facile de propager un peu plus le culte et la dévotion si chers à l’Ordre trinitaire. Lorsqu’en 1940, le R.P. Antonin de l’Assomption fut désigné comme supérieur du couvent de Saint-Bruno, il mit de tout son cœur et son énergie à obtenir une statue représentant la Vierge du Remède. Il s’adressa aux révérendes sœurs de Notre-Dame du perpétuel secours (Saint-Damien-de-Bellechasse) pour réaliser l’exécution de ce projet.

La révérende sœur Sainte-Émérentienne n.d.p.s. accepta la tâche délicate de mouler pour lui une statue d’après le modèle de la vierge Marie vénérée à Marseille et dont l’image avait été envoyée au Canada par le R.P. Ludovic de Saint-Joseph. La religieuse artiste put sortir de ses ateliers une réplique de Notre-Dame du Remède admirable de douceur et de suavité, statue qui fut bénite solennellement le 17 août 1941 et installée aussitôt dans le couvent de Saint-Bruno (Chambly).

Le père Antonin ne se contenta pas de cette première œuvre. Il voulut diffuser le culte de Notre-Dame du Remède en faisant imprimer des images de divers formats représentant la statue réalisée en 1941. Mais le père, plein de zèle, n’eut de repos que le jour ou il vit enfin sortir des presses un feuillet en l’honneur de la vierge du Remède comprenant, outre la reproduction déjà connue, le chant du Salve Regina propre à l’Ordre trinitaire, avec versets et oraison, un bref historique de cette dévotion peu répandue et diverses autres prières à l’usage des fidèles.

Voici déjà vingt-cinq ans que les Trinitaires se dévouent auprès des paroissiens de Saint-Jean-de-Matha. La paroisse, berceau de l’Ordre au Canada, fête en 1949 le vingt-cinquième anniversaire de fondation. L’occasion est toute désignée pour offrir un gage de reconnaissance à Notre-Dame du Remède. Grace aux soins de la maison Carli, la statue de Notre-Dame revêt une nouvelle forme. Parée d’un diadème royal, la vierge du Remède pour l’habit tricolore de l’Ordre trinitaire. C’est au cours de l’anniversaire d’argent, un peu avant la messe de minuit dans la soirée du 7 au 8 septembre, que la statue fut bénite par le révérendissimes père Ignace du Très-Saint-Sacrement, ministre général de l’Ordre de la très sainte Trinité.

A l’approche de l’année sainte, un nouveau projet marial prend racine dans le cœur d’un trinitaire canadien. Elaborée dans la réflexion et la prière, l’œuvre de Notre-Dame du Remède ou du rachat s’organise sous l’impulsion du révérend père Pierre de la Nativité, vicaire provincial des Trinitaires au Canada :

« L’œuvre de Notre-Dame du rachat a été fondée pour répondre au désir de sa sainteté Pie XII, qui déplore avec une immense tristesse ce renversement de l’ordre social, et elle a pour but de faire prier pour les captifs et leur libération, pour la conversion des persécuteurs et, enfin, pour le retour de la Russie a la foi catholique ».

La chapelle de Notre-Dame du Remède qui sert de centre spirituel a l’œuvre est bénite en la fête patronale de la vierge trinitaire, le 11 octobre 1950. Une assistance imposante témoigne à notre bonne mère le désir sincère qui nous anime de répandre son culte au Canada. Plus d’un millier de membres se sont déjà inscrits dans l’œuvre de Notre-Dame du Remède (du Rachat) depuis sa fondation.

A la paroisse Saint-Jean-de-Matha revient le mérite d’avoir témoigné le zèle le plus empressé pour diffuser chez les fidèles la dévotion mariale propre aux Trinitaires. Une heureuse initiative est lancée en 1956 par le dynamique curé, P. Germain de l’Immaculée-Conception. Il s’agit d’introniser la petite statue de Notre-Dame du Remède dans les foyers de la paroisse. Une réponse spontanée fait écho a l’appel du pasteur. La Vierge du Remède domine en reine dans plus de cent cinquante famille aux quatre coins de la paroisse.

Puisse la vierge Marie bénir l’apostolat et le dévouement de ses religieux pour que non seulement soit honoré son nom très doux, mais aussi pour que la gloire et la louange de la Trinité sainte retentissent en tous lieux dans notre bien-aimée patrie.

O Notre-Dame du Remède, sanctuaire de la très sainte Trinité, accordez a toutes les âmes d’être sur la terre un temple vivant de la divinité pour bénir éternellement le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ainsi-soit-il.

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinitas - revue du tiers-ordre et de l’archiconfrérie de la très sainte Trinité, 4e année, No. 4, octobre-novembre 1958, pp. 20 a 22. Revue conservée a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska (Fonds P049).