Par Benoit Voyer
1ᵉʳ octobre 2025
À l’hôpital Notre-Dame, à Montréal, le mercredi 2 octobre 1996, à 5 h 45, Robert Bourassa, premier ministre du Québec du 12 mai 1970 au 25 novembre 1976 et du 12 décembre 1985 au 11 janvier 1994, quittait ce monde. Il est entouré des membres de sa famille.
Depuis un long moment, il est suivi médicalement par l’oncologue Joseph Ayoub. Il gardera toujours en mémoire ce jour particulier : « Durant ses dernières minutes, je suis venu d’urgence à son chevet pour encourager la famille. Sur la route pour me rendre à l’hôpital, je me suis dit : c’est le 2 octobre, fête des anges gardiens. C’est en ces termes que j’ai parlé à la famille Bourassa lorsqu’il a exhalé son dernier souffle. « Son ange gardien a accompagné son âme au Seigneur », me racontait en 1999 le spécialiste du cancer.[1]
Accompagner l’ancien Premier ministre a été un événement circonstanciel pour lui. Lors de son arrivée à l’hôpital, Joseph Ayoub était de garde.
À titre de médecin traitant, pendant cinq semaines, il a développé une relation particulière avec lui : « J’ai appris à voir l’homme à travers le politicien. J’ai appris à découvrir un être d’une grande simplicité et d’une grande humilité. » […] « Un jour [je lui ai dit] : « Le Québec vous aime, monsieur Bourassa ! » Des larmes d’émotion contenue ont alors coulé sur son visage, silencieusement. »
Le jour de son décès, sans grande planification, il lui rend un vibrant hommage. Il s’en souvient : « En sortant de la messe, vers 7 h 30 (à l’hôpital Notre-Dame où je participe souvent à l’eucharistie), je me suis dit : ça ne se peut pas qu’un homme qui a tellement contribué à l’évolution du Québec parte sans que quelqu’un livre un dernier hommage. Je savais que la famille ne voulait faire aucun commentaire officiel aux médias. Alors, je me suis rendu à mon bureau (le K5219 du pavillon Mailloux de l’hôpital Notre-Dame, à Montréal) pour griffonner un petit texte et j’ai téléphoné à madame Bourassa pour lui demander la permission de livrer ma déclaration aux médias. » […] « Ce témoignage est sorti de mon cœur… »
Andrée Bourassa accepte la proposition. Joseph Ayoub se rend alors au bureau de Jacques Wilkins, directeur des communications de l’institution, pour lui remettre son bout de papier. M. Wilkins le met au propre et l’envoie à toutes les salles de presse par le biais de l’agence Telbec.
Puis le docteur Ayoub se rend à une réunion au Collège des médecins du Québec sans trop se soucier de la suite de son geste spontané. Mais, très vite M. Wilkins lui lance un appel urgent au téléphone : « Monsieur Ayoub, on a des téléphones de partout. Les médias veulent vous voir et vous entendre lire ce témoignage que vous avez rédigé. » À midi, il était la vedette d’un point de presse en direct sur les ondes de plusieurs stations de radio et de télévision. Ce jour-là, malgré lui, l’oncologue devenait une personnalité bien en vue au Québec. Malgré tout, il gardera toujours sa grande modestie.
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[1] Benoit Voyer. Les confidences du médecin de Robert Bourassa, Revue Sainte-Anne, février 1999 https://benoitvoyerenliberte.blogspot.com/2024/06/il-etait-une-fois-dans-les-medias-les.html
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Le lieu de sépulture de Robert Bourassa au Cimetière Notre-Dame des Neiges |