En ce 17 avril 2025


Tekakwitha, la sainte Catherine de Kanawake

Par Benoit Voyer

17 avril 2025

En 1656, à Ossernenon, petit hameau connu de nos jours du nom d’Auriesville, dans l’État de New York, nait Tekakwitha. Ce prénom veut dire « celle qui met les choses en ordre ». Cette année-là, son père est chef mohawk.

Sa mère est de la lignée du peuple Algonquin. Elle fait partie du clan de la « Tortue » ou de la famille de la longue maison. Elle est baptisée dans la tradition catholique.

A l’âge de quatre ans, Tekakwitha contracte la variole, une maladie européenne. Elle survit à la pandémie, mais son corps en gardera des traces toute sa vie. En revanche, le virus ravage sa communauté, dont ses parents et son frère cadet.

Son visage est marqué par des cicatrices permanentes et deviendra quasi aveugle. Toute sa vie, elle devra tendre ses mains devant elle pour naviguer son chemin et se protéger contre les blessures.

À la suite de la pandémie, sa communauté se déplace de l'autre côté de la rivière à Caughnawaga, patelin devenu Fonda. Tekakwitha grandit chez sa tante et son oncle.

Comme les autres filles, elle aide à préparer les repas, cueille des baies dans les bois, confectionne des paniers et enfile des perles et du wampum.

A 11 ans, Tekakwitha rencontre pour la première fois un missionnaire jésuite. Le père James de Lamberville est de passage dans leur maison. Le Jésuites deviendra son confident. En bavardant avec lui, elle apprend à connaître la foi chrétienne de sa mère. D’une rencontre a l’autre, elle finit par demander le baptême. Elle portera maintenant le prénom de Catherine.

Sa famille n’est pas en accord avec le christianisation des amérindiens. Elle lui fera la vie dure.

En 1677, craignant pour sa sécurité, elle embarque à bord d’un canot avec un missionnaire catholique laïc amérindien. Ils font un long voyage. Ils traversent ce qui deviendra le Lac Champlain et remontent la rivière Richelieu jusqu’à la mission catholique Saint-François-Xavier, à La Prairie, sur la rive sud du Saint-Laurent. A cet endroit, elle pourra vivre sans contrainte sa foi chrétienne.

Le, 25 mars 1679, Catherine fait une promesse de virginité perpétuelle, ce qui signifie qu'elle désire rester célibataire, ne pas avoir de relations sexuelles et se dévouer totalement à son Jésus.

N’ayant pas une grosse santé et pratiquant des exercices de mortification comme c’était la coutume a son époque, elle décède le 17 avril 1680, à l'âge de 24 ans. Ses derniers mots sont: « Jésus, je t'aime ».

Témoins de sa mort, deux Jésuites raconteront jusqu’à la fin de leurs jours que, quelques instants après la mort de Catherine Tekakwitha, son visage balafré et défiguré par la vérole est devenu miraculeusement d'une beauté infaillible.

Elle est enterrée dans un cercueil en bois à côté de la croix de bois où elle a prié sur les rives du grand fleuve.

En 1684, Catherine Tekakwitha est exhumée du cimetière et ses restes transférés dans la sacristie. Ses restes humains sont placées à l’intérieur d’un coffre. Elle devient la première autochtone des Amériques à recevoir l’honneur de voir son corps reposer dans une église.

En 1972, les « Filles d’Isabelle » de Kahnawake recueille de l’argent et paient la confection d’un tombeau de marbre carrera qui est installé dans la chapelle de la mission catholique.

Au fil des ans, a cause de la communauté anglophone, Catherine devient Kateri Tekakwitha.

Catherine « Kateri » Tekakwitha est canonisée, au Vatican, le 21 octobre 2012 par le pape Benoît XVI. Sa mémoire liturgique est soulignée le 17 avril de chaque année.

Denis-Antoine Lévesque


Denis-Antoine Lévesque

Denis-Antoine Lévesque est actuellement l'assistant du frère ministre général des Franciscains de l'Emmanuel, frère François-Marie Garon, responsable de la formation des nouveaux membres de la fraternité franciscaine, et ira fonder une maison de formation au Cameroun, en Afrique, en septembre 2005. Les Franciscains de l'Emmanuel regroupent 68 membres. À Amqui et à Montréal, au Canada, ils sont quatre frères consacrés internes (avec quatre candidats), cinq membres externes (avec six candidats) et seize amis associés. Dans le diocèse de Nhongsamba, au Cameroun, ils sont 59 membres externes (dont 10 jeunes hommes qui cheminent pour devenir frères consacrés internes) et 92 amis associés. En novembre 2003, le cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque de Montréal, a donné une reconnaissance canonique aux Franciscains de l'Emmanuel, à titre d'association de fidèles.

Article paru en mars 2001.

«Je me souviens, je pleurais... Ce fut une découverte foudroyante!»

«À l'âge de cinq ans, je m'en souviens comme si c'était hier, j'étais seul à l'arrière de l'église de Malartic, en Abitibi. Je me suis aspergé d'eau bénite et couché par terre en donnant ma vie au Seigneur. Je me suis relevé et je suis reparti avec un feu joyeux dans le cœur», raconte candidement le frère Denis-Antoine Lévesque, initiateur des Franciscains de l'Emmanuel, une nouvelle fraternité franciscaine qui compte une trentaine de membres.

«Cette première expérience de Dieu m'a profondément marqué. Pour moi, Jésus était un être vivant. Je m'en souviens, c'était écrit à l'avant de l'église: Mon Jésus, je t'aime! Je ne savais pas tout ce qui se passait à la messe, mais je répétais sans cesse ces paroles», dit-il. Il vivait déjà une relation particulière et personnelle avec Dieu.

Né le 12 juillet 1960, ce fils de mineur, était un p'tit gars vivant et dynamique qui avait déjà une attirance pour le sacré. Il y avait de l'exubérance dans ce cœur d'enfant. C'est vraiment une grâce spéciale qu'il a reçue parce que ses parents étaient de bons catholiques du dimanche, des gens pas plus religieux que les autres de ce temps.

C'est justement à cinq ans qu'il reçoit ses premières responsabilités à l'église paroissiale: servir la messe et fermer les lumières après les célébrations.

Au séminaire
À 10 ans, il entre au petit séminaire diocésain de Rouyn, le Séminaire Saint-Michel. Désirant consacrer sa vie au service de l'Éternel, il passe son adolescence dans ce lieu de croissance particulier. Parfois, il veut devenir prêtre ou policier. À d'autres moments, pompier ou prêtre. Ou encore, prêtre ou professeur. Son désir d'accéder au sacerdoce demeure cependant toujours présent.

François d'Assise
À 12 ans, il fait la rencontre de saint François d'Assise en regardant le film « François et le chemin du soleil ». A partir de ce jour, plus rien n'est pareil dans son cœur. C'est le coup de foudre! Un véritable choc de l'âme! Sans tarder, il dévore les cinq ouvrages consacrés au personnage qui se trouvent à la bibliothèque scolaire.

«Je me souviens, je pleurais... Ce fut une découverte foudroyante! Au premier livre, je pleurais en lisant chacune des pages. Ce qui m'a touché de François, c'est sa relation avec Jésus. Il était un passionné! C'était tout ou rien ! Je me retrouvais en lui. Moi aussi, je voulais tout donner au Christ!» raconte-t-il comme si c'était hier.

À partir de ce moment, la dimension franciscaine entre en lui. Cela s'est fait discrètement parce qu'il ne savait même pas qu'il existait des Franciscains au Québec. C'est à 15 ans qu'il rencontre des membres d'une fraternité laïque, le Tiers-Ordre franciscain. C'était au séminaire, lors d'un rassemblement d'un groupe de la paroisse, parce que l'église-cathédrale venait d'être détruite par un violent incendie.

«Je voyais des gens entre 40 et 50 ans qui venaient à une réunion. J'ai demandé ce qu'il y avait à cette rencontre. Ils m'ont répondu: Les Franciscains séculiers laïques». J'ai répondu: «Ah oui! Saint François d'Assise! Il me faisait tellement vibrer! Je suis allé à la rencontre et j'ai commencé à fréquenter ce groupe. J'allais aux réunions deux à trois fois par mois. C'est là que j'ai eu ma première formation franciscaine. J'ai fait mon noviciat dans le troisième ordre de François», ajoute Denis Lévesque.

Le feu de l'Esprit
À l'école secondaire, Denis Lévesque s'implique dans la pastorale. À 15-16 ans, Bob Digman, originaire de Waterloo, dans les Cantons-de-l'Est, et actuellement missionnaire au Mexique, est de passage en Abitibi pour une tournée d'évangélisation où il raconte son expérience de conversion. Une soixantaine de jeunes de l'école viennent l'entendre et prier avec lui, dont Denis. Ils sont touchés par l'expérience. Plusieurs repartent avec un renouvellement de leur vie de foi.

«Les p'tites filles me travaillent»
De 16 à 19 ans, il vit ses expériences amoureuses avec les filles, dont la majorité sont membres du groupe de la pastorale scolaire touchées par l'expérience Digman.

À 19 ans, il a une relation plus sérieuse avec une jeune fille qui lui demande de réfléchir à son avenir et de faire des choix. «C'était une fille extraordinaire! Elle s'appelait Sylvie!», lance l'homme aux yeux qui brillent encore de tendresse pour elle.

«Est-ce que je veux me marier? Est-ce que je désire avoir des enfants? Qu'est-ce que je veux faire de ma vie? » Il se pose bien des questions.

L'appel de la prêtrise revient encore plus fortement en lui. Il décide de poursuivre sa route seul et d'aller plus loin dans cette voie pour répondre au feu qui brûle en lui.

Un regard de père

Inscrit en sciences humaines au cégep, le jeune Lévesque continue sa recherche. «À 20 ans, mon père m'a amené visiter sa mine. Cela a été un moment qui m'a profondément marqué. Il m'a présenté à ses compagnons de travail. Il était fier de me présenter! Ce regard porté sur moi par papa m'a fait du bien. On a besoin d'être regardé pour pouvoir vivre! Surtout par ce regard de père!» dit Denis Lévesque sur le ton du secret, tout en se berçant sur une bonne vieille chaise pas trop confortable.

Montréal
Après ces années au collège public, il arrête ses études. Il déménage à Montréal et travaille à la Banque Nationale durant 18 mois.

Avec son colocataire, l'abbé Pierre Smith, il fonde le groupe de prières Saint-Louis-de-France. «Ça a été un peu phénoménal! Lorsque nous avons débuté, nous étions trois jeunes. Au bout de trois mois, nous étions 30! Six mois: 80! Huit mois: 200! Chaque semaine! J'ai été responsable durant un an et demi. Le groupe a fonctionné pendant cinq ans...», ajoute-t-il.

Il fait ensuite un stage dans une communauté franciscaine et part étudier la théologie à Ottawa.

Rome
À 22 ans, il entre au noviciat des Oblats de la Vierge Marie à Rome. Dans cette ville d'Italie, il y a des Franciscains et des Capucins à chaque coin de rue. Chaque fois que j'en voyais un, c'était comme si je recevais un coup de poignard en pleine poitrine. Par la suite, je suis souvent allé prier à Assise. Dans ce pays, j'ai renoué ma relation avec saint François», se souvient l'homme à la barbe et aux cheveux qui commencent à annoncer les années de la sagesse.

Il décide donc de quitter le postulat, de revenir terminer ses deux années de théologie à l'Université Laval de Sainte-Foy et à poursuivre sa réflexion.

Naissance des Franciscains de l'Emmanuel
Le 5 janvier 1985, avec un groupe d'amis, il fonde les Franciscains de l'Emmanuel, une fraternité communautaire dans l'esprit du saint d'Assise. Le groupe prend naissance avec la permission de l'archevêque de Montréal. Ses quatre compagnons du début décident de quitter la communauté. En 1986 se joint à lui François Garon, qui prend l'habit gris et avec qui il chemine depuis ce temps.

De 1990 à 1995, ils résident à Roxton-Pond, situé à quelques kilomètres de Granby, mais aucune nouvelle recrue à la fraternité. De 1995 à 1997, ils vivent une expérience avec les Franciscains du Renouveau dans le Bronx, en pleine jungle new-yorkaise. Ils songent à se joindre à cette nouvelle fraternité franciscaine prospère. Ils reviennent finalement au Canada et décident de s'établir à Montréal.

Mère Teresa: une amie
«Å New York, on rencontrait souvent Mère Teresa parce que ses religieuses habitent à 10 minutes de marche de chez les Franciscains du Renouveau. Les frères prêtres vont souvent célébrer la messe dans leur maison. Il y a beaucoup d'échanges entre les deux communautés. Quand elle venait à New York, elle habitait toujours à cet endroit. Nous allions souvent prier avec elle», raconte le frère Denis-Antoine Lévesque.

Il poursuit: «En juin 1997, avant qu'elle parte pour Calcutta, deux mois avant qu'elle décède, je lui donne une petite lettre lui expliquant que François et moi étions en réflexion pour savoir si nous revenions au Québec. Si nous restions à New York, il n'y avait pas de retour possible au Canada avant une quinzaine d'années. Je lui demandais donc conseil. Elle prend la lettre, elle l'amène à Calcutta et elle décède le 6 septembre 1997. Une semaine plus tard, nous recevions sa réponse. C'est donc une des dernières lettres écrites avant son départ.» Mère Teresa écrivait: «Dieu vous a sûrement amenés à New York afin de pouvoir mieux aimer et apprécier le don de votre communauté au Québec.»

Pourquoi persévérer?
S'il a persévéré, c'est qu'il est convaincu d'être dans sa vocation. Les deux franciscains se disent depuis plusieurs années que même si la communauté ne compte pas plus de deux ou trois membres, ils persévéreront et mourront en Frères franciscains de l'Emmanuel.

C'est un peu fou! Humainement, ce que nous avons vécu semble un échec, mais je sens que je fais vraiment la volonté de Dieu dans cet état de vie. Cela correspond à ce que je veux vivre », conclut frère Denis-Antoine.

Tiré de: Benoit Voyer. « Les Témoins de l’essentiel », éditions Logiques, une division de Québecor, 2005, pp.115 à 121. Article paru initialement dans la Revue Sainte Anne. Le livre est conservé chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal (BANQ 204.4 V975t 2005).