En ce 15 avril 2025


Mon père

Par Benoit Voyer
15 avril 2025

Le 15 avril 2021, mon père entrait dans la gloire des bienheureux du ciel. Il y a longtemps qu’il se préparait à entrer dans la grande lumière. Pour lui, la mort était une nouvelle forme de vie.

Il est décédé au CHSLD Villa-Bonheur, sur la rue Court, à Granby, à la suite de troubles pulmonaires causés par la Covid 19.

Je l’accompagnais depuis quelques nuits, avec ma conjointe Manon. Il est parti en me tenant la main.

Ses funérailles ont été célébrées le 19 avril 2021 en l'église catholique Immaculée-Conception, à Granby, Le père Michel Vigneau a présidé la cérémonie en faisant des parallèles entre Dieu le Père et Roméo, le père.

Il est inhumé dans le lot 40G section 19 du cimetière Mgr Pelletier a Granby, le même jour.

Naissance et baptême
En 1930, dans le haut pays du Kamouraska, sur les terres publiques de Mont-Carmel situées sur la rive est du Lac de l’Est, un groupe d’hommes et de femmes forment en ce lieu une petite communauté nommée la « mission du Lac de l’Est ». Pendant que les hommes travaillent à exploiter la forêt pour le compte des frères Plourde, les femmes s’occupent de leurs marmailles. Du 19e siècle jusqu'aux années 1960, le lac est utilisé par l'industrie forestière pour l'alimentation des moulins à scie et le flottage du bois.

Le secteur est également habité par quelques familles de la première nation Wolastoqiyik, communément appelée « les Malécites ». Les Wolastoqiyik l’appellent le lac Kijemquispam. Ce nom apparait pour la première fois sur une carte toponymique en 1944. Il s’agit d’un mot en wolastoq, la langue parlée par les Wolastoqiyik.

La chapelle du Lac de l'Est en 1927

Dans la petite chapelle en bois construite en 1926, tous vont à la messe lorsque le prêtre catholique est de passage. En ce début des années 1930, c’est l’abbé Albert Dionne qui est le desservant. Le lieu de prière est aussi l'endroit où les quelques enfants de la communauté vont à l’école et où se rassemble au besoin la petite communauté.


La grève du lac de l’Est est une place magnifique pour la pêche. L’eau est claire et y vit de nombreuses espèces de poissons délicieuses à savourer, notamment le touladi, l'omble de fontaine, la perchaude, le corégone, la ouananiche et la lotte.

Le lac est situé sur la frontière canado-américaine. De l’autre bord, au loin, c’est le comté d’Aroostock, dans l’État du Maine. La municipalité américaine la plus proche est Allagash.

En canot, si on suit le courant des eaux, on navigue sur le petit lac de l’Est et la rivière Chimenticook, un affluent du fleuve Saint-Jean.

A environ deux kilomètres de la chapelle, la famille d’Edgar Voyer et Alice Chenard est une des rares qui détient des droits de propriété. Leur lot est sur une pointe de terre située sur la rive du lac et un petit cours d’eau qui sera connu du nom de “ruisseau Voyer”, qui fait référence, bien entendu, aux occupants a son embouchure.

Leur maison en bois est construite au centre de la propriété. Sur le bord de la maison, Alice Chenard, la mère de famille, y a planté quelques fleurs, des « annuelles »[1].

C’est à cet endroit, au cœur de la forêt enneigée, que le 23 décembre 1930 Alice donne naissance à Roméo, mon père, qui sera le dernier marmot du couple. Après les douleurs de l’accouchement, le « p’tit Méo » sera rapidement entouré de ses frères et sœurs : Camille, l’aîné né en 1912, Jean-Marie, Madeleine, Isabelle, Simone, Germaine, Rachel et Gabriel. Jeanne-Mance n’a vécu que quelques heures.

Le lundi 25 décembre 1930, jour de Noël, le bambin est baptisé dans la petite chapelle de la mission par l’abbé Albert Dionne. Il reçoit les prénoms de Joseph, Henri et Roméo. Ses parrain et marraine sont Sigefroid Lizotte [2] et Bertha Dionne [3], un couple de voisins [4]. Le même jour, dans la chapelle, on baptise aussi Léo Gauvin, fils de Charles Gauvin et Alice Marquis. Le journal Le Peuple du 9 janvier 1931 [5] fera écho à ces nouvelles naissances.
Le 17 octobre 1953

Fiançailles et mariage

En 1952, quelques mois avant de se marier, ma mère – avec quelques amies de Mont-Carmel, au Bas Saint-Laurent - participe à une retraite spirituelle animée par le vénérable père Victor Lelièvre à la Maison Jésus-Ouvriers.

Elles prennent le train de Saint-Philippe-de-Néri jusqu’à Québec. Mon père qui était en route pour son travail de bucheron, la dernière « run » qu’il fera, s’arrêtera les saluer et passer quelques heures avec « les filles » qu’il connait bien avant de s’enfoncer dans la forêt boréale.

Maman gardera toute sa vie un précieux souvenir de cette retraite spirituelle.

Roméo arrive à Granby au printemps 1953. Il trouve un emploi à l’Esmond Mills. Engagé pour une journée, il y passera une quarantaine d’années.

Le 17 octobre 1953, il épouse ma mère, Jeannine Jean, dans l’église de Mont-Carmel, dans le Kamouraska. Ils s’installèrent à Granby.

Ils habitent d’abord sur la rue Decelles, devenue de nos jours la rue Matton, puis sur la rue Saint-Charles Nord, en face de l’avenue du Parc (la maison n’existe plus).

Yvon naît en juillet 1955 et Pauline en mai 1957.

En 1957, l’Annuaire téléphonique de Granby [6] indique qu’ils sont domiciliés au 343, rue Savage. Il s’agit de leur première maison.

En 1958, il est inscrit dans le bottin qu’il est domicilié au 98, rue Villeneuve et qu’il est journalier à l’Esmond Mills.

En 1960 arrive la Révolution tranquille québécoise [7]. Les annuaires de 1960 et 1961 indiquent qu’ils sont domiciliés au 98, rue Villeneuve, que mon père est journalier à l’Esmond que et leur numéro de téléphone est 8-5470.

Quelques jours après la naissance de Clément, le 24 mai 1961, ils emménagent le 667, rue Saint-François, où ils passeront le reste de leurs jours. Le duplex est construit pour eux par Léopold Dionne. Leur numéro de téléphone est FR8-5470. Leur premier locataire est Laurier Fontaine. Lui succéderont Raymond Paradis et Huguette Desormeaux.

En 1963, une année après l’ouverture des travaux du concile Vatican II, leur numéro téléphonique devient le 378-5470.

En 1964, Roméo, toujours a l’emploi de l’Esmond Mills, devient mécanicien d’entretien.

Je nais en novembre 1966.

En l’été 1975, on demande à Roméo de se rendre avec un patron de l’usine, étudier la mécanique de nouvelles machines pour l’Esmond Mills. Il apprend notamment les rudiments des « corner automatiques ». Il fera une pause de quelques jours pour assister au mariage d’Yvon, le 19 juillet.

En 1986, il ferme l’usine de la rue Cowie après avoir démonté la machinerie qu’il avait installée dix ans plus tôt. Il les installera une deuxième fois dans une usine de la Dominion Textile située à Magog.

On lui offre de se joindre aux employés de Magog, mais il décide de se prévaloir du plan de préretraite auquel il souscrit depuis quelques années. Il a 58 ans.

A l'usine Esmond Mills, rue Cowie, a Granby

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[1] Lors de ma visite du site, en 2013, elles étaient les reines du site puisque la maison n’existe plus.
[2] Né le 19 octobre 1897 et décédé le 12 février 1960. Inhumé dans le cimetière de Saint-Philippe-de-Néri
[3] Née le 24 juillet 1906 et décédée le 21 mars 1976. Inhumée dans le cimetière de Saint-Philippe-de-Néri
[4] En 1932, Edgar et Alice seront les parrain et marraine de leur fille Bartha Lizotte
[5] Le Peuple, 9 janvier 1931, p. 1 www.numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4020518?docsearchtext=le%20peuple%209%20janvier%201931
[6] Des annuaires téléphoniques de Granby sont conservés dans le centre de documentation de la Société d’histoire de la Haute-Yamaska (SHHY 920.011)
[7] Au Québec, la Révolution tranquille, débute en 1960 et prend fin en 1982.

Le Poste Magnan, a Sainte-Julienne

En ce 14 avril 2025, j'ai longuement marcher en plein champs sur le lieu du futur méga poste Magnan, a Sainte-Julienne.










Actualité Plus


En septembre 1986, Benoit Voyer, les Productions Vidéographes et les Productions Vidéos Granby, propose a la télévision communautaire de Transvision Plus, le bulletin "Actualité Plus".

Même si le projet n'a pas été retenu, le document produit et conservé dans le Fonds Benoit Voyer (P049) de la Société d'histoire de la Haute-Yamaska est une belle pièce documentaire.

D'abord, on y retrouve le jeune journaliste que j'étais, 19 ans. J'en suis a mes débuts dans l'univers des médias.

Au sommaire de l'émission:
1-Incendie dans le bâtiment de la Terrasse du Parc et un extrait d'un entretien avec Denis Turgeon, le chef des pompiers de Granby;
2-Les initiations étudiantes au Cégep de Granby et en entretien avec Yvan Vaillancourt, directeur général de l'institution;
3-Un accident sur la rue Denison Ouest, a Granby;
4-Opinion au sujet du stationnement du l'aréna de Granby.

François Lapierre


François Lapierre

Mgr François Lapierre est évêque du diocèse catholique de Saint-Hyacinthe. De 1967 à 1971, il est missionnaire dans le diocèse d’Ica, au Pérou, ou il œuvre à titre de curé de la paroisse San Joaquin et d'aumônier diocésain de l’Union nationale des étudiants catholiques (UNEC). Après un retour au Québec de quelques années, pendant lesquelles il travaille auprès des jeunes, il quitte à nouveau le pays en 1979 pour le Guatemala. Jusqu’en 1981, il y exerce son ministère au sein d’une équipe formée de prêtres et de laïcs missionnaires. Forcé alors de quitter le pays, il devient missionnaire au Honduras ou il travaille pendant deux ans auprès des séminaristes et dans des quartiers pauvres. Le 28 mai 1991, il devient le supérieur général de la Société des missions étrangères, à Montréal. En 1997, il est réélu pour un second mandat, interrompu le 7 avril 1998 par sa nomination comme évêque du diocèse de Saint-Hyacinthe. Son ordination épiscopale a eu lieu le 16 juin 1998 et a été présidé par Mgr Louis Langevin, évêque émérite du diocèse, en la cathédrale de Saint-Hyacinthe.

Article publié en septembre 1998 et l’entrevue en avril 2003.

Malgré tout, l’espérance

“Je n’étais pas un homme de grande foi. Je voyais des paysans qui regardaient la mort avec tranquillité... Pas moi... J’avoue que je sentais beaucoup de peur: Je crois qu’on aurait mis cette menace-là a exécution. J’ai bien pensé que j’allais laisser ma vie au Guatemala”, raconte Mgr François Lapierre, évêque de Saint-Hyacinthe, sacré le 16 juin 1998, encore sous le choc des événements qui ont bouleversé sa vie en octobre 1980.

Un beau jour, il trouve sous sa porte une lettre au ton impératif: “Si dans les 48 heures vous n’êtes pas sorti du pays, nous devrons vous supprimer”. Sans tarder, il se rend chez son évêque pour lui demander conseil. Une quinzaine de prêtres viennent d’être tués. Ce sont les semaines les plus sanglantes de la guerre civile qui sévit au pays. Le prélat n’hésite pas un instant et va lui-même le reconduire à la frontière du Honduras ou François Lapierre restera jusqu’en 1983.

“En allant le rencontrer, je me disais: si j’ai des indications claires que je dois rester, je vais rester!” se soutient-il. Mgr Lapierre croit que cet événement est providentiel. D’ailleurs, pour lui, le hasard n’existe pas: “Nous ne sommes pas guidés comme des marionnettes ou téléguidées ou programmés comme un programme d’ordinateur: Je crois à la Providence divine et que nous sommes accompagnés par le Seigneur”.

C’est en 1979 qu’il arrive avec une équipe de prêtres et de laïcs au Guatemala pour y travailler. Le Guatemala vit une guerre civile très importante. L’expérience est très difficile pour ces personnes installées dans la région ou il y a un affrontement entre l’armée et la guérilla révolutionnaire qui combat le régime établi. Raoul Léger, un Acadien faisant partie du groupe de Canadiens, y a même laissé sa peau.

“J’ai beaucoup pensé à lui dernièrement. J’ai participé aux funérailles de Mgr Géraldi qui a été assassiné au mois d’avril à cause de son implication dans la réalité des droits humains. Je me suis rappelé notre expérience au Guatemala. Il y a eu des centaines de milliers de personnes qui ont été torturées, tuées ou déplacées”, confie-t-il.

Un évêque pas comme les autres
Francois Lapierre avoue avoir de la difficulté à apprivoiser le titre de “monseigneur”, car il n’aime pas les honneurs. Le successeur de Mgr Louis Langevin est humble, d’une grande intelligence et préfère l’apostolat sur le terrain, particulièrement dans les milieux les plus défavorisés. Ses propos touchent et dérangent. Il n’a rien de ces théologiens aux discours rigoureux. Il est spirituel. Ce qu’il dit, on le sent sorti directement de ses tripes.

Il parle trois langues (anglais, français et espagnol) et se débrouille bien dans deux autres (portugais et italien).

Il ne serait pas étonnant de le voir accéder à des fonctions plus importantes au sein du catholicisme. Il pourrait bien devenir cardinal. Il n’a que 56 ans et les spéculations courent au sein du clergé. “Disons que je vais commencer par être évêque!” répond-il, un peu ennuyé par les propos rapportés et pour mettre fin à un sujet qu’il ne veut pas trop développer par modestie. Il est fort probable que le portrait pastoral de ce diocèse de la Rive-Sud du Saint-Laurent change au fil des prochains mois.

Il est un adepte de la théologie de la libération. Gustavo Gutierrez, le père de ce courant spirituel, est son ami depuis de longues années. Le 16 juin 1998, le religieux était présent à la cathédrale de Saint-Hyacinthe parmi les nombreuses personnalités invitées de partout sur la planète - dont la majorité des évêques du Québec - pour son sacre.

Théologie de la libération
“La théologie de la libération est une façon d’aborder l’expérience chrétienne. Quand on lit la bible, on s’aperçoit que la liberté est au cœur de cette expérience. Qu’est-ce que la liberté? Est-ce que c’est juste de choisir entre dix sortes de shampoings? C’est d'abord la réalité de s’ouvrir à la souffrance de l’autre. Il ne faut pas avoir peur de la liberté et de la libération. Elles font partie de la foi. Nous devons changer nos façons de voir. Nous ne devons pas être des catholiques les pieds posés sur les freins. Nous sommes trop sur la défensive! Il faut avoir le courage d’être ce que nous sommes!”, explique le berger maskoutain.

Il poursuit: “Mon expérience en Amérique latine m’a amené à voir l’importance d’une option préférentielle pour les pauvres et à voir comment l’Église peut être non seulement au service des pauvres, mais faire que les pauvres soient des acteurs privilégiés dans l’Église. C’est ce que j'ai appris de la mission en Amérique latine. Les gens pauvres, très pauvres, même analphabètes, peuvent être des acteurs importants dans la mission. Ils ne sont pas uniquement des objets”.

Il n’aime pas l’étiquette d’“homme de la gauche catholique” qu’on lui attribue. Pour lui, ces termes de la gauche et de la droite correspondent plus à une réalité politique qu’a une réalité chrétienne. Il se méfie de la polarisation, car il y a un danger de faire passer les idées avant les personnes et, ainsi, de créer une mentalité sectaire à l’intérieur de l’Église.

C’est en 1966, après quatre mois d’apprentissage de l’espagnol, au Mexique, qu’il se rend au Pérou pour travailler dans un quartier pauvre d’Ica, une petite municipalité d’environ 10 000 habitants, située au sud du pays, en plein désert. A la demande de l’évêque, il se retrouve aumônier des étudiants à l’université de l’endroit qui regroupe près de 8000 jeunes. “ C’est comme ça que j’ai connu Gustavo Gutierrez. Il était responsable du Mouvement des étudiants catholiques du Pérou. Il est devenu mon ami. J’ai beaucoup appris à son contact. Il m’a aidé à revoir ma théologie, ma façon de comprendre la foi et, surtout, à découvrir que celle-ci a une dimension sociale, une dimension collective et pas seulement une dimension personnelle, individuelle. Il m’est devenu important de voir cette dimension sociale de la foi. Je suis demeuré à Ica jusqu’en 1971” relate-t-il.

Enfance
Francois est originaire du 1055 chemin Compton à West Shefford (aujourd’hui Bromont). Une plaque commémorative est installée devant la jolie maison de campagne.

Ses parents, René Lapierre et Rachel Jolin (aujourd’hui décédés), se sont connus et mariés dans ce petit village aux précieux paysages. Sa mère était originaire du 6e rang.

Il a cinq ans lorsque la petite famille déménage rue Albert, à Granby. C’est dans ce quartier de la célèbre cité du beau jardin zoologique en Amérique du Nord qu’il grandit. Il fait ses études primaires à l’école Saint-Eugène, de Granby - dirigées par les Frères du Sacré-Cœur – et ses études secondaires à l’Externat classique Mgr Prin (nom donné en l’honneur de Mgr Jean-Charles Prince, premier évêque de ce diocèse, de 1852 à 1860) de Granby et au Séminaire de Saint-Hyacinthe.

Le couple Lapierre donne naissance à 10 enfants: François, Mance, Hélène (psychologue), Marthe (elle travaille à Développement et paix), Zoé (enseigne la musique), Jérôme (sociologue), Guy (géologue), Benoit (journaliste au quotidien La Voix de l’Est), Louis (journaliste au quotidien Le Devoir) et Eugène (il travaille à Tennis Canada).

Monsieur Lapierre a besogné sur les chantiers de construction et a été propriétaire d’une petite usine d’emballage. Durant son adolescence, François a mis la main à la pâte pour aider son père, qu’il admire beaucoup.

“Ma mère n’avait pas souvent le temps s’aller à l’église. Malgré tout, nous avons été éduqués dans une atmosphère chrétienne. Comme dans plusieurs familles, nous disions le chapelet avec le cardinal Léger, qui passait chaque soir à la radio. Nous avions donc une vie de prière à la maison”, relate-t-il en puisant dans ses souvenirs.

La prêtrise
Sa vocation religieuse, il l’attribue à sa grand-mère qui lui a donné l’habitude d’aller à l’église, puisque ses parents occupés par la marmaille et l’entreprise ne pouvaient pas toujours s’y rendre.

Il n’est pas devenu prêtre parce qu’il n’avait pas d’attirance pour la gent féminine. Bien au contraire! Il a toujours éprouvé ce besoin de relations et gardé en lui cette attirance naturelle d’un homme pour une femme. “Mais c’est mystérieux... J’avais comme un attrait plus grand: la radicalité de l’Évangile, c’est-à-dire de suivre le Seigneur et d’aller vers les plus pauvres”, dit-il.

En aout 1961, il entre à la Société des prêtres des missions étrangères et est ordonné prêtre, le 18 décembre 1965, a l’église Saint-Eugène, de Granby, dix jours après la fin du concile Vatican II.

En mission
Il part pour le Mexique afin d’apprendre l’espagnol, puis est rapidement nommé aumônier en milieu universitaire à Ica au Pérou. De 1971 à 1979, il revient au Canada et est animateur missionnaire pour sa congrégation religieuse. Il met sur pied le Mouvement des étudiants catholiques du Québec. De 1973 à 1979, il est également membre du conseil central de la Société des prêtres des missions étrangères. De 1979 à 1980, il est aumônier du Mouvement international des étudiants catholiques et du Mouvement international des professionnels catholiques à Paris et à Genève. Enfin, en 1991, il est élu supérieur général de sa communauté. Une semaine avant son sacre, il quitte son bureau de Laval et déménage à l’évêché de son nouveau diocèse.

Il soutient l’Église
“L’an dernier, je suis allé au Synode de l’Amérique. Un soir, j’ai été invité à souper chez le pape. Avec lui, nous étions huit autour de la table, dont le supérieur des Jésuites. Après le souper, le souverain pontife nous a invités à prier dans sa chapelle. Pour s’y rendre, je marchais juste derrière lui. Il s’est arrêté, m’a pris la main et m’a invité à le soutenir, car il a de la difficulté à se déplacer. Nous avons marché ensemble jusqu’au lieu de prière. J’ai vécu la une expérience très profonde. J’ai senti un homme ayant un très grand poids à porter. J’ai trouvé ça très émouvant”, se plait-il à raconter, comme un enfant émerveillé. Cependant, il insiste pour dire que ce geste gratuit n’a rien à voir avec nomination.

Un homme d’espérance
“Nous sommes au début d’un grand renouveau spirituel et de l’Église. Nous n’avons rien vu encore. L’Église est une réalité de l’avenir. Il y a quelque chose qui est en train de grandir en elle. Les prochaines années vont être surprenantes!” conclut-il.

“Je n’étais pas un homme d’une grande fois... Tous ne sont oas d’accord avec lui. Sa foi est riche et intense. Il a cette capacité d’être docile a l’Esprit saint, a la Providence divine. C’est ce qui lui a permis de sortir vivant de son expérience au Guatemala et d’être a l’écoute des signes de Dieu sur sa route. Mgr Francois Lapierre est un véritable témoin de l’Évangile. Dans son diocèse, son intimité avec Dieu lui permettra de déplacer des montagnes. Surtout que bien des gens sont en attente d’un renouvellement de certaines pratiques pastorales.

L’entrevue

BENOIT VOYER – Monseigneur François Lapierre, qu’est-ce que la résurrection?

FRANCOIS LAPIERRE – C'est “être vivant”! C’est ce qu’affirme les évangiles. “Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts?” (Lc 24,5).

Cette réalité ne se vit pas uniquement lors de notre passage de la vie à trépas au terme de notre chemin humain. Nous la vivons déjà durant notre existence quotidienne. Toutes personne vit des moments de mort et de résurrection. Au moment des ténèbres que nous traversons, au moment où nous croyons qu’il n’y a plus rien de possible, il y a toujours l’espérance d’une vie nouvelle. Déjà cette espérance est très présente dans les psaumes. Je dois vous avouer que c’est ce qui soutient ma foi.

B.V. - Cela est le sens philosophique de la résurrection. Après la pluie vient toujours le beau temps. Au bout d’un long tunnel obscur, il y a toujours la lumière qui nous attend...

F.L. - Pour représenter la résurrection, j’aime l’image de l’enfant qui vient au monde. Lorsqu’il nait, il y a rapidement une rupture avec la mère. Ainsi, nous visons une expérience nouvelle. La résurrection chrétienne, c’est faire l’expérience de devenir une nouvelle création dans le Christ. J’aime beaucoup cette pensée de Pascal: “Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter? Quel est le plus difficile, de naître ou de ressusciter, que ce qui qui n’a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore? (...) La coutume nous rend l’un facile, le manque de coutume rend l’autre impossible: populaire façon de juger!” (Pascal, Pensées, 222-882). Son questionnement est intéressant: celui qui a créé le monde peut aussi nous re-créer!

B.V. - Thomas dit avoir touché concrètement à Jésus après sa mort. Cela pose un doute pour l’intelligence. Est-ce que vous êtes à l’aise avec cette affirmation?

F.L. - Jésus lui dit: “ Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru”. Je crois fermement que nous sommes appelés à vivre cette béatitude des gens qui ne l’ont pas vu et qui sont appelés à vivre cette béatitude des gens qui ne l’ont pas vu et qui sont appelés a la foi. Cependant, on peut penser que cette foi ne repose pas uniquement sur une réalité vraiment rationnelle ou logique parce que toute la spiritualité chrétienne nous invite à ressusciter chaque jour, à vivre la résurrection au quotidien.

Voici une autre image de la résurrection que j’aime beaucoup. A la fin d’une journée, parfois, il m’arrive d’être très fatigué. Je me couche et ne fais rien pendant huit heures. Le matin, je me réveille reposé. L’Écriture nous parle à plusieurs reprises de la résurrection comme d’un réveil.

B.V. - Peut-on faire ce parallèle avec la réalité de la résurrection du Christ qui est le fondement du christianisme?

F.L. - Ces images sont des réalités qui peuvent nous aider à découvrir le mystère de la résurrection et à le vivre au présent. La grande question n’est pas seulement de la vie après la mort, mais de la vie avant la mort. Nous avons à nous soucier de la qualité de cette vie. C’est là que l’expérience chrétienne, quand elle est bien vécue, devient une expérience de vie. Tout le cheminement de la foi est un art de vivre. La résurrection, c’est l’expérimentation de la vie en abondance.

B.V. – Revenons a Thomas. Est-ce qu’il a vraiment touché le Christ en chair et en os? Est-ce qu’il serait plus simple pour l’intelligence d’affirmer que c’était un corps métaphysique?

F.L. – C’est le corps du Christ ressuscité.

B.V. – Comment décrire ce corps du Christ ressuscité?

F.L. – C’est une réalité qui dépasse notre entendement. La résurrection n’est pas simplement comme dans le cas de Lazare un retour à la vie antérieure. Lazare a été réanimé. La résurrection est une nouvelle création. C’est une réalité nouvelle qui dépasse notre raisonnement humain.

B.V. – Est-ce que nous pourrions comparer la résurrection du Christ a une apparition?

F.L. – Vous avez bien compris. C’est un phénomène mystique. Ce n’était plus le corps de chair du Seigneur. C’était son corps transformé, ressuscité. Sans vouloir amenuiser l’importance de la nécessité d’une compréhension rationnelle de ce phénomène, je pense que c’est une réalité qui se comprend surtout avec le cœur.

B.V. – Comment surmonter le doute?

F.L. – Le récit de la rencontre du Christ avec les disciples d’Emmaüs vous donne la recette. Il faut commencer par se mettre en route. En marchant, Jésus se présente et engage un dialogue à l’aide des Écritures. La Parole de Dieu a le pouvoir d’animer ou de réanimer un élan en soi. Parfois, il faut juste une parole.

Les étapes de leur cheminement nous montrent que la première chose qui ressuscite, c’est le cœur : Il s’ouvre à de nouvelles capacités. Une nouvelle espérance s’installe. L’amour qui renait nous amène à nous engager davantage au service des autres et à pardonner.

De plus, les jours saints que nous vivrons dans peu de temps (L’entrevue précède de peu la fête de Pâques) peuvent être une source pour retrouver l’élan. Par cette commémoration du passage de Jésus de l’épreuve a la mort et de la mort a la vie nouvelle, chacun célèbre ses vendredis saints et ses matins de Pâques,

B.V. – Qu’est-ce qu’il faut penser du doute?

F.L. – Il est normal de douter et de passer par des périodes ténébreuses. Les plus grands saints sont passés par des périodes de grande obscurité. Ce sont des étapes charnières dans notre vie. Elles ne se traversent pas toujours avec l’avancée en âge.

B.V. – Avez-vous déjà connu de ces périodes de doutes?

F.L. – (Silence. Il scrute du regard les yeux du journaliste. Il comprend que la question a pour principal but d’aider son interlocuteur à traverser ses propres doutes. D’une voix mi-éteinte, comme lorsqu’on confie un grand secret, il poursuit…) L’assassinat de mon ami Raoul Léger, avec qui j’ai travaillé au Guatemala, a engendré dans ma vie et dans ma foi une grande période d’obscurité. Ce fut une terrible épreuve pour moi. J’ai douté jusqu’à remettre en question mon apostolat.

Il y a quelques mois, lors de la présentation du nouveau film de l’ONF qui porte sur sa vie, j’ai vu un parallèle entre celle-ci et celle de Jésus. Raoul n’avait que 30 ans.

B.V. – Pourquoi avez-vous douté?

F.L. – C’est toujours la question du pourquoi qui hante l’esprit, surtout lorsqu’on a l’impression d’avoir été fidèle à l’appel reçu et qu’on a donné le meilleur de soi-même. J’ai beaucoup questionné Dieu.

B.V. – Qu’est-ce que l’épreuve a transformé en vous?

F.L. – L’expérience a été pour moi un tournant important. J’ai découvert une réalité nouvelle dans la spiritualité. Elle n’est pas une fuite, mais un au-delà. J’ai découvert une lumière dans ma nuit. C’est difficile à exprimer. C’est une expérience qui s’explique difficilement avec des mots. Si je n’avais pas vécu cet événement, mon cheminement n’aurait pas été le même. Après quelques pas dans la nuit, j’ai vu le soleil se lever. J’ai vécu l’expérience d’une vie nouvelle. La résurrection, c’est le soleil qui se lève après la nuit obscure.


Tiré de: Benoit Voyer. « Les Témoins de l’essentiel », éditions Logiques, une division de Québecor, 2005, pp.153 à 163. Article paru initialement dans la Revue Sainte Anne. Le livre est conservé chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal (BANQ 204.4 V975t 2005).