En ce 23 juin 2024

 

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SANTÉ: Célébrer la vie jusqu'au dernier moment: Un mariage a la maison de soins palliatifs du Saguenay
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SANTÉ MENTALE: Un nouveau centre pour soutenir les mères victimes de dépression post-partum à Régina
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POLITIQUE: A Rivière-du-Loup, Pierre Poilievre a insisté sur la nécessité de réduire les interventions de l'État ainsi que les impôts, et ce, au profit des régions. 
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POLITIQUE: Le 22 juin, sur X, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, écrit: "La montée récente de l’antisémitisme doit inquiéter tous les Québécois. Nous pouvons être fiers de former l’un des plus accueillants et tolérants peuples au monde. De nombreux juifs sont des Québécois à part entière depuis plus de 250 ans. Nous avons été les premiers, de tout l’empire britannique, à élire un député juif, Ezekiel Hart, à Trois-Rivières, en 1807. Il n’a jamais pu siéger parce qu’il ne pouvait être assermenté sur la bible. Une autre élection fut tenue en 1808 et… il fut réélu! Autre démonstration de notre ouverture: Nos universités acceptaient les étudiants juifs d’origine américaine parce qu’ils étaient rejetés de certains campus au sud de nos frontières. Malheureusement, ces derniers temps, des événements ont de quoi inquiéter. Deux écoles juives montréalaises ciblées par des coups de feu, une synagogue de Dollard-des-Ormeaux visée par des cocktails Molotov, des manifestants scandent leur haine des juifs dans les rues de Montréal ou au Carrefour Laval et des campements illégaux qui importent l’intolérance: C’est totalement inacceptable! Le temps est venu pour le Québec de renouer avec notre passé pacifiste et mettre fin aux tentatives de certains activistes d’importer leur antisémitisme chez-nous."

Claude Ryan

Il était une fois dans les médias...


Par Benoit Voyer (2005)

Claude Ryan nous a quittés au début de l’année 2004. Il n’est plus là, mais il est encore vivant. C’est bien le mot: vivant! Son œuvre et sa pensée passeront, mais sa contribution à l’avancement de notre société, le petit pas de plus qu’il lui a fait réaliser, le gardera toujours uni a notre présent collectif. Dans une interview qu’il m’accordait en 1999, il confiait: “La mort... J’y pense presque à tous les jours. Vous savez à mon âge, on sait que ça viendra. J’aimerais avoir la grâce de mourir comme j’ai vécu, sans tricherie. “ Et ce qu’il a souhaité est arrivé. Là où son ange est allé le conduire, il voit maintenant tout le bon grain qu’il a semé. En revoyant sa vie, il doit assurément dire: “C’est le doigt de Dieu!” (Ex 8,15).

Article paru en partie en janvier 1999.
Voici l’article complet tel que Claude Ryan l’a approuvé avant la publication.


"J’aimerais mourir comme j’ai vécu...”

“La mort... J’y pense presque à tous les jours. Vous savez à mon âge, on sait que ça viendra. J’aimerais avoir la grâce de mourir comme j’ai vécu, sans tricherie”, dit sur le ton de la confidence Claude Ryan.

L’ex-secrétaire général de l’Action catholique (1945-1962), l’ex-directeur du quotidien Le Devoir (1964-1978) et l’ex-politicien (1978-1994) continue, malgré les années qui avancent à grands pas, à vivre sa vie le plus intensément possible, sans angoisse. Aujourd’hui comme hier, il dit vivre son quotidien guidé par la “main de Dieu”.

Cette fameuse “main de Dieu” lui a valu la risée de bien des humoristes. Le chrétien soucieux de vivre de la Parole de Dieu sait qu’il s’agit de la volonté du Père éternel qui s’exprime par les événements, les invitations reçues, les paroles des personnes rencontrées (particulièrement celles des proches), l’expérience du quotidien, livrée à la lumière de la tradition biblique et de la vie de l’Église. L’Esprit de Dieu souffle où et quand il veut. Cette volonté peut se traduire par le mot “Providence”. Le monde biblique parle de la “main de Dieu”. Cet esprit est un fondement du catholicisme. “Je crois que Dieu nous parle continuellement”, insiste Claude Ryan.

“Ma façon de respecter l’autre est de lui dire qui je suis, et non pas de taire qui je suis sous prétexte de ne pas le déranger!” ajoute le septuagénaire.

Lorsqu’il est entré au service du quotidien Le Devoir, il n’a pas entretenu le mystère sur ses convictions religieuses. Il en fut de même lorsqu’il a fait le saut en politique provinciale. Une position de clarté et de franchise a toujours caractérisé le vaillant gaillard.

“A un moment donné, j’ai donné une interview au réseau anglais de Radio-Canada. C’était une émission sur des sujets spirituels, religieux. “Comment avez-vous été amené à prendre vos décisions importantes dans la vie?” m’a demandé l’animateur. J’ai dit: “Cela va peut-être vous surprendre, je n’ai jamais couru au-devant de rien, je ne me suis jamais angoissé à savoir: Est-ce que je vais trouver une femme avec qui je vais être heureux? Est-ce que je vais être capable de trouver une carrière qui va m’intéresser?” Et j’ai ajouté: “J’ai eu comme l’impression d’avoir été guidé par la main de Dieu. Il y a toujours eu une main invisible qui était à l’œuvre et qui préparait les choses pour moi sans que je sois obligé de préparer tout ça”, raconte-t-il sans regret.

Le lendemain, les journaux d’un océan à l’autre publiait: Ryan dit être guidé par la main de Dieu. L’opposition à l’Assemblée nationale a rapidement repris cela contre lui, de façon déplorable.

“Je ne me suis jamais plaint de ça! Ajoute Ryan. Je n’ai jamais rétracté non plus parce que je croyais profondément et je le crois encore aujourd’hui.” Cependant, il admet ne pas avoir utilisé le bon terme pour s’expliquer puisque le grand public n’était pas habitué à ce langage disparu une décennie plus tôt. Pour quelqu’un qui n’a aucune culture biblique, un tel propos fait automatiquement croire à un illuminé qui se prend pour un autre.

Avoir été ridiculisé pour cela ne le dérange pas trop. Il a eu à traverser des épreuves bien plus difficiles... “Ça me fait de la peine pour la religion”, renchérit-t-il en pensant au mal causé a la réputation de l’Église.

Être à l’écoute de la volonté de Dieu dans sa vie est vraiment un point fort de l’existence de Claude Ryan. A l’approche de la mort, il veut y rester attentif. “Si on m’apprenait demain matin que j’ai une maladie grave, je ne pense pas que j’en ferais une catastrophe. Je demanderais à Dieu la grâce d’accepter ma souffrance” confie-t-l.

Foi et raison
Foi et raison ou foi et intelligence ne sont pas en opposition: l’une s’intègre à l’autre et chacune a son propre champ d’action.

Cette complémentarité est très bien exprimée par le pape Jean-Paul II dans son encyclique Fides et Ratio, paru le 15 octobre 1998, a l’occasion de son 20e anniversaire a la tête de l’Église. Le pape est clair: “La foi n’intervient pas pour amoindrir l’autonomie de la raison. [...] La foi affine le regard intérieur et permet à l’esprit de découvrir, dans le déroulement des événements, la présence agissante de la Providence. [...] Dans leurs mondes respectifs, Dieu et l’homme sont placés dans une relation unique. En Dieu réside l’origine de toutes choses, en Lui se trouve la plénitude du mystère, et cela constitue sa gloire; à l’homme revient le devoir de rechercher la vérité par sa raison, et en cela consiste sa noblesse.”

Foi et raison caractérisent Claude Ryan. Quand il parle du cardinal John Henry Newman, à qui il voue une grande admiration, il est possible de saisir des particularités de son âme et de son esprit.

“Le message fondamental de Newman est le suivant: premièrement, on a une vie extérieure (vêtu de telle manière, porte tel nom, telle profession, telle adresse) et en même temps on vit dans un univers spirituel invisible qui est l’univers de Dieu qui nous enveloppe, qui est présent dans notre intériorité. Dans cet univers intérieur, la présence de Dieu est fondamentale. Dieu est un maitre vivant qui a créé l’univers, qui a son plan, qui a son intention. Alors, la tâche de l’homme est d’essayer de comprendre la volonté de Dieu, de la découvrir dans sa vie au fil des jours, surtout d’essayer de l’accomplir le mieux possible dans un esprit de charité de charité, de droiture et de détachement”, explique-t-il.

Il ajoute: “Un deuxième point, c’est que l’expérience religieuse doit s’appuyer sur un solide développement intellectuel. Si vous laissez l’expérience religieuse purement consister en des rites, des habitudes ou des choses reçues, sans faire un effort d’approfondissement personnel, vous risquez de devenir une sorte de répétiteur, de vous enfermer dans la routine et de voir votre vie religieuse s’étioler graduellement. Il faut continuellement chercher à approfondir sa foi. »

Pour lui, le message chrétien a une forte teneur intellectuelle. Il a été la source d’œuvre magistrales de l’esprit. Mais il est d’abord un appel a la conversion du cœur et a un renouveau permanent de nos manières d’être, de penser et d’agir.

Enfance
Claude Ryan est né dans la paroisse Saint-Jean-de-la-Croix, à Montréal, près du marché Jean-Talon, un quartier fortement italien. Il est le deuxième d’une famille de trois enfants. Sa famille a beaucoup voyagé. Alors que Claude est encore enfant, le clan Ryan s’installe au Saguenay-Lac-Saint-Jean pendant quelques années.

Blandine Ryan, sa mère, est une Canadienne française, et son père est un Irlandais. C’est en 1926 que la famille quitte la métropole du Québec pour s’établir à Port-Alfred ou son père exerce le métier de commis de bureau a l’International Paper. Peu de temps après, ils déménagent de nouveau, cette fois à Dolbeau.

Après la naissance de Yves, vers 1928, le paternel quitte le nid familial. Blandine Ryan se retrouve seule pour affronter les difficultés financières quotidiennes.

En 1931, elle revient à Montréal avec ses trois bambins. Ils trouvent domicile boulevard Monk, dans la paroisse Saint-Jean-de-Matha dirigée par les Trinitaires, communauté arrivée au Canada en août 1924 de qui Claude Ryan garde d’excellents souvenirs. Des lors, elle transmet à ses enfants tous les principes religieux, en plus de leur inculquer le sens du devoir, du respect d’autrui et des responsabilités. Elle est une femme dévouée et cultivée qui s’est sacrifiée pour sa marmaille.

Ce n’est pas l’extrême pauvreté, mais la famille a de la difficulté à boucler les fins de mois. Heureusement, la force de caractère de Blandine Ryan et son attachement aux valeurs morales donneront à ses enfants une base solide pour traverser les épreuves de la vie.

« J’ai toujours joué un rôle d’intermédiaire, pendant ces années-là, entre mes deux frères. Par conséquent, j’avais un tempérament assez vif, mais plutôt conciliant. La vie m’a formé comme ça. J’ai toujours cherché une juste mesure, une solution qui tienne compte du point de vue de l’un, du point de vue de l’autre, du pour et du contre », dit-il.

A l’école, Claude apprend très aisément. Il assimile tout a une vitesse étonnante. Plus rapide que les autres, il saute des années scolaires. En 1935, il se retrouve dans la même classe que Gérard, son frère ainé. En 1937, ils entrent ensemble à l’Externat classique de Sainte-Croix. Les deux adolescents suivent les mêmes cours. Claude Ryan travaille sans relâche. C’est un élève brillant et très prometteur. Il étudie seul et ne se même pas beaucoup aux autres étudiants.

Ses proches sont convaincus (sauf lui) qu’il se destine à une vocation religieuse. Deux semaines à Saint-Benoit-du-Lac lui suffiront pour fixer sa vocation : il est trop individualiste et accepte difficilement l’autorité. Il se demande bien comment il pourrait logiquement prononcer le vœu d’obéissance.

Il s’inscrit donc à l’École de service social et de relation industrielles de l’Université de Montréal. A 20 ans (en 1945), après deux ans d’études supérieures, il devient secrétaire général de l’Action catholique, un mouvement institué par les évêques canadiens.

« Dans l’Action catholique, nous avions créé un organisme pour regrouper tous les mouvements spécialisés qu’il y avait à l’époque : Jeunesse agricole, Jeunesse étudiante, Jeunesse ouvrière, Jeunesse indépendante, etc. On avait créé un organisme pour regrouper et rapprocher ces mouvements-là. On m’a demandé d’être le secrétaire. J’y suis allé à titre de stagiaire. A la fin de l’année, on m’a demandé si je voulais rester encore. J’ai accepté. J’ai renouvelé mon engagement année après année pendant 17 ans. En même temps, je me suis engagé dans le mouvement a titre personnel, particulièrement dans la Jeunesse indépendante catholique comme militant et comme président a différents niveau », se souvient-il.

Un catholique en action
Claude Ryan trouve à l’Action catholique une liberté d’action ou il exprime sa pensée en toute franchise, ou il est écouté et peut transmettre un message spirituel. Cela lui plaît.

En août 1948, il participe, à Rome, au Congrès international de l’Action catholique. Il en profite pour se faire de nouveaux contacts. En 1950, il y retourne pour le Congrès de l’apostolat laïque. Il décide d’y séjourner un peu plus d’une année pour étudier et approfondir l’histoire des Pères de l’Église, à la célèbre Université Grégorienne.

Durant ce temps, il travaille sans relâche en se cloitrant dans une discipline d’études quasi monastique : durant ces mois, il sortira deux ou trois fois pour visiter l’Italie et se divertir. Tout son temps est consacré à l’apprentissage.

A son retour au Québec, il s’implique plus que jamais. Un soir de janvier 1958, dans un petit restaurant, il demande spontanément à Madeleine Guay, une jeune militante de l’Action catholique, si elle est intéressée à le fréquenter. En juillet 1958, ils se marient. Ils auront cinq enfants. Le jeune père décide de se réorienter et ambitionne de quitter l’Action catholique, après 17 ans a sa barre. A la demande de Gérard Filion, le directeur général du journal Le Devoir, il entre dans le milieu journalistique à titre d’éditorialiste.

« En 1961, il n’y avait pas très longtemps que j’étais à la Commission Parent et que ce poste prenait de plus en plus de mon temps et me détachait du Devoir, j’ai rencontré Claude Ryan. Je lui ai proposé de venir au Devoir en lui expliquant qu’il ne pouvait passer sa vie dans le secrétariat de l’Action catholique. Ce sont des genres d’emplois qu’on occupe pendant un certain nombre d’années, mais ensuite, il faut en sortir », racontait monsieur Filion, il y a plusieurs années.

Il ajoutait : « Puis en 1962, je l’ai revu de nouveau en lui laissant entendre que moi, je ne finirais pas mes jours au Devoir et que j’aimerais bien le mettre a l’essaie pour savoir s’il était capable de prendre ma succession, sans toutefois lui faire aucune promesse. Le 5 juin 1962, Claude Ryan signait son premier éditorial.

« Dans les mouvements d’Action catholique, j’ai appris que le résultat du travail ne se voit pas tout le temps. J’ai constaté que ceux qui jugeaient des résultats en fonction des choses visibles, se nourrissaient d’illusions vaines. Tandis que si vous travaillez en profondeur avec foi, le résultat extérieur n’est pas important », explique Claude Ryan.

Homme des profondeurs
« Je ne suis pas l’homme pour engager une révolution qui va casser les choses, qui va renverser les murailles. Je crois plutôt à la puissance du ruisseau qui, chaque jour, perce le rocher petit a petit. C’est long, je sais. Cela permet de travailler longtemps sans s’impatienter, sans devenir amer, sans condamner qui que ce soit. De plus, toute ma vie j’ai accompli mes devoirs sans effort. Je n’étais pas obligé de me « crinquer » le matin en me disant : aujourd’hui, il faut que tu fasses ton devoir. J’ai été heureux comme ça. Enfin, j’ai toujours aimé les valeurs qu’incarne à mes yeux le christianisme. J’ai essayé d’y demeurer fidèle à travers les engagements que j’ai connus. Je n’ai pas de mérite à avoir agi de la sorte », relate-t-il bien humblement.

A l’aube de son passage de vie a trépas et de la mort a la vie au royaume des bienheureux du ciel, Claude Ryan vit une retraite heureuse, rue McNyder, à Outremont, en demeurant au service des autres. Alors que sa sagesse est consultée par les plus hauts dirigeants de notre société, il songe au testament spirituel qu’il laissera.

Au-delà de ses options politiques, Claude Ryan est un homme des profondeurs. Il n’a pas engagé de révolution, mais sa seule présence dit que la seule révolution qui compte est celle de l’âme. La conversion personnelle a des valeurs qui traversent le temps n’est-elle pas la plus grande révolution à opérer?

Tiré du livre « Les Témoins de l’essentiel », éditions Logiques, une division de Québecor, 2005, pp. 19 à 26 (BANQ 204.4 V975t 2005). Article paru initialement dans la Revue Sainte Anne.

Mes humbles prières

(Photo: Benoit Voyer)