Visite au Sanctuaire Kateri Tekakwitha, a Kanawake
Messe chrismale a la cathédrale de Joliette
J'ai profité de l'occasion pour visiter l'exposition de peinture "Chemin de croix, chemin de vie" qui a lieu jusqu'au 20 avril. J'y ai croisé et salué Anne-Marie Forest, qui est une remarquable artiste en art sacré. Je l'ai connue lors d'une formation en accompagnement spirituel que je donnais a Montréal pour le SASMAD, entre 2005 et 2009.
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Oeuvre de l'artiste Anne-Marie Forest "Institution de l'eucharistie - La messe sur le monde" |
Robert Dutton
Robert Dutton
Depuis 1992, Robert Dutton assure la direction de RONA à titre de président et chef de la direction. De 1990 à 1992, il a occupé le poste de vice-président et de chef des opérations de cette même entreprise, chargé de l'ensemble des opérations de RONA. Depuis qu'il dirige l'entreprise, celle-ci a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant canadien de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage.
Robert Dutton est titulaire d'un baccalauréat en administration des affaires, option marketing-finances, de l'École des hautes études commerciales (Montréal), 1977.
Article paru en mars 2002.
«L'entreprise demeure, pour moi, un endroit de choix pour servir Dieu»
«La foi est un cadeau que Dieu m'a donné. Je me suis toujours demandé pourquoi il m'a gâté ainsi. J'ai toujours aimé la solitude, avoir des moments de prière et aller à la messe. Durant ma jeunesse, je devais avoir 16 ans, je me suis interrogé: Qu'est-ce qu'il me veut? Qui suis-je pour qu'il s'intéresse à moi? Je ne suis que le fils d'un quincaillier!», lance d'entrée de jeu Robert Dutton, chef de direction chez RONA.
En plus de ces questions, une autre revenait sans cesse en lui. II s'agit de la célèbre phrase du marchand: «Est-ce que je peux vous aider? » Il se questionne sur sa vocation.
Un jour, il se rend au confessionnal de sa paroisse pour en parler au curé. Bien connu des gens de son village à cause de la situation bien en vue de son père, il se dit qu'en ce lieu anonyme le ministre du culte catholique ne le reconnaîtra pas. «Je voulais comprendre ce qui me bouleversait tant. En ouvrant la petite trappe du confessionnal, il me lance: "Ah! Je suis content de te voir! Est-ce que ma tondeuse est prête?" (Rires.)», raconte-t-il.
En cette journée qui l'a grandement marqué, Robert Dutton affirme avoir compris quelque chose dans la recherche de sa vocation... Sa mission est au service des autres. Finalement, il ne parle pas de son questionnement au prêtre et repart comme il est arrivé. Robert Dutton décide de se consacrer à sa formation universitaire et de s'impliquer dans le commerce familial. En 1977, il termine un baccalauréat aux Hautes études commerciales (HEC), à Montréal.
L'entrée chez RONA
«Je suis un gars timide et réservé. J'étais très craintif d'aller travailler dans les entreprises et j'avais clairement spécifié à mon père que je ne travaillerais jamais pour RONA, dit-il. La coop et la ceinture fléchée, ce n'était pas pour moi! Quelques jours après la fin du bac, papa m'a amené à une réunion des marchands RONA. Comme un trophée, il m'a présenté au président de la coopérative. Il était bien fier de son fils sorti des HEC!» (Rires.), raconte-t-il
Il poursuit: Quelques jours plus tard, il me téléphone: "Viens donc me voir!" A son bureau, il me dit: "Les projets de ton ton père, on pense les réaliser dans deux ans," Et il ajoute: "Écoute! l'ai besoin de quelqu'un qui connaît le commerce au détail. J'aurais besoin de toi pour environ deux ans. Ton père aura le temps de murir ses projets et, de ton côté, tu verrais comment vont les nôtres! À la fin du contrat, si tu décides de retourner dans le magasin familial, tu auras une plus grande expérience de l'entreprise!" Sans que je sache pourquoi, j'ai accepté! Ce fut un coup de foudre! Je suis tombé amoureux avec RONA!»
Durant quelques années, il travaille très fort et sans arrêt. Il se défonce. De cette manière, il rend service à la société et se réalise personnellement. Dans l'intimité, il entretient sa foi. Il prie et assiste fréquemment à la messe. Dans son milieu, on n'en sait rien. Ses valeurs religieuses sont une affaire privée.
L'entrée en lui
À 28 ans, il fait un voyage d'une dizaine de jours à Vancouver, dans l'Ouest canadien. A l'approche de la trentaine, il sent le besoin de faire un bilan de vie.
Devenu directeur de la mise en marché chez RONA, il songe à manifester son intérêt pour le poste de vice-président marketing que l'entreprise veut pourvoir.
«Je réalisais que je n'étais pas marié, mais que ce n'était pas un drame. La vie n'avait pas permis que je rencontre une femme avec qui je veuille faire un projet. En revenant d'une marche, dans ma chambre d'hôtel, une question surgit en moi: Robert, quels sont tes objectifs de vie spirituelle? Cette journée-là, j'ai pris la ferme résolution d'agrandir ma connaissance de Dieu, d'améliorer ma vie de prière et d'augmenter ma présence à l'Eucharistie en y allant aussi sur semaine», se souvient l'homme aux cheveux poivre et sel.
En ces jours de réflexion, il écrit son nouveau plan éthique. Celui-ci consiste en trois points: «a) Tu ne dois jamais rien faire pour l'argent. Ce que tu as à réaliser, tu le fais pour Dieu à travers ton service aux autres. Augmenter les revenus de l'entreprise, c'est louable! Cependant, pour toi, s'il y en a, tant mieux, s'il n'y en a pas, tant mieux aussi ! Tu es au service des autres et RONA est un instrument, un lieu d'efficacité pour atteindre ton objectif de service; b) Te ne dois rien faire pour ta reconnaissance personnelle. L'orgueil éloigne de la réalité; c) Tu as des devoirs et des responsabilités envers tes employés. Attention à ta manière d'exercer ton pouvoir!»
Professionnellement, il décide de garder le cap sur la vice-présidence et, peut-être, la présidence.
Enfin, il décide qu'à 40 ans il passera à autre chose. Il songe à une vocation de service comme celles de Mère Teresa et de Jean Vanier.
En 1990, en pleine récession économique, il atteint son objectif et devient président de RONA. Pendant quatre ans, il travaille activement à redresser la situation économique de l'entreprise et ouvre les premières grandes surfaces en créant 250 emplois.
L'entrée au Grand Séminaire
«En 1994, je rencontre le président du conseil d'administration de RONA. Je lui dis: "J'arrive à 40 ans. Il me semble que j'ai réalisé tous mes objectifs. Je ne sais plus quoi faire... Je ne suis pas intéressé par la besogne de patron d'une plus grande entreprise ni de travailler pour une autre que RONA." Il me répond: "As-tu déjà pensé faire quelque chose pour la vie spirituelle des gens?"», raconte Robert Dutton.
Surpris par cette réponse, le chef de direction reste coi et songeur. Le président ne sait rien de son cheminement. Comment a-t-il pu lire en lui? Il y a tant d'années qu'il se questionne. Pour la première fois de sa vie, il décide de consulter sérieusement un prêtre catholique. Il a besoin qu’on l’aide à décider ce qu'il doit faire. A la suite de cette rencontre, il choisit d'aller réfléchir, pendant quelques mois, au Grand Séminaire de Montréal.
Ignorant tout de son questionnement intérieur, le conseil d'administration de RONA lui accorde six mois de repos pour refaire le plein. Une belle façon de souligner son vingtième anniversaire au service de l'entreprise! «De toute façon, un refus de leur part aurait simplement provoqué ma démission. Mon besoin de me retirer était trop grand!» lance-t-il.
Pour lui, il s'agit d'un des plus beaux cadeaux de sa vie. Les cours de théologie l'aident à structurer ses projets d'avenir et à réfléchir au phénomène de la mondialisation qui, selon lui, est un nouveau signe des temps, et à la dignité de la personne humaine.
L'intuition première qu'il avait en entrant au Grand Séminaire ne se concrétise pas. Après quelques mois, il décide de poursuivre chez RONA. «J'ai pris conscience que l'entreprise demeure, pour moi, un endroit de choix pour servir Dieu!» confie Robert Dutton.
Durant ces mois, j'ai écrit un plan d'avenir pour l'entreprise. Quelles sont les valeurs que RONA doit avoir? Comment cela doit-il se traduire? etc. Les changements devaient se prendre progressivement dans le but de respecter le cheminement de chaque employé. Je suis revenu chez RONA pour créer un modèle d'entreprise afin de montrer notre différence», explique-t-il.
Plus ambitieux que jamais, il veut donner à ses travailleurs des conditions de vie respectueuses, créer encore plus d'emplois et instaurer des valeurs sociétales - comme la solidarité -, car, pour lui, il faut que le coopératisme évolue. Le «modèle de la ceinture fléchée est terminé!», parce que les modèles économiques changent. «On est poussé à la croissance, mais pas à n'importe quel prix!», insiste-t-il pour nuancer son idée. Enfin, il met sur pied un important programme de communication pour l'entreprise. Personnellement, il décide de sortir sa foi du placard.
L'entrée au pays des grands
Les fruits de mes petits gestes ne me regardent pas... Je n'ai pas la prétention de changer des choses dans la société et le monde des affaires. Ce que je fais est ma façon de construire un p'tit bout du royaume de Dieu», dit-il en toute humilité - un peu à la manière de saint Joseph qu'il affectionne (d'ailleurs, une petite statue qui le représente est bien en vue dans son bureau) - avant de passer à un autre sujet afin de ne pas trop s'attarder à celui-ci.
Pourtant, depuis six ans, RONA a grandement évolué. Robert Dutton et son équipe ont créé et sauvé des centaines et des centaines d'emplois en renforçant le pouvoir de l'entreprise face à la concurrence américaine et ontarienne. Avec ses 25 grandes surfaces au Québec, RONA figure parmi les grands.
De plus, la coopérative est devenue dans le milieu des affaires un modèle à imiter, notamment au chapitre des conditions de travail, qui ont la réputation d'être les meilleures au Québec.
Enfin, à l'interne, il a instauré un petit temps de méditation et une brève prière au début des réunions du conseil d'administration. En plus de continuer sur sa lancée, il caresse un vieux rêve: implanter un «salon du silence» au siège social de RONA. Le projet est annoncé...
Entrer, toujours entrer...
Le cadeau de sa foi, il le partage depuis deux ans. C'est l'abbé Roland Leclerc qui, le premier, lui a demandé d'en parler publiquement à l'occasion d'un petit-déjeuner de gens d'affaires de Montréal. En 2001, il a répété ce geste une quinzaine de fois.
«Ça me faisait un peu peur ces regroupements de chefs d'entreprise qui se rassemblent pour prier Dieu! Je me disais: Ils doivent penser qu'ils l'ont acheté! J'avais un malaise. Je me suis rendu compte que ce n'est pas ça», ajoute le patron de RONA qui est devenu, depuis ce temps, président des Déjeuners de la prière de Montréal. L'histoire est venue aux oreilles de quelques médias -
Paul Arcand l'a déjà reçu à son rendez-vous télévisé - et de ses employés. Plusieurs sont touchés par son audace et ses propos et ne manquent pas de le lui souligner.
«Actuellement, je commence à mijoter l'idée de me retirer dans deux ou trois ans afin de réfléchir encore une fois à quelle manière je pourrais être utile à Dieu», conclut Robert Dutton, qui se demande encore pourquoi Dieu l'a gâté avec «ce si merveilleux cadeau de la foi».
Tiré de: Benoit Voyer. « Les Témoins de l’essentiel », éditions Logiques, une division de Québecor, 2005, pp.123 à 129. Article paru initialement dans la Revue Sainte Anne. Le livre est conservé chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal (BANQ 204.4 V975t 2005).
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