La rivière Chaudière, a Sainte-Marie |
René-Étienne Voyer (1715-1785)
Par Benoit Voyer
27 mars 2025
René Voyer nait le 11 novembre 1715 à Beaufort-en-Vallée, en Anjou. Il est le fils de René Voyer, fils de René Voyer et Simonne Thourault, et de Marie Bellanger, fille de Pierre Bellanger et Marie Couet, qui ont uni leurs destinées dans l’église Notre-Dame, à Beaufort-en-Vallée, en Anjou, le 26 juin 1710.
Il est le frère ainé de Marie (née le 27 juin 1717) et Adrien (né le 4 octobre 1721). Adrien épousera Françoise Busque, fille de Jean-François Busque et Michelle Renault, le 23 novembre 1751, à Beaufort-en-Vallée. Il passera sa vie dans son patelin natal et deviendra serrurier. Il y décédera le 19 mai 1794, vers 7h du matin.
Dans certaines régions de France, le prix du sel qu’on utilise pour la conservation des aliments est fort élevé et est l’objet d’une taxe spéciale. René Voyer, comme plusieurs autres, en achète illégalement afin de le revendre dans son milieu. Malheureusement, il se fait prendre la main dans le sac. René est condamné pour trafic de sel par le système judicaire royal. Ainsi donc il est un « faux saulnier ».
Sa condamnation : La prison à vie ou l’extradition permanente dans la colonie de la Nouvelle-France ou il devra se mettre un certain temps au service de “l’habitant” ou de la “milice” avant de retrouver sa pleine liberté.
C’est ainsi que René, un célibataire de 30 ans, est obligé, bien malgré lui, de quitter sa région natale, l’Anjou. Il ne choisit donc pas de migrer en Amérique.
Avec d’autres prisonniers, il est embarqué à La Rochelle. Il part pour un long voyage en bateau de la compagnie de Fonville de la France jusqu’au port de Québec. A bord, l’hygiène et la nourriture seront de piètre qualité.
Le 11 juillet 1744, il arrive à Québec. Lui et plusieurs autres prisonniers débarquent du navire, malades. Sa mauvaise condition physique nécessite des soins urgents.
Sans tarder, il est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu du Précieux-Sang. Il en ressortira le 5 aout. Durant ses semaines de soins, il donne quelques renseignements à son sujet. Ceux-ci seront notés dans le registre des malades. De sa déclaration, on note qu’il s’appelle « Étienne », du moins c’est ce qu’on répétera pendant très longtemps. Malheureusement, la personne qui a écrit la note n’a pas une très bonne calligraphie. En réalité, elle a noté « et Renne ». Ainsi donc, il s’agit de René Voyer, mais, à partir de ce jour, il sera connu du prénom d’Étienne.
En 1744, l’église catholique est dirigée par Mgr de Pontbriand, arrivé à Québec en aout 1741.
Depuis plusieurs années, la population de la Nouvelle-France est en forte croissance. Les dirigeants décident donc d’ouvrir de nouveaux territoires à la colonisation. C’est ainsi que le 23 septembre 1736, le marquis de Beauharnois, gouverneur de la Nouvelle-France, concède à Thomas-Louis Taschereau, une seigneurie qui couvre une étendue de trois lieus des deux côtés de la rivière Chaudière. Celle-ci est baptisée du nom de Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce et deviendra une mission catholique en 1738 et une paroisse en 1744.
Étienne Voyer et plusieurs habitants de l’île d’Orléans flairent la bonne affaire. Ils s’y établiront.
Le 28 février 1746, le seigneur Tashereau donne un terrain à la fabrique pour la construction d’une petite église catholique. Le voisin de ce terrain est « Voyer ». Ce dernier cultive une propriété de trois arpents de front sur une profondeur de 40 arpents. De nos jours, son terrain est devenu en grande partie la rue Marguerite-Bourgeoys, en plein centre-ville de la municipalité de Sainte-Marie.
Durant ses premiers mois à Sainte-Marie, le travail d’Étienne est principalement de « faire de la terre », c’est-à-dire de défricher la forêt ancestrale. Il fallait jusqu’à trois ans de travail pour rendre une terre cultivable.
En 1748, dans la nouvelle seigneurie de Sainte-Marie, en Nouvelle-Beauce, on ouvre un nouveau cimetière. Il est voisin de la terre d’Étienne.
Le 7 février 1750, Étienne Voyer épouse dans la petite église catholique de Sainte-Marie Magdeleine Dupont. Elle a une quinzaine d’années de moins que lui. Leur convention de mariage sera signée le 20 juin 1750 à la greffe du notaire Claude Barolet.
En 1751, 1752 et 1754, Étienne et Magdeleine donnent naissance à Thérèse, Étienne et Louis.
En 1754, à Sainte-Marie, on construit une première église en bois. Le temple devient voisin de la terre d’Étienne et Magdeleine.
En 1755, le conflit entre les colonies anglaises et françaises est bien amorcé en Nouvelle-France. Durant cet été, l’Hôtel-Dieu de Québec ou a été soigné Étienne a l’été 1744, est la proie des flammes.
En 1756 et 1758, Étienne et Magdeleine donnent naissance à Louis et Julienne.
En juillet 1759 a lieu le siège de Québec. Après d’importants bombardements sur la petite ville de Québec, le 18 septembre 1759 Québec capitule aux mains des Anglais.
Mgr de Pontbriand, l’évêque de la Nouvelle-France, est conciliant avec l’envahisseur britannique. Il demande la même attitude de la part des catholiques. Il veut à tout prix préserver l’Église canadienne et éviter qu’elle devienne anglicane. Il décédera le 8 juin 1760, quelques mois avant la capitulation de Montréal en septembre 1760. Puisque l’envahisseur est hostile au catholicisme, il n’y aura pas d’évêque à Québec jusqu’en 1766.
En 1760, Étienne et Magdeleine donnent naissance à René. Son nom est fort probablement donné en hommage au grand-père d’Étienne.
Le recensement de 1762 permet d’apprendre qu’Étienne et Madeleine comptent 3 “enfants mâles au-dessous de 15 ans” et 3 enfants femelles”. Ils possèdent trois arpents de terre et 9 en semences, un boeuf, deux vaches, deux “taurailles”, etc.
En 1763, année de la fin du Régime français, débuté en 1674, Étienne et Magdeleine donnent naissance à Marie-Madeleine.
En cette année 1763 est signé le Traité de Paris dans lequel la France cède presque l’entièreté de ses possessions territoriales en Amérique du Nord, dont le Canada, aux Britanniques. Londres adopte la Proclamation royale et crée la « Province of Quebec ». C’est la naissance du Régime britannique en Amérique. Les Anglais voudront à partir de ce moment « britanniser » son nouveau territoire par l’immigration et l’assimilation de la population francophone, qui compte environ 60 000 habitants.
Les affaires administratives et religieuses passent ainsi sous la domination de l’Angleterre.
Marie-Claire Fleury de la Gorgendière, devenue seigneuresse à la suite du décès de son mari, procède au règlement de la succession et régularise les titres de propriétés de ses censitaires. Puisqu’Étienne n’avait reçu qu’une concession verbale, on lui concède le lot 52. L’acte est enregistré dans le registre du notaire Pierre Parent le 26 février 1764.
En 1765, Étienne et Magdeleine donnent naissance à des jumeaux : Jean-Baptiste et Jacques-François. Ils décéderont la même année, de même que le petit Étienne.
En 1766 et 1768, Étienne et Magdeleine donnent naissance à Jean-Baptiste et Marguerite.
Le 22 juin 1774, le roi Georges III ratifie l’Acte de Québec. Il sera permis au Canadiens français le droit de conserver leur langue, leur droit civil et la religion catholique.
«Devant la faible immigration britannique dans la « Province of Quebec », « le mécontentement des Canadiens d’origine française et le contexte tendu dans les Treize colonies américaines obligent Londres à faire preuve de réalisme et à écouter les conseils du gouverneur Guy Carleton. Ce dernier recommandait de renoncer au projet d’assimiler les Canadiens pour entretenir l’harmonie et faciliter la gestion de la colonie. Sa position reçut des appuis à Londres, notamment parmi ceux qui ne voulaient pas répéter les erreurs commises en Irlande.
Les mesures importantes instaurées en 1774 sont le rétablissement des lois civiles françaises et du régime seigneurial, l’élargissement considérable de la Province of Quebec et l’abolition du serment du test. Celui-ci, en obligeant les individus à renier l’autorité papale et la transsubstantiation du Christ dans l’Eucharistie, restreignait l’accès des catholiques français aux charges publiques.
Un Conseil législatif, dont les membres sont toutefois nommés par le gouverneur, est aussi instauré par l’Acte de Québec. Des Canadiens français catholiques seront nommés par le gouverneur et vont pouvoir siéger au sein de ce nouveau conseil. […]
Les diverses mesures mises en place par l’Acte de Québec plaisent bien entendu aux élites seigneuriales canadiennes et à l’Église catholique, mais déplaisent en revanche aux marchands britanniques de Montréal et de Québec, qui voient les nouvelles mesures comme une victoire des catholiques français. L’élargissement d’une province « papiste » sur les terres fertiles de l’Ohio crée aussi du mécontentement dans les Treize colonies et contribue à la Révolution américaine.
Si on prend la nation québécoise comme objet d’étude, l’Acte de Québec incarne une forme de renaissance. Évidemment, sur le terrain, l’application de la Proclamation royale était déjà assez souple en réalité. Néanmoins, en 1774, une nation conquise dont le destin était de disparaître se voit tout à coup reconnue par son conquérant, qui renonce officiellement à l’assimiler, lui redonne ses institutions et lui permet de continuer d’exister.
À première vue, cette nation issue de la colonisation française semble ainsi se voir offrir un nouvel horizon des possibles, lui permettant d’espérer et de se projeter dans l’avenir. »[1]
A Sainte-Marie, en 1778, on construit une chapelle en bois consacrée à sainte Anne. Ce lieu de piété a pour but de satisfaire la dévotion envers la grand-mère de Jésus des catholiques de la seigneurie et implorer cette dernière de les préserver des dégâts de inondations.
En 1781, le curé Jean-Marie Verreau et le seigneur Gabriel-Elzéar Taschereau font construire une deuxième église. Celle-ci sera en pierre et remplacera la précédente faite de bois.
Le 30 juillet 1785, la justice ordonne à la seigneurie de Sainte-Marie et ses habitants de procéder aux réparations des ponts sur son territoire et l’élargissement du chemin du roy. La terre de la famille d’Étienne Voyer figure sur la liste des propriétés touchées. Le jugement stipule que les travaux devront être terminés au plus tard le 26 juillet 1786.
Étienne Voyer, ne verra pas la fin des travaux puisque qu’il décède le 8 décembre 1785, à Sainte-Marie. Ses funérailles sont célébrées le 10 décembre dans l’église paroissiale, située juste à côté de sa propriété et il est inhumé dans le cimetière de Sainte-Marie ou on enterre les défunts de la seigneurie depuis 1748. Il y rejoint ses quatre enfants décédés en bas âges.
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[1] Martin Lavallée. « Il y a 250 ans, l’Acte de Québec redonnait vie au Canada francais », Journal de Montréal, 22 juin 2024 www.journaldemontreal.com/2024/06/22/il-y-a-250-ans-lacte-de-quebec-redonnait-vie-au-canada-francais