La Trinité dans la vie du frère convers


« Moi, frère N.…, je fais ma profession solennelle et je promets obéissance, chasteté et pauvreté à la très sainte Trinité”. Voilà en quels termes le religieux trinitaire consacre librement sa personne et ses biens au service de son Ordre. Authentique religieux, le frère convers s’engage à remplir ces trois obligations fondamentales dans un grand esprit d’union à Dieu. Il sent le besoin de la prière, de la méditation, en un mot, d’une véritable spiritualité a ses dimensions pour être constamment à la hauteur de sa sainte vocation.

Puisque le mystère de la très sainte Trinité est le mystère primordial de notre foi, il est normal de chercher de ce côté pour puiser des éléments de spiritualité dans la contemplation de cette souveraine vérité

Dieu le Père :
Ce qui nous permet de nous faire une certaine idée de la première personne de la très sainte Trinité, c’est le fait qu’elle engendre de toute éternité un Fils en tout semblable a elle-même. Cette génération est toute spirituelle – quoique véritable - puisqu’elle transmet la vie du Père a celui qui est engendré, non selon la chair, mais selon l’Esprit.

Le mystère de cette génération ineffable jette l’âme dans une admiration muette et la ravit à elle-même. Se consacrer à Dieu le Père par le vœu de chasteté, n’est-ce pas en quelque sorte rendre un hommage à cette génération d’un ordre si élevé qu’elle fait pâlir tout autre mode de génération ? Celui qui sacrifie par le vœu de chasteté toutes les joies de la paternité sait qu’il renonce à un bien normal et légitime pour lui préférer un plus grand bien : celui d’engendrer spirituellement des enfants de Dieu par son apostolat caché

Dieu le Fils : 
La deuxième personne de la très sainte Trinité est la pensée de Dieu le Verbe de Dieu comme l’appelle saint Jean. Cette parole est l’expression si parfaite de toute la richesse du Père qu’elle l’épuise totalement dans cet unique concept. Le Fils n’est que l’expression vivante et personnelle de la pensée du Père.

Par son vœu d’obéissance, le religieux consacre au Fils tout ce qu’il est au plus intime de lui-même pour se conformer le plus exactement possible au Verbe de Dieu, a la Parole du Père. Désormais plus rien ne comptera pour lui hors de cette parole divine exprimée par la bouche de ses supérieurs légitimes. Par son obéissance, le religieux devient en quelque sorte “un miniature” du verbe fait chair, de la parole divine incarnée dans un homme mortel, puisque toute sa vie durant, il s’efforcera d’incarner la volonté de Dieu sur lui-même.

Dieu le Saint-Esprit :
Enfin, la troisième personne de la très sainte Trinité est caractérisée par le don souverain de l’amour du Père à l’égard de son Fils et du Fils à l’égard de son Père : don mutuel d’une richesse vitale qui dépasse tous les dons de la nature et de la grâce.

C’est stimulé par ce don sans égal que le religieux est prêt à troquer les misérables dons de la terre contre ceux de l’éternité. Par une décision libre et lucide, le religieux renonce aux richesses matérielles et consacre à Dieu sa personne et ses biens par le vœu de pauvreté. Don inspiré de l’amour qui se consomme dans l’amour, tel est le geste de celui qui prononce effectivement le vœu de pauvreté. En face du don subsistant et éternel de l’Esprit saint, sa propre offrande lui parait bien minime mais elle reste malgré tout l’expression d’une dévotion sincère et intégrale qui ne sait se limiter que dans le donc total.

Unité et Trinité :
Par cette triple consécration de son corps, de sa volonté et de ses biens, le religieux réalise en quelque sorte une synthèse merveilleuse qui aboutit à l’union permanente avec Dieu. Vivre de Dieu, en Dieu et pour Dieu, voilà l’idéal du religieux véritable. Dépouillé de tout ce qui n’est pas Dieu il peut, maintenant, allégé de cette cangue misérable, s’élever à grands coups d’ailes vers les sommets de la vie contemplative ou son âme peut vivre dans la continuelle présence de l’auguste Trinité qui l’habite par la grâce.

“O mes trois, mon tout, solitude infinie, immensité ou je me perds, je me livre à vous comme une proie. Ensevelissez-vous-en moi pour que je m’ensevelisse en vous en attendant d’aller contempler en votre lumière l’abime de votre grandeur”.

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinitas - revue du tiers-ordre et de l’archiconfrérie de la très sainte Trinité, 4e année, No. 6, février et mars 1959, pp.13 à 15. Revue conservée a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska, a Granby (Fonds P049).