Apôtre inconnu


- Ma décision est prise ! J’entre la semaine prochaine chez les Frères convers.

- Pas possible ! A ton âge ! Un garçon aussi doué que toi ! C’est de la folie, voyons ! Aller s’enterrer vivant dans un monastère pour devenir le cireur de bottes de ses confrères ? Tu perds la tête ?

- Mais pas du tout. De toute évidence, tu n’y comprends rien. Cela ne me surprend pas car notre Seigneur disait a ses disciples : “Celui-là seul à qui il aura été donné de comprendre, comprendra !” Je vois bien que tu n’es pas de ceux-là … Ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu. Il faut en prendre son parti !

Bien répondu, cher ami. Que ta réponse parvienne à tous ceux qui trouvent objection à ce qu’un jeune homme décide de se consacrer corps et âmes au service de Dieu dans les rangs des Frères convers.
Il est particulièrement triste de voir venir ces objections de la part de ceux-là mêmes qui devraient être les promoteurs de vocations religieuses au milieu de notre jeunesse. Que de parents ont essayé ainsi de détourner leur grand gars de poursuivre la route du plus grand amour ; que de pasteurs ont découragé les enthousiasmes de leurs jeunes en couvrant de ridicule la légitime ambition de ceux qui aspiraient à la vie religieuse du frère convers.

Et pourtant cette vocation est à la fois évangélique, noble et sublime !

Vocation évangélique
L’idéal de pauvreté, de chasteté et d’obéissance que le Christ a proposé à ses disciples n’apparait pas comme un commandement imposé aux prêtres ou aux évêques de l’Église naissante. Il est contraire suggéré comme un conseil à ceux - prêtres ou fidèles - qui aspirent à imiter de plus près leur divin modèle : “Si tu veux être parfait, va, vends tous tes biens, prends ta croix et suis-moi !”

Le Christ lui-même a énoncé les moyens les plus efficaces de parvenir au sommet de la perfection chrétienne : pauvreté : vendre tous ses biens ; chasteté : devenir eunuque volontaire pour le royaume de Dieu ; obéissance : se renoncer soi-même par amour pour Jésus. (Mt 19,21. 19, 10-12. 16,24).

Et Pie XII explicite l’enseignement du Seigneur en affirmant : Ce n’est pas parce qu’il est clerc, mais parce qu’il est religieux que le clerc régulier professe la condition et l’état de perfection.” (Allocution aux membres du 1er Congrès international des religieux, 8 décembre 1950). Peut-on dire plus clairement et avec plus d’éloquence que le religieux, en tant que religieux, a une valeur propre aux yeux de Dieu et de son Église, du fait qu’il s’engage publiquement et officiellement dans l’état de perfection ?

Vocation noble
Devenir religieux – a quelque titre que ce soit – c'est faire preuve de noblesse d’âme. Car celui qui assume les responsabilités de cet état doit prouver au préalable qu’il est inspiré par des motifs surnaturels : l’amour de Dieu et le salut des âmes. L’Église elle-même impose cette condition lorsqu’elle exige du candidat à la vie religieuse la pureté d’intention. Un monastère n’est pas “une espèce de maison de retraite pour les désabusés, les neurasthéniques, les misanthropes ou viennent pleurer leurs déceptions tous les laissés pour compte. Pourquoi les cloitres ? Mais pour recevoir les âmes qui brulent d’un trop grand amour de Dieu et qui ont besoin d’un champ d’apostolat vaste comme le monde, les âmes qui ont compris les profondeurs du mystère de la rédemption en voyant le Christ plonger tout son être dans une accumulation étonnante de douleurs, et se courber sous la mort pour sauver le monde.” (P. Jacques, o.c.d.)

Vocation sublime
Celui qui embrasse la vie religieuse – clerc ou convers – entend prendre par-là les moyens qui l’assureront de parvenir à la perfection de la vie chrétienne. C’est une âme d’aigle, assoiffée des sommets, éprise de sainteté, animée de charité. Elle quitte tout pour rejoindre d’un coup d’aile vigoureux celui qui seul est son unique bien et son amour total. Voilà pourquoi il n’y a pas de place dans la vie religieuse pour les paresseux, les mous, les lâches, les blasés, les découragés, les efféminés. Voilà la raison profonde pour laquelle il y a dans l’Église une pénurie de vocations.

Puissent ces quelques lignes apporter lumière et réconfort à nos jeunes qui désireraient se faire religieux mais qui ne trouvent pas l’appui qu’ils attendent de leur entourage.

L’Église a besoin de religieux! Et la qualité de religieux – qu'il soit prêtre ou convers – est une richesse dont bénéficie tout le corps mystique par l’intensité de la charité qui inspire à la fois à sa consécration et sa persévérance!

Sa sainteté le pape Pie XII, de regrettée mémoire, déclarait le 8 décembre 1950: “Que personne ne soit poussé malgré soi à se donner à cette consécration. Mais si quelqu’un le veut, qu’il n’y ait personne pour l’en détourner”.

Nous demandons également à tous ceux qui ont charge d’âmes de se faire les apôtres et les promoteurs de vocations religieuses dans notre jeunesse moderne, Il existe aujourd’hui autant de vocations qu’autrefois; seulement un plus grand nombre d’entre elles se perd faute de lumière, de direction et de nourriture. Dieu vous a confié la tâche digne entre toutes d’être le père d’une foule d’âmes. A vous revient donc la responsabilité de guider ces âmes dans la voie de Dieu.

Jean-Paul Regimbal

Tiré de: Trinitas - revue du tiers-ordre et de l’archiconfrérie de la très sainte Trinité, 4e année, No. 6, février et mars 1959, pp.3 à 5. Revue conservée a la Société d'histoire de la Haute-Yamaska (Fonds P049).