Par Benoit Voyer
9 octobre 2025
Depuis quelques années, chaque
nuit, je travaille en santé mentale dans l’unité de soins psychiatriques d’un
hôpital de la région de Lanaudière. Même si la passion est moins présente que
jadis, j’aime beaucoup mon travail. La maladie mentale me fascine.
Pourquoi ai-je perdu la passion
? La réponse est simple : La maladie mentale use les intervenants et les
infirmiers spécialisés. Ce boulot est demandant. Ce n’est pas tant de la
patience qui finit par manquer, mais la compassion. Malgré tout, comme chacun
de mes collègues, je garde mon professionnalisme.
Qu’est-ce qui nous use tant ?
Bien des choses. Mais, j’ose en nommer deux. Il y a d’abord la violence de
plusieurs patients désorganisés que nous devons gérer. À cela s’ajoute
l’encadrement disciplinaire que nous devons assumer. Encadrer un patient avec un
réel problème en santé mentale, c’est compréhensible. En revanche, la gérance
de troubles de comportements, c’est-à-dire du monde simplement « mal
élevé », demande bien de l’énergie.
Je pourrais aussi parler de la
toxicomanie. Les drogues, même légales, sont une source de problèmes pour de
nombreux patients. À mon avis, la légalisation de la marijuana n’a pas été une
bonne chose pour les personnes qui ont un problème en santé mentale. Par
moment, j’ai l’impression que notre milieu de soins est devenu un centre de
désintoxication.
Un jour, il faudra que
s’organisent des grands États généraux en santé mentale. Pour le bien des
patients et une meilleure performance des milieux de soins, il faut une grande
réflexion collective sur les soins que nous donnons au Québec. Le personnel de
la santé fait en ce moment des petits miracles, mais il pourrait arriver à de
meilleurs résultats en revoyant les protocoles. D’ailleurs, en janvier, j’ai
proposé au comité de la conception du programme au Parti conservateur du Québec
d’inscrire ces États généraux dans les priorités de la formation politique.
L’affaire est restée lettre morte. Je n’ai même pas reçu un accusé de
réception.
Ma consolation est que de
nombreux patients repartent en meilleure condition qu’à leur arrivée et peuvent
poursuivre leur vie quasi normalement grâce à la médication.
De mon côté, j’ai un autre défi
quotidien. Le travail la nuit. C’est un choix que j’ai fait, bien entendu. Mais
cela n’enlève pas la difficulté. Afin de récupérer, je dors deux fois par
jour : le matin et en soirée. À cela s’ajoute très souvent une petite
sieste durant ma pause. Durant les congés, je tente de dormir un peu la nuit,
mais c’est comme si je dormais une sieste au cœur de l’après-midi. Depuis tant
d’années à travailler la nuit, mon corps a changé son rythme de croisière. Je
ne sais même pas si je serai capable de revenir à la normalité à ma retraite,
dans 4 à 7 ans.
Bon ! Bon ! Comme
l’écrivait le frère Marie-Victorin à Marcelle Gauvreau, le 20 février
1937 : « On soulage ses maux en les racontant. » C’est peut-être un peu ça
que j’ai fait aujourd’hui… Mais je voulais surtout que vous ayez une pensée
pour ceux et celles qui travaillent auprès des personnes malades en cette
Journée internationale de la santé mentale.