En ce 2 avril 1966


Le Québec de 1966

Par Benoit Voyer

2 avril 2025

En 1966, l'année de ma naissance, la société canadienne poursuit sa transformation. La révolution dite tranquille bat son plein.

En voici le bilan publié dans La voix de l'Est du mercredi 11 janvier 1967 (page 2): « Le taux des naissances et de la fertilité a baissé au Canada en 1966, jusqu’à atteindre le chiffre le plus bas enregistré jusqu’ici, du moins en ce qui concerne les naissances. On est évidemment tout de suite porté à attribuer ce phénomène à la ‘‘pilule’’, ce célèbre contraceptif qui gagne de plus en plus de popularité. Les experts sont d’avis que, si la pilule a eu un rôle à jouer dans cette diminution des naissances, il ne faut pas exagérer son importance. Pour le moment, personne n'a encore entrepris l’enquête gigantesque qui démontrerait de façon rationnelle jusqu'à quel point la pilule joue un rôle primordial dans la vie du pays. »

Et puis : « Le taux de naissances, sur 1,000 personnes, a été de 20 en 1966, alors qu’à la fin de la dépression, en 1937, il était de 20,1. Lorsque l’économie commença à se relever de la dépression, le taux des naissances remonta lentement, jusqu’à 24,3 à la fin de la guerre. Les mariages et les retours de guerre causèrent une recrudescence en 1947, alors que le taux des naissances s’éleva jusqu’à 28,5. Ce taux est demeuré relativement stable jusqu’en 1957, alors qu’il commença à décliner. Depuis 1960, les taux de natalité et le nombre global de naissances ont baissé de façon continuelle, chaque année au pays ».

Plus près de moi, dans mon patelin, selon La Voix de l’Est du 21 janvier 1967 (page 6) : A Granby, « Les statistiques dans les neuf paroisses catholiques de langue française de Granby montrent que l’année 1966 a subi une baisse en ce qui a trait aux naissances, aux mariages et aux sépultures. En effet, les derniers 12 mois indiquent qu’il y eut 852 baptêmes, 286 mariages et 207 sépultures comparativement à 864 baptêmes, 292 mariages et 219 sépultures, en 1965. La paroisse St-Eugène, qui l’an dernier avait nettement fait sa marque dans le domaine des naissances avec 180, a quelque peu perdu du terrain en 1966 et se fait maintenant donner le pion par la paroisse St-Joseph. Cependant avec un chiffre de 148 baptêmes, la paroisse St-Eugene se maintient au sommet des paroisses. […] Dans le domaine des mariages, la paroisse St-Eugène l’emporte haut la main avec un total de 53, soit sept de plus que sa plus proche concurrente, la paroisse St-Joseph. Cependant, le plus grand nombre de sépultures pour l’année 1966 va à la paroisse Notre-Dame, avec un total de 57 ».

Enfin, « Compte tenu de sa population, la paroisse St-Eugène vient en tête pour ce qui est des baptêmes avec 148, soit 81 garçons et 67 filles. Mais c’est cependant inférieur au nombre de 1965, qui avait atteint le chiffre record de 180 baptêmes. Pour ce qui est des mariages, la paroisse St-Eugène se classe aussi première avec 53 mariages, soit 20 de plus que 1965. Les sépultures sont demeurées sensiblement au même point: 32 en 1966 et 31 en 65. »

Un Québec catholique
En1966, le Québec est encore profondément chrétien, mais on sent que les choses commencent à changer.

Le 8 décembre 1965, l’Église catholique termine les travaux du grand concile œcuménique Vatican II débutés le 11 octobre 1962.

Lancé par le saint pape Jean XXIII, celui-ci, sans trop le savoir encore, transformerait l’Église catholique en le tirant vers ses origines en faveur des pauvres et des exclus. Ainsi donc, l’histoire d’une Église triomphante et ami des rois, des reines et des puissants prendrait fin peu à peu. Comme Jésus le souhaitait, après de millénaires d’errance, l’Église sera maintenant au service des pauvres et avec les plus pauvres.

Un extrait du la constitution Lumen Gentium signé par le saint pape Paul VI le 21 novembre 1964 montre le côté novateur et, dans le contexte de l’époque, révolutionnaire: « Mais, comme c’est dans la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la rédemption, l’Église elle aussi est appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut. Le Christ Jésus « qui était de condition divine s’anéantit lui-même prenant condition d’esclave » (Ph 2, 6), pour nous « il s’est fait pauvre, de riche qu’il était » (2 Co 8, 9). Ainsi l’Église, qui a cependant besoin pour remplir sa mission de ressources humaines, n’est pas faite pour chercher une gloire terrestre mais pour répandre, par son exemple aussi, l’humilité et l’abnégation. Le Christ a été envoyé par le Père « pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, ... guérir les cœurs meurtris » (Lc 4, 18), « chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 10) : de même l’Église enveloppe de son amour ceux que l’infirmité humaine afflige, bien plus, dans les pauvres et les souffrants, elle reconnaît l’image de son fondateur pauvre et souffrant, elle s’efforce de soulager leur misère et en eux c’est le Christ qu’elle veut servir. Mais tandis que le Christ saint, innocent, sans tache (He 7, 26) ignore le péché (2 Co 5, 21), venant seulement expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17), l’Église, elle, enferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement. »

21e concile œcuménique de l’histoire, Vatican II… « se distingue […] des autres conciles. Ce fut le premier concile à être un événement mondial, tant par la qualité de ses membres – les peuples de toutes les parties du monde y furent représentés -, que par la présence des médias et, notamment, de la télévision. Mais il s’est surtout distingué par son objet : tous les conciles précédents ont traité de questions internes de l’Église, questions théologiques ou questions de discipline dans l’institution – Vatican II est le premier concile qui, ayant pris acte du pluralisme religieux, aborde la place de l’Église dans un monde pluriel : Cela l’amène à s’interroger sur ce qu’est l’Église et à déterminer quels doivent être ses objectifs (les catholiques diront sa mission) pour aujourd’hui. »9

La révolution dite tranquille
Je vis mon enfance au rythme de la révolution dite tranquille. A Granby, comme partout au Québec, on s’ajuste au bouleversement des structure, des manières de vivre et des mentalités.

Pendant mes quinze premières années, je grandirai autour du clocher de l’église Saint-Eugène.

Dans ma ville, c’est la transformation de l’économie industrielle La loi du marché oblige de nouvelles règles économiques.

Depuis 1964, c’est Paul-O. Trépanier qui est le maire de la municipalité. Il le sera jusqu’en 1985. Sous son règne, la ville prend de l’expansion et se modernise. Elle s’endette aussi.

De société conservatrice, le patelin de Granby devient plus “libéral”. Comme partout au Québec, les valeurs éclatent, les églises et les communautés religieuses perdent du terrain. De plus, les femmes et les jeunes prennent la parole et s’impliquent. Ils imposent leurs valeurs.