En ce 6 aout 2025


Josémaria Excriva


Expulsé du Soudan par les islamistes


Expulsé du Soudan par les islamistes

Par Benoit Voyer

6 août 2025

Le 7 août 1999, tard en soirée, le père Gilles Poirier, 57 ans, missionnaire a la Société des prêtres des missions étrangères, descend de l’avion ou l’a fait monter, quelques heures plus tôt, le gouvernement du Soudan afin de l’expulser de son pays. Dans les couloirs de l’aéroport de Dorval, il est calme malgré la grande souffrance intérieure que viennent de lui infliger les dirigeants soudanais qui cherchent à restreindre toutes actions de l’Église catholique en terre soudanaise passée sous régime islamique. Son seul commentaire en descendant de l’avion est: “C’est dégradant d’être manipulé comme ça, comme un criminel!”[1]

L’ordre de partir arrive le 17 juillet 1999. Pendant trois semaines, il tente tout – avec l’avocat du diocèse où il habite – pour connaître les raisons qui poussent le gouvernement à l’expulser. Il va jusqu’à visiter les ministères un a un, sans jamais officiellement recevoir de réponse.

“Le motif, ils ne me l’ont jamais dit. J’ai été au ministère de l’immigration et ils ont exigé que je quitte le pays. J’ai demandé quelles étaient les raisons de mon expulsion. Ils m’ont dit: “Nous, on est sous des ordres que nous exécutons. Nous ne savons pas les raisons”. J’ai demandé ou je pourrais aller m’informer. Ils m’ont envoyé à la Sécurité d’État du ministère des Affaires sociales qui inclut les affaires religieuses. C’est à ce moment qu’a commencé mon pèlerinage d’un bureau à l’autre. Cela n’a pas donné de résultats”, a-t-il confié.

Le 7 aout, il doit quitter le pays sous peine d’emprisonnement. Comme convenu, il se rend à l’Immigration. Des fonctionnaires soudanais l’escortent à l’aéroport pour s’assurer de son départ. Ce n’est qu’une fois à bord de l’avion qu’ils lui remettent son passeport.

“On ne m’a jamais dit les motifs, sauf que nous savons à la longue! Le gouvernement avait payé un informateur qui vivait dans notre communauté chrétienne. On lui a donné quelques sous en échange de renseignements...”, ajoute le missionnaire.

Dans ce coin du Soudan, les missionnaires catholiques s’occupent de petits projets de développement. Les femmes y tiennent notamment un petit commerce pour apporter un peu de pain à la maison, le salaire des maris ne suffisant pas aux besoins de leurs familles.

Il poursuit: “Un nouveau projet que nous voulions établir voulait être un apport pour l’Église afin de permettre à un prêtre soudanais qui arrive pour nous remplacer d’avoir des possibilités financières pour continuer les œuvres. Nous avions des machines à moudre le grain dans un secteur, des restaurants dans deux secteurs et un petit magasin dans un autre coin. Un des hommes les plus engagés de l’Église locale ne payait pas ses engagements. Il n’apportait rien! Avec le temps, on a dû sévir. Par esprit de vengeance, il m’a dénoncé au gouvernement sous de faux prétextes.”

Les gens du village connaissent cette histoire. C’est d’eux que les vraies raisons sont venues. Habituellement, c’est le silence sur les situations d’expulsion dans ce pays, mais cette fois, ce ne fut pas le cas à cause de la pression de l’Église. Le lendemain du départ de Gilles Poirier, l’affaire faisait la manchette des journaux soudanais, à la surprise du gouvernement. Celui-ci a répondu aux journalistes que le religieux a semé la haine entre les chrétiens et les musulmans, qu’il a fait de la corruption en donnant beaucoup d’argent - surtout aux étudiants afin d’alimenter la haine – et qu’il a été expulsé de plusieurs pays. Rapidement, le gouvernement a nié cette déclaration: “Nous n’avons pas dit cela!”

On finira par lui confirmer, lors d'échanges, qu’il pourrait être réintégré: « Je ne projette pas retourner [...] parce qu’il y a trop de douleurs et de conflits dans la paroisse ou j’étais. Je ne suis pas assuré que mon retour soit une bonne chose ”.

Son expulsion, le 7 aout 1999, restera à jamais gravée dans son âme comme une blessure qui ne guérit pas.

Gilles Poirier est entré dans la Société des prêtres des missions étrangères en 1964 et est devenu prêtre en 1969. Il a travaillé seize ans en Argentine, cinq ans à la formation des jeunes missionnaires de sa communauté et neuf ans au Soudan.

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[1] Une première version de ce récit a été publiée dans l’édition de juillet 2000 de la Revue Sainte Anne et repris dans le livre « Les Témoins de l’essentiel » (Éditions Logiques, 2005).

Nature


Sentier La Rivière du Parc national de la Yamaska

Frère Michel, missionnaire-sourcier


Frère Michel, missionnaire-sourcier

Pour que jaillisse l’eau vive dans les cœurs et… pour les corps

Par Benoit Voyer


"Ventre affamé n'a pas d'oreilles", affirme le dicton. Ce n'est pas la peine de crier que Jésus est la source d'eau vive quand des personnes n'ont même pas d'eau dans leur puits. L'événement du creusage du premier puits dans la colline de Toma au Burkina Faso a été l'occasion pour ses habitants de recevoir une catéchèse sur ce thème.

"Notre conviction est qu'un missionnaire ne peut évangéliser sans humaniser", lance tout-de-go Michel Allaire, frère du Sacré-Cœur depuis 1965. Depuis un an et demi, ce prêtre canadien travaille à Toma, une petite ville de 5000 habitants, située à 190 km de la capitale Ouagadougou.

Le frère Allaire est le fondateur de cette mission au nom de sa congrégation religieuse. L'œuvre, démarrée tout récemment, est un centre d'animation et de formation pour les jeunes.

"Notre action se situe auprès de ceux qui ne peuvent pas poursuivre leurs études dans les écoles officielles, raconte le religieux-missionnaire. Souvent, ils ont commencé trop tard ou ils ont échoué année; Alors, ils ne répondent plus aux normes d’âge. Étant donné qu'il n'y a pas d'institutions scolaires, ils sont exclus du système. C’est à cette catégorie de jeunes que nous voulons offrir d’autre possibilités"

La communauté des Frères du Sacré-Sœurs vient de bâtir des classes pour que ces jeunes puissent continuer leurs études. S’ils ont de bons résultats, ils sont réintégrés dans les écoles publiques pour le niveau collégial. Depuis un an, c’est 250 élèves qui s’y rendent régulièrement.

"Nous avons également lancé un volet de promotion féminine pour les femmes et filles de Toma, poursuit le frère. Il y a une religieuse africaine qui s’occupe d’elles. Pour cette première année d’activités, une trentaine de femmes étaient au rendez-vous. A la fin de la 2e année, elles recevront un diplôme d’enseignement ménager". De plus, les vieilles machines à écrire qui proviennent des pays du Nord - données à cause de l’avancement technologique – sont des outils précieux qui leur permettent d’apprendre l’art de la dactylographie.

Enfin, un vieux dispensaire désaffecté qui appartenait aux Sœurs blanches d’Afrique, a permis d’introduire un volet culturel et sportif. Une bibliothèque et un terrain de volley-ball sont maintenant au service des citoyens.

Puisqu’il n’y a pas d’électricité dans la région, des génératrices à l’énergie solaire permettent à une soixantaine de jeunes d’étudier et de lire après la tombée du jour.

« On a remarqué qu’avec la bibliothèque et les études en soirée, les élèves réussissent mieux les concours du gouvernement », précise le frère Allaire

Autour du puits
A Toma, la mission catholique est installée sur la colline donnée aux religieux à leur arrivée. Personne ne voulait de ce lieu, parce qu'il n'y avait pas d'eau. Avec l'aide financière des gens de St-Pie-de-Bagot, une municipalité du Québec située près de St-Hyacinthe, les missionnaires ont procédé au forage d'un puits.

Puisque je suis sourcier, affirme le plus simplement du monde le frère Michel, j'ai trouvé de l'eau! Nous avons creusé en plein dans le croisement des veines d'eau. La source nous donne 3500 litres d'eau à l'heure. On a mis une pompe solaire que le soleil fait tourner. De plus, on a aménagé une réserve d'eau et ensemencé des poissons qui ne cessent de se multiplier".

Au début, les gens de Toma croyaient que les religieux étaient un peu fous de s'installer à cet endroit. Ils disaient: "Nous n'avons même pas d'eau en bas et vous croyez en trouver sur la colline!" Après le forage, la source est devenue l'attraction du village. Il y a maintenant quatre puits. Un de ceux-ci est spécialement destiné aux gens de la ville.

La foi
La pratique religieuse est excellente dans de pays francophone et les séminaires sont pleins.

"Le clergé du Burkina Faso est plutôt radical et quelque peu moralisateur, note cependant le missionnaire sans amertume. Alors parfois, on comprend difficilement que j'aille chercher des sources… alors que je pourrais employer ce temps a administrer des sacrement. Mais je me dis que lorsqu’ils auront de l’eau, ils pourront boire et se laver… même de leurs péchés", lance-t-il le sourire aux lèvres.

Voir le Christ dans l’autre
La spiritualité du frère Michel Allaire fait penser à celle de Mète Therons. Lorsqu'il quitte sa chapelle, le matin, il s’efforce de voir le Christ dans chacune de ses rencontres quotidiennes.

Sa devise s'appuie sur trois "A", explique le missionnaire : adorer. aimer et aider. "Adorer: à chaque matin, je me lève à 5h30 et je prie et médite jusqu'à 7h: Aimer: Nous sommes créés pour aimer et être aimés. Je dis souvent aux gens: je suis ici et je reste ici parce que je vous aime et Dieu vous aime. Aider: je me dépense dans la journée en cherchant des puits, en donnant des cours, en surveillant des travaux, en construisant des cases pour accueillir les enfants qui viennent de villages situés à 30 ou 40 kilomètres d'ci"

Le soir avant de se coucher, il revoit ses trois "A": "Est-ce que j'ai assez adorer? Aimer? Aider?" Cette devise, confie-t-il, l'a considérablement aidé à retrouver l'esprit de la mission aux moments difficiles de sa vie.

(La personne qui aimerait correspondre avec le frère Allaire peuvent écrire a Mission catholique, Β.Ρ. 163, Toma (Province de Nayala) Burkina Faso)

Un peu d’histoire

Le 4 août 1984, Tomas Sankara faisait prendre un virage majeur à Haute-Volta, un pays de l'Afrique de l'Ouest où vivent 9 millions d'habitants. Cet homme à la tête de la Révolution démocratique et populaire, changeait le nom du pays, l'hymne national et le drapeau. A partir de ce moment, ce coin du monde devenait le Burkina Faso, un nom qui signifie le pays des hommes intègres".

Les grands thèmes exploités par Sankara ont été: l'autonomie alimentaire, l'agriculture, l'indépendance nationale et la solidarité. Il a également accordé une grande place à la femme.

"Les femmes portent la moitié du ciel », disait-il. Un pays n'a pas le droit d'exclure de toute construction, la moitié de ses bras, de ses intelligences et de ses sensibilités. La vraie émancipation des femmes, c'est celle qui la responsabilise, qui l'associe aux activités productives, aux différents combats auxquels sont confrontés le peuple".

Malheureusement, un coup d'État devait conduire à son assassinat. C'est à ce moment que Blaise Compaoré, le leader actuel de la nation, prend le pouvoir avec l'armée. Le rêve du pays des hommes intègres n'est plus que de l'histoire ancienne.

(Informateur Catholique 18 aout au 7 septembre 1996, p.11)