ARTICLE DU JOUR: Le prélude de la société catholique québécoise


Le prélude de la société catholique québécoise

Par Benoit Voyer

7 octobre 2025

Pendant environ 125 ans, l’Église catholique a été très présente dans la société québécoise. On pense de nos jours qu’il en a toujours été ainsi depuis l’époque de la colonisation française. Ce n’est pourtant pas la réalité. Dans la première partie des années 1800, le catholicisme est en sévère perte de vitesse. Les religieux, religieuses et membres du clergé sont de moins en moins présents dans la société. Et puis, dans l’ensemble, les catholiques sont de moins en moins catéchisés et mélangent leurs croyances avec d’autres. Le catholicisme se dirigeait droit dans un mur vers sa disparition.

Le 3 septembre 1840, l’évêque de Québec, Mgr Pierre-Flavien Turgeon, reçoit de la grande visite. Venant à peine de débarquer du British America au port de Québec, après avoir parcouru une partie des États-Unis, Mgr Charles-Auguste de Fourbin-Janson, évêque de Nancy, en France, et fondateur de la congrégation des missionnaires de France, en 1814, répond à la demande de l’épiscopat de donner une série de sermons au Canada.

L’invité a la réputation d’être un grand orateur. « Il possède à un degré éminent la triple puissance du pathétique, de la logique et de l’enthousiasme, ce qui, joint à une phraséologie naturelle et intarissable », indique les Prémices des « Mélanges religieux »[1].

Sans tarder, le dimanche 6 septembre, il donne un premier grand entretien dans la cathédrale de Québec. Ne possédant pas d’organisme de loisirs culturels, les citoyens de Québec aiment se régaler de beaux discours. À entendre cet homme venu de loin, ils sont comblés.

Le lendemain, le journal Le Canadien [2] fait les éloges de l’évêque et annonce une grande retraite spirituelle : « Le sermon de Monseigneur l’évêque de Nancy, hier, dans la cathédrale de cette ville, a produit une impression des plus vives dans son auditoire, et il est devenu le sujet de toutes les conversations : en un mot on en est revenu tout enthousiasmé. Aussi est-ce une bonne nouvelle que l’on va recevoir avec infiniment de plaisir, lorsque nous dirons que ce vénérable prélat se propose de faire en cette ville une retraite de quelques jours, où chacun pourra aller se nourrir avec abondance de la parole de Dieu prêchée par une bouche éloquente. De Québec, Mgr de Nancy doit se rendre, dit-on, à Montréal et dans le Haut-Canada, puis au Détroit et à New York, et dans diverses autres parties des États-Unis, semant partout les fruits de son admirable prédication. Il fait espérer une nouvelle visite à Québec dans le cours de l’été prochain. »

La retraite spirituelle débute le 13 septembre. Elle ne devait durer qu’une semaine, mais devant l’affluence, elle sera prolongée. Le 28 septembre, le journal Le Canadien [3] écrit : « Hier s’est terminée la retraite, commencée il y avait deux semaines, à la cathédrale de cette ville, sous la direction de Monseigneur de Nancy. Cette retraite ne devait durer qu’une semaine, mais l’affluence des fidèles auprès des directeurs de leurs consciences a été telle, tant de monde a voulu profiter des avantages spirituels qu’offrait cette retraite, qu’on a dû doubler le temps qu’on lui avait d’abord destiné. Tel est l’effet du cours de prédications de ce prélat distingué ; il en dit plus que tout ce que nous pourrions rapporter, dans le cas où un pareil sujet tomberait dans les attributions du journalisme. Monseigneur de Nancy a prêché deux fois par jour la première semaine, et une fois la seconde, et chacune de ses improvisations durait une heure et demie à peu près. On avait réuni dans cette retraite les fidèles des deux paroisses de Québec et de St-Roch, la matinée pour les femmes, le soir pour les hommes, et chaque fois la cathédrale était encombrée de monde. On a calculé qu’il ne pouvait pas y avoir moins de 5 à 6000 personnes à chaque instruction.

Monseigneur de Nancy a su profiter de l’impulsion qu’il a imprimée à la population catholique de cette ville, pour encourager la formation d'une société de tempérance, sous les auspices des autorités ecclésiastiques, et avec des avantages et exercices spirituels, sur le modèle des sociétés recommandées par les évêques catholiques d’Irlande et des États-Unis. Ainsi le passage de ce prélat serait marqué par l’accomplissement d’une œuvre qui ne peut manquer d’influer beaucoup et d’une manière permanente sur le bien-être social de notre population. […]

Cet après-midi, il a dû être présenté à Monseigneur de Nancy une adresse signée par un grand nombre de notabilités catholiques de cette ville, le remerciant des efforts qu’il a bien voulu taire en faveur des fidèles des deux paroisses. »

Le 30 septembre, l’évêque de Nancy quitte Québec pour Montréal [4], mais la visite est compromise à cause du décès de l’évêque montréalais.

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[1] Prémices des Mélanges religieux, 14 décembre 1840 au 20 janvier 1841, p. 12. Cité dans : Germaine Duval. Par le Chemin du roi une femme est venue, Bellarmin, 1982, p. 111.
[2] Le Canadien, 7 septembre 1840, p. 3 https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3455239
[3] Le Canadien, 28 septembre 1840, p. 3 https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3455248
[4] Le Canadien, 30 septembre 1840, p. 2 https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3455249