Dieu le Père dans ma vie


Nous sommes tous en marche vers l’éternelle patrie et notre court passage sur la terre n’a d’autre fin que de nous préparer le plus parfaitement possible à notre occupation céleste : connaitre, aimer et servir Dieu à jamais. Or, nous pouvons déjà commencer cette préparation lointaine au paradis en nous appliquant avec ferveur à découvrir par la prière et la méditation tout ce qui concerne l’objet principal de notre vision béatifique : la sainte et adorable Trinité. Jésus nous en a donné le secret au soir de la dernière cène : “La vie éternelle, c’est de te connaitre, o Père, toi, le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ”.

Père par génération
Jamais nous n’aurions su que Dieu était Père si Jésus lui-même ne nous l’avait d’abord appris : “Nul ne connait le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils l’a révélé”. Or, si le Christ a eu la bonté de nous découvrir ce secret de sa vie intime, c’est qu’il voulait que cette vérité change quelque chose dans notre vie.

Quelle complaisance n’éprouve-t-il pas lorsqu’il nous parle de son Père qui est dans les cieux. “Moi et mon Père, nous sommes un...” Le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voit faire au Père, car ce que fait celui-ci, le Fils aussi le fait pareillement. Oui, le Père aime le Fils, et il lui montrer tout ce qu’il fait. De même, en effet, que le Père a la vie en soi, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui”. D’autre part, Dieu le Père ne cache pas sa tendre prédilection pour son Fils qu’il a envoyé dans le monde. Il le déclare même sans ambages en deux circonstances solennelles : le baptême de Jésus et la transfiguration.

En ces deux révélations spectaculaires, Dieu fait entendre sa voix dans le roulement du tonnerre : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances. Écoutez-le !” Il manifeste donc clairement à la face du monde sa qualité de Père puisqu’il déclare que Jésus-Christ est son Fils unique, celui qu’il a engendré de toute éternité avant même l’apparition des astres lumineux : “ante luciferum genui te…”

Père par création
S’il est vrai que Dieu possède en propre cette qualité de Père du fait qu’il a engendré son Verbe de vie, on ne peut douter que Dieu exerce une certaine paternité à l’égard de toute la création. Saint Paul nous dit bien que c’est de lui que découle toute paternité au ciel et sur la terre.

Dieu, en effet, est notre Père par création puisque c’est en lui en vérité que nous recevons à tous les instants l’être et la vie. Jésus-Christ a souvent insisté sur cette idée pour nous faire comprendre notre souveraine dépendance de Dieu. Le sermon sur la montagne en est l’exemple le plus lumineux.

“Aimez vos ennemis et ceux qui vous persécutent. Ce faisant, vous deviendrez les fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les bons et les méchants et tomber la pluie sur les justes et sur ceux qui ne le sont pas. Vous donc soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait...” “ Ne vous inquiétez pas du boire et du manger, car votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela...” “Si donc vous, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il ce qui est bon a ceux qui le lui demanderont”.

Ajoutons à cela les merveilleuses paraboles que le Christ a composées pour nous faire saisir plus clairement comment son Père nous aime malgré nos misères et nos péchés : par exemple la parabole de l’enfant prodigue, celles de la vigne et du vignerons homicides sans compter les enseignements explicites du Christ sur ce point.

Ainsi donc, toute créature peut revendiquer Dieu pour Père et c'est déjà une grande consolation de savoir que Dieu n’est pas seulement un juge sévère et un maitre rigoureux, mais qu’il est surtout un Père aimant de qui procède toute vie et tout bien.

Père par adoption
Mais le message le plus bouleversant, le plus révolutionnaire que le Christ ait lancé sur terre, c’est bien que son Père à lui, la première personne de la très sainte Trinité, est aussi notre Père a chacun de nous dans la mesure où nous vivons de sa vie divine : la grâce surnaturelle. En effet, au jour de l’ascension, le christ n’a-t-il pas affirmé devant ses apôtres : “ Voici que je retourne à mon Père qui est aussi votre Père”.

Bien sûr, Jésus n’entendait pas signifier que nous étions, comme lui, fils du Père par voie de génération, mais bien fils du Père par adoption. Saint Paul nous en avertit lorsqu’IL dit dans son épitre aux Romains “Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs dans lequel nous nous écrions : Abba ! Père !”

Mais cette paternité adoptive est si efficace que Dieu le Père nous la communique par la grâce, une participation réelle a sa nature divine au point que nous vivons de sa vie trinitaire. Fort de cette conviction, saint Jean n’a pas cessé de répéter : “voyez combien est grand l’amour que le Père nous a témoigné, puisqu’il a voulu non seulement que nous soyons appelés ses enfants, mais que nous le soyons en effet”

Nous ayant appelés à participer de sa propre vie intime, le Père nous a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils bien aimé. C’est dire qu’il nous enveloppe tous du même amour dont il aime de toute éternité son Fils unique.

Qu’est-ce qui se dégage de ces sublimes vérités ?

Conclusion
Puisque Dieu est mon Père non seulement par création, mais même par adoption, je dois l’aimer d’un amour filial. Toute ma vie doit s’écouler sous le signe de l’amour et de la confiance à l’égard de mon Père. Si ce Père bien aimé est la source, le principe de ma vie naturelle et surnaturelle, il doit en être la fin, le terme bienheureux. Une résolution s’impose donc à mon cœur d’enfant : « J’irai vers mon Père ». Quelles que soient mes fautes, mes misères, mes faiblesses, je suis sûr de trouver dans le cœur de Dieu un cœur de Père qui pardonne tout à son enfant repentant.

Quelle douceur m’inspire ce nom de Père ! Mes prières en gagnent toute la suavité puisque prier c’est ouvrir son cœur à son Père. Et le ciel, mais c’est tout simplement la maison de mon Père ou je retrouverai enfin celui vers lequel je tends de tout mon être, de toute mon âme d’enfant.

Ah ! Ne comptons pas avec notre Père du ciel ! Entrés dans sa famille par la grâce de l’adoption, nous ne sommes plus des serviteurs qui travaillent pour un salaire. Nous sommes des enfants que l’amour seul doit guider. Les intérêts du bon Dieu, sa gloire, son beau règne dans les âmes, voilà notre ambition.

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinitas - revue du tiers-ordre et de l’archiconfrérie de la très sainte Trinité, 4e année, No. 2, 1958, pp.7 à 9. Disponible a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska, a Granby (Fonds P049).