Les mystérieux évangiles inconnus

Il était une fois dans les médias...


Par Benoit Voyer (1996)

La vie de Jésus a fait naître une abondante littérature. Le sérieux de ces ouvrages est discutable. L’Église n’en reconnait que quatre: les évangiles de Mathieu, Marc, Luc et Jean. Cependant, les autres comportent des éléments importants de l’histoire du Christ et de l’Église naissante à ne pas négliger.

Le protévangile de Jacques, écrit par une personne provenant du monde grec et ne connaissant pas les coutumes juives avait pour but de démontrer l’origine mystérieuse de Jésus. Ce texte a connu un grand succès au Moyen âge. Le patrimoine religieux s’y inspire, sans le savoir, pour se souvenir de la vie de Joachim et d’Anne, les parents de Marie, et de l’enfance de la Vierge.

L’évangile du Pseudo-Thomas, rédigé autour du VIe siècle par un chrétien d’origine païenne, l’évangile des Égyptiens, un écrit gnostique de la 2e partie du IIe siècle, et l’évangile des Ébionites, un texte hérétique, sont d’autres œuvres sur Jésus qui ont été oubliées.

L’Évangile aux Hébreux s’emble plus sérieux. Il a des similitudes avec les évangiles connus aujourd’hui et a peu d’hérésies graves.

S’il est disparu, c’est que la communauté qui l’a écrit s’est éteinte. Les raisons sont nombreuses. Il est évident, cependant, que les révoltes de 66 et 135 dans le monde juif y sont la principale.

L’Église primitive avait deux branches à cette époque: la judéo-chrétienne (Palestine) et, l’autre, hellénistique. Les évangiles connus à notre époque s’inspirent de dernière qui est la seule à être encore vivante.

Ce que sait le monde contemporain de l’évangile aux Hébreux, tiré de la branche judéo-chrétienne, vient d’extraits et de commentaires des Pères de l’Église, car il n’y a plus d’exemplaire de celui-ci. Ce texte trouve des points communs avec l’évangile de Mathieu.

Saint Jérôme fit la découverte de deux de ces évangiles: un à Antioche et, l’autre, à Césarée.

Clément d’Alexandrie, dans ses écrits, transmet ce passage: “Comme il est aussi écrit dans l’évangile selon les Hébreux: Celui qui s’étonne régnera. Et celui qui régnera goutera au repos. Qui cherche poursuivra sa quête jusqu’à ce qu’il ait trouvé. Et qui trouve s’étonnera. Et qui s’étonne règnera. Et règne jouira du repos.”

C’est saint Jérôme qui en donne le plus d’extraits. En voici trois:

“Dans l’évangile aux Hébreux aussi, nous lisons que le Seigneur, parlant à ses disciples, dit: “Ne soyez jamais joyeux que lorsque vous regarderez votre frère avec amour”.

“Voici que la mère du Seigneur et ses frères lui disaient: “Jean Baptiste baptise pour la rémission des péchés, allons nous faire baptiser par lui”. Mais il leur dit: “Quel péché ai-je commis pour devoir rechercher son baptême? A moins, peut-être que ce que j’ai dit ne soir qu’ignorance...”

“Quand le Seigneur eut donné son suaire au serviteur du prêtre, il se rendit auprès de Jacques et lui apparut. Car Jacques avait juré de ne plus prendre de pain depuis cette heure où il avait bu à la coupe du Seigneur, jusqu’à ce qu’il l’eût vu relevé du sommeil des morts. “Apportez, dit le Seigneur, la table et le pain.” Aussitôt, il prit le pain, le bénit, le rompit, et en donna à Jacques le juste lui disant: “Mon frère, mange ton pain, puisque le Fils de l’homme est ressuscité d’entre les dormants””.

Il serait intéressant que cet évangile ait pu traverser le temps, car le XXe siècle aurait une source de référence utile: plus de détails sur Jésus, d’autres faits, paroles et précisions sur le milieu social et familial du Christ et de nombreuses informations sur cette Église locale avec ses accents et son langage.

En perdant les textes de ces milieux judaïsants dirigés par Jacques, des générations de chrétiens ont perdu une facette importante des fondements du christianisme.

Tiré de la Revue Notre-Dame du Cap, janvier 1996, p. 21. Copie du magazine disponible a la Bibliothèque du Séminaire de Saint-Hyacinthe.