- Jean-Guy Dubuc
Par Benoit Voyer
17 août 2025
Jean-Guy Dubuc a longtemps été éditorialiste à La Presse et divers journaux du groupe de presse de Power Corporation. Il est avant tout prêtre catholique. Avant d’œuvrer dans l’univers des médias, il a enseigné la théologie dans une université. Pour lui, sa présence dans les médias a été bien plus qu'un travail. Elle a été sa mission de vie, sa mission de prêtre, qui est celle de porter l'Évangile.
En 2001, comme il l'a souvent refait depuis ce temps, il disait: « Il faut mettre le doigt sur le pourquoi de l'absence des intellectuels chrétiens sur la place publique, car cette absence [...] commence à être catastrophique. Est-ce parce qu'ils n'ont rien à dire ou qu'ils n'osent pas le dire? [...] Il faut cesser de penser que c'est la faute des autres, que ce sont les autres qui doivent prendre la parole, qu'on ne peut rien y faire ou autre prétexte semblable.»[1]
Ce qui a toujours animé sa vie, c’est d’être utile. C’est d’ailleurs ce qu’il me disait, il y a déjà quelques années : «Tant que je suis utile, j'ai une raison de vivre. Un prêtre qui n'est pas utile, ne peut pas vivre. Tant qu'il est utile, il a un sens à sa vie...» [...] «Je voudrais mourir 5 minutes après que je ne serai plus utile ».
Né en 1934, à Montréal, il est devenu prêtre, en 1958, parce qu'il voulait être au service des autres. Seule la vie religieuse l'assurait de réaliser pleinement cette aspiration profonde, inscrite au fond de son âme.
Le fils de Juliette Martel et d'Eugène Dubuc, originaires de la banlieue montréalaise, jouit d'une intelligence au-dessus de la moyenne. C'est à l'école Plessis, institution scolaire dirigée par les frères des Écoles chrétiennes que débute sa longue montée. En 1999, dans un grand entretien pour le Revue Sainte Anne, il me racontait: « Mon frère est allé à la même école jusqu'en 9e année. Parce qu'il était premier de classe, il a obtenu une bourse pour étudier au Mont Saint-Louis. J'ai décidé que je ferais la même chose parce que j'étais premier de classe à tous les mois et à toutes les années. A la fin de la 6º année, j'ai dit à mon père: "Je ne veux pas aller au Mont Saint-Louis!" "Pourquoi?", répondit-il. "Parce que je veux devenir prêtre!"». [...] « Il voulait que j'aille étudier chez les Sulpiciens au Collège Mont-Royal parce qu'il avait lui-même étudié là. Je ne voulais pas aller à cet endroit, parce que des gars que je connaissais allaient là. Je n'aimais pas leurs styles. Cela ne convenait pas à mon image(!). Alors, il a trouvé le Collège Grasset, sur le boulevard Crémazie, donc très loin pour moi qui habitais rue Sherbrooke, face au parc Lafontaine».
Jean-Guy Dubuc était vraiment décidé et motivé. Il faisait 45 minutes de tramway matin et soir. Ses cours commençaient à 8h15 et finissaient à 18h, presque 7 jours par semaine. Les élèves de ce collège étaient libres les mardis et jeudis après-midi; le samedi, les cours finissaient à 18 h, et le dimanche, ils besognaient de 8 h 30 à midi. Il garde de très beaux souvenirs de cette époque.
Il vit au sein d'une famille unie où tout concourt au développement intellectuel. Son père était professeur à l'élémentaire et maître de chapelle (il dirigeait une chorale). Chez lui, il fallait chanter tous les soirs. Après le souper, ils allaient tous au salon et son père s'installait au piano.
À 16 ans, en quête d'autonomie, il commence à travailler. II achète ses habits pour le collège, paie ses études et ses sorties.
Prêtre catholique
Il est de la dernière grande vague de prêtres canadiens-français. À cette époque, la vocation presbytérale est synonyme de prestige. Dans sa classe de première année au Grand Séminaire de Montréal, ils sont 25 gars de Montréal et une centaine du Québec et d'ailleurs. La vie de séminariste et prêtre est valorisée. Tous portent la soutane et sont salués dans la rue. Le prêtre fait partie de l'élite de la société. Cela est inscrit dans les mœurs. Mais porter la soutane, ne lui plaisait guère. Dès qu’il a pu s’habiller en civil, il l’a fait.
Une histoire de soutane
Le cardinal Paul-Émile Léger n'aimait pas tellement voir son nouveau venu sans soutane et col romain. Il n'a pas manqué de le lui dire. Cependant, il a su respecter ce choix fondé sur quelques arguments valables.
Néanmoins, puisque le jeune abbé Jean-Guy Dubuc est brillant, président des étudiants de sa classe au Grand Séminaire et un peu marginal, son supérieur et archevêque de Montréal décide de le garder bien à la vue en le nommant vicaire à la cathédrale.
Jean-Guy Dubuc me racontait : «Lorsque je suis allé étudier en France et en Belgique et que je suis allé à Rome pour participer au Concile Vatican II, je ne portais pas de soutane et de col romain! Le Cardinal [Paul-Émile Léger] était mal à l'aise avec cela, mais je lui ai expliqué mon point de vue. Pour moi, le prêtre déguisé, c'est le prêtre de l'Ancien Testament, l'homme retiré du peuple. L'homme du Nouveau Testament, c'est l'homme dans le peuple qui est pêcheur ou comptable et qui vit dans son milieu». Le « prince de l’Église de Montréal » était un homme ouvert.
En Europe
Après avoir été vicaire, aumônier de l'aviation et aumônier diocésain de la Jeunesse étudiante catholique (JEC), il part, à la suggestion de l'ordinaire du diocèse de Montréal, poursuivre sa formation universitaire en Europe. Durant l'année 1961-1962, il étudie à l'Institut Lumen Vitae à Bruxelles, mais cela ne convient pas à ses attentes.
Après trois semaines, il rencontre le chanoine Philippe Delaye dont l'influence est grande en Belgique puisqu'il est prêtre et sénateur au gouvernement. Il est le représentant de l'Église au gouvernement et professeur à Rome et à l'Ille. Il conseille à Jean-Guy Dubuc d'aller étudier à l'Ille.
Il ajoute : «Comme j'étais lié à Lumen Vitae, j'ai décidé de faire les deux en même temps. Tous les matins, je partais à 7 h avec ma voiture pour deux heures de route. Après mes trois heures de cours à l'Ille, je prenais une bouchée, je rentrais et je prenais mes cours à Lumen Vitae. Le soir, j'étudiais. Le lendemain matin, je repartais. J'ai fait cela pendant une année ».
Participation au Concile Vatican II
En 1962, à la suggestion de Paul-Émile Léger, il laisse tomber l'offre de devenir aumônier des étudiants à Paris. Il opte plutôt pour une poursuite de ses études au doctorat à l'Université Grégorienne, à Rome, afin de suivre de près le Concile Vatican II et de se retrouver auprès du Cardinal et de ses deux collaborateurs.
Ce qu'il rencontre au Concile, c'est une Église contestataire, car il y avait de grandes oppositions. Les positions du cardinal Léger et du cardinal Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II n'allaient vraiment pas dans le même sens, surtout sur la notion même d' «Église»
Jean-Guy Dubuc commente, le sourire aux lèvres : «Heureusement que le cardinal Léger était un batailleur! J'ai appris au Concile qu'il est important d'affirmer ce que l'on croit et de prendre les moyens pour imposer sa volonté. Le Cardinal s'est vraiment imposé. Il a eu des interventions extrêmement importantes qui ont influencé l'Église d'aujourd'hui ».
Au Concile, l'ouverture de l'Église sur le monde était la préoccupation d'un certain nombre d'évêques et de théologiens, et c'était loin d'être l'opinion de plusieurs autres qui étaient encore liés à une Église extrêmement hiérarchique et extrêmement romaine, liée aux dicastères romains.
La décentralisation est apparue et, surtout, les notions «Église peuple de Dieu» et «sacerdoce au service du peuple de Dieu». L'idée d'un sacerdoce hiérarchique et dominant devenait dépassée. C'est là que Jean-Guy Dubuc s'est formé à l'idée que sa vie trouve un sens dans le service.
Comme dans une relecture de vie, il me lance : «Heureusement que j'ai fait un doctorat. Je ne pense pas que je serais resté prêtre si je n'avais pas eu l'occasion d'approfondir ma foi, parce que la théologie apprise au séminaire me rebellait. Il fallait apprendre des thèses, que nous ne comprenions pas, par cœur. Je comprends pourquoi tant de prêtres intellectuels ont décroché à cette époque: il y avait une opposition entre la foi et la raison».
À Rome, il a appris à raisonner sa foi. Il a vu qu'il est possible de ne pas être en accord et d'avoir le droit de se définir comme catholique et croyant. Il a aussi appris qu'il est possible d'être contestataire et prêtre. Tout cela l'a rassuré.
Retour au Canada
À son retour au Canada, en 1963, il devient professeur à l'Université de Montréal. Ses sujets: la catéchèse et le rapport foi et raison. Son discours devient: l'Évangile doit s'incarner dans la culture contemporaine.
En 1967, le cardinal Paul-Émile Léger lui demande de prendre la direction de l'Office des communications sociales et de la revue L'Église de Montréal, ainsi que de fonder un bureau de presse à l'archevêché. Tâches que Jean-Guy Dubuc accepte, tout en continuant son travail d'enseignant.
Culture de masse
Rapidement, on le sollicite pour l'animation hebdomadaire d'une heure à la télévision de Radio-Canada, trente minutes au réseau TVA et trente minutes à CKAC 730, la radio la plus populaire de l'époque.
Pendant que des confrères religieux s'intéressent à la technique médiatique, il s'intéresse au phénomène de la culture de masse. Il me racontait : «J'étais très préoccupé par cette culture populaire. Je vivais dans un monde qui avait une culture et la transmission de sa culture et, par ailleurs, j'étais dans une Église qui vivait une autre culture et qui était de plus en plus repliée sur elle-même parce qu'elle n'était pas capable de transmettre sa culture à l'intérieur d'une culture de masse qui s'imposait. C'est cela qui a créé la crise que l'Église traverse au Québec. Je trouvais cela dramatique parce que, de toute son histoire, l'Église a toujours trouvé le moyen de transmettre son message: martyrs, l'empire de Constantin, les empereurs de l'époque, les cathédrales du Moyen Age, les arts de la Renaissance...».
Selon lui, depuis 1960, et surtout depuis 1967, l'Église est incapable de transmettre son message par la culture contemporaine. Il trouve cela regrettable.
La Presse
En 1971, à la suggestion du pasteur de son diocèse, il passe au journalisme au quotidien La Presse. En 1973, il devient éditorialiste et, en 1983, éditorialiste en chef. En 1988, éditeur du quotidien La Voix de l'Est et, l'année suivante, éditeur du quotidien La Tribune. En 1993, il tire sa révérence de l'empire de Paul Desmarais.
Durant ces années, il garde toujours la même préoccupation, qui est de propager les valeurs de la vérité, de la justice, et de prendre parti pour les plus faibles et la défense de la vie.
En 2001, comme il l'a souvent refait depuis ce temps, il disait: « Il faut mettre le doigt sur le pourquoi de l'absence des intellectuels chrétiens sur la place publique, car cette absence [...] commence à être catastrophique. Est-ce parce qu'ils n'ont rien à dire ou qu'ils n'osent pas le dire? [...] Il faut cesser de penser que c'est la faute des autres, que ce sont les autres qui doivent prendre la parole, qu'on ne peut rien y faire ou autre prétexte semblable.»[1]
Ce qui a toujours animé sa vie, c’est d’être utile. C’est d’ailleurs ce qu’il me disait, il y a déjà quelques années : «Tant que je suis utile, j'ai une raison de vivre. Un prêtre qui n'est pas utile, ne peut pas vivre. Tant qu'il est utile, il a un sens à sa vie...» [...] «Je voudrais mourir 5 minutes après que je ne serai plus utile ».
Né en 1934, à Montréal, il est devenu prêtre, en 1958, parce qu'il voulait être au service des autres. Seule la vie religieuse l'assurait de réaliser pleinement cette aspiration profonde, inscrite au fond de son âme.
Le fils de Juliette Martel et d'Eugène Dubuc, originaires de la banlieue montréalaise, jouit d'une intelligence au-dessus de la moyenne. C'est à l'école Plessis, institution scolaire dirigée par les frères des Écoles chrétiennes que débute sa longue montée. En 1999, dans un grand entretien pour le Revue Sainte Anne, il me racontait: « Mon frère est allé à la même école jusqu'en 9e année. Parce qu'il était premier de classe, il a obtenu une bourse pour étudier au Mont Saint-Louis. J'ai décidé que je ferais la même chose parce que j'étais premier de classe à tous les mois et à toutes les années. A la fin de la 6º année, j'ai dit à mon père: "Je ne veux pas aller au Mont Saint-Louis!" "Pourquoi?", répondit-il. "Parce que je veux devenir prêtre!"». [...] « Il voulait que j'aille étudier chez les Sulpiciens au Collège Mont-Royal parce qu'il avait lui-même étudié là. Je ne voulais pas aller à cet endroit, parce que des gars que je connaissais allaient là. Je n'aimais pas leurs styles. Cela ne convenait pas à mon image(!). Alors, il a trouvé le Collège Grasset, sur le boulevard Crémazie, donc très loin pour moi qui habitais rue Sherbrooke, face au parc Lafontaine».
Jean-Guy Dubuc était vraiment décidé et motivé. Il faisait 45 minutes de tramway matin et soir. Ses cours commençaient à 8h15 et finissaient à 18h, presque 7 jours par semaine. Les élèves de ce collège étaient libres les mardis et jeudis après-midi; le samedi, les cours finissaient à 18 h, et le dimanche, ils besognaient de 8 h 30 à midi. Il garde de très beaux souvenirs de cette époque.
Il vit au sein d'une famille unie où tout concourt au développement intellectuel. Son père était professeur à l'élémentaire et maître de chapelle (il dirigeait une chorale). Chez lui, il fallait chanter tous les soirs. Après le souper, ils allaient tous au salon et son père s'installait au piano.
À 16 ans, en quête d'autonomie, il commence à travailler. II achète ses habits pour le collège, paie ses études et ses sorties.
Prêtre catholique
Il est de la dernière grande vague de prêtres canadiens-français. À cette époque, la vocation presbytérale est synonyme de prestige. Dans sa classe de première année au Grand Séminaire de Montréal, ils sont 25 gars de Montréal et une centaine du Québec et d'ailleurs. La vie de séminariste et prêtre est valorisée. Tous portent la soutane et sont salués dans la rue. Le prêtre fait partie de l'élite de la société. Cela est inscrit dans les mœurs. Mais porter la soutane, ne lui plaisait guère. Dès qu’il a pu s’habiller en civil, il l’a fait.
Une histoire de soutane
Le cardinal Paul-Émile Léger n'aimait pas tellement voir son nouveau venu sans soutane et col romain. Il n'a pas manqué de le lui dire. Cependant, il a su respecter ce choix fondé sur quelques arguments valables.
Néanmoins, puisque le jeune abbé Jean-Guy Dubuc est brillant, président des étudiants de sa classe au Grand Séminaire et un peu marginal, son supérieur et archevêque de Montréal décide de le garder bien à la vue en le nommant vicaire à la cathédrale.
Jean-Guy Dubuc me racontait : «Lorsque je suis allé étudier en France et en Belgique et que je suis allé à Rome pour participer au Concile Vatican II, je ne portais pas de soutane et de col romain! Le Cardinal [Paul-Émile Léger] était mal à l'aise avec cela, mais je lui ai expliqué mon point de vue. Pour moi, le prêtre déguisé, c'est le prêtre de l'Ancien Testament, l'homme retiré du peuple. L'homme du Nouveau Testament, c'est l'homme dans le peuple qui est pêcheur ou comptable et qui vit dans son milieu». Le « prince de l’Église de Montréal » était un homme ouvert.
En Europe
Après avoir été vicaire, aumônier de l'aviation et aumônier diocésain de la Jeunesse étudiante catholique (JEC), il part, à la suggestion de l'ordinaire du diocèse de Montréal, poursuivre sa formation universitaire en Europe. Durant l'année 1961-1962, il étudie à l'Institut Lumen Vitae à Bruxelles, mais cela ne convient pas à ses attentes.
Après trois semaines, il rencontre le chanoine Philippe Delaye dont l'influence est grande en Belgique puisqu'il est prêtre et sénateur au gouvernement. Il est le représentant de l'Église au gouvernement et professeur à Rome et à l'Ille. Il conseille à Jean-Guy Dubuc d'aller étudier à l'Ille.
Il ajoute : «Comme j'étais lié à Lumen Vitae, j'ai décidé de faire les deux en même temps. Tous les matins, je partais à 7 h avec ma voiture pour deux heures de route. Après mes trois heures de cours à l'Ille, je prenais une bouchée, je rentrais et je prenais mes cours à Lumen Vitae. Le soir, j'étudiais. Le lendemain matin, je repartais. J'ai fait cela pendant une année ».
Participation au Concile Vatican II
En 1962, à la suggestion de Paul-Émile Léger, il laisse tomber l'offre de devenir aumônier des étudiants à Paris. Il opte plutôt pour une poursuite de ses études au doctorat à l'Université Grégorienne, à Rome, afin de suivre de près le Concile Vatican II et de se retrouver auprès du Cardinal et de ses deux collaborateurs.
Ce qu'il rencontre au Concile, c'est une Église contestataire, car il y avait de grandes oppositions. Les positions du cardinal Léger et du cardinal Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II n'allaient vraiment pas dans le même sens, surtout sur la notion même d' «Église»
Jean-Guy Dubuc commente, le sourire aux lèvres : «Heureusement que le cardinal Léger était un batailleur! J'ai appris au Concile qu'il est important d'affirmer ce que l'on croit et de prendre les moyens pour imposer sa volonté. Le Cardinal s'est vraiment imposé. Il a eu des interventions extrêmement importantes qui ont influencé l'Église d'aujourd'hui ».
Au Concile, l'ouverture de l'Église sur le monde était la préoccupation d'un certain nombre d'évêques et de théologiens, et c'était loin d'être l'opinion de plusieurs autres qui étaient encore liés à une Église extrêmement hiérarchique et extrêmement romaine, liée aux dicastères romains.
La décentralisation est apparue et, surtout, les notions «Église peuple de Dieu» et «sacerdoce au service du peuple de Dieu». L'idée d'un sacerdoce hiérarchique et dominant devenait dépassée. C'est là que Jean-Guy Dubuc s'est formé à l'idée que sa vie trouve un sens dans le service.
Comme dans une relecture de vie, il me lance : «Heureusement que j'ai fait un doctorat. Je ne pense pas que je serais resté prêtre si je n'avais pas eu l'occasion d'approfondir ma foi, parce que la théologie apprise au séminaire me rebellait. Il fallait apprendre des thèses, que nous ne comprenions pas, par cœur. Je comprends pourquoi tant de prêtres intellectuels ont décroché à cette époque: il y avait une opposition entre la foi et la raison».
À Rome, il a appris à raisonner sa foi. Il a vu qu'il est possible de ne pas être en accord et d'avoir le droit de se définir comme catholique et croyant. Il a aussi appris qu'il est possible d'être contestataire et prêtre. Tout cela l'a rassuré.
Retour au Canada
À son retour au Canada, en 1963, il devient professeur à l'Université de Montréal. Ses sujets: la catéchèse et le rapport foi et raison. Son discours devient: l'Évangile doit s'incarner dans la culture contemporaine.
En 1967, le cardinal Paul-Émile Léger lui demande de prendre la direction de l'Office des communications sociales et de la revue L'Église de Montréal, ainsi que de fonder un bureau de presse à l'archevêché. Tâches que Jean-Guy Dubuc accepte, tout en continuant son travail d'enseignant.
Culture de masse
Rapidement, on le sollicite pour l'animation hebdomadaire d'une heure à la télévision de Radio-Canada, trente minutes au réseau TVA et trente minutes à CKAC 730, la radio la plus populaire de l'époque.
Pendant que des confrères religieux s'intéressent à la technique médiatique, il s'intéresse au phénomène de la culture de masse. Il me racontait : «J'étais très préoccupé par cette culture populaire. Je vivais dans un monde qui avait une culture et la transmission de sa culture et, par ailleurs, j'étais dans une Église qui vivait une autre culture et qui était de plus en plus repliée sur elle-même parce qu'elle n'était pas capable de transmettre sa culture à l'intérieur d'une culture de masse qui s'imposait. C'est cela qui a créé la crise que l'Église traverse au Québec. Je trouvais cela dramatique parce que, de toute son histoire, l'Église a toujours trouvé le moyen de transmettre son message: martyrs, l'empire de Constantin, les empereurs de l'époque, les cathédrales du Moyen Age, les arts de la Renaissance...».
Selon lui, depuis 1960, et surtout depuis 1967, l'Église est incapable de transmettre son message par la culture contemporaine. Il trouve cela regrettable.
La Presse
En 1971, à la suggestion du pasteur de son diocèse, il passe au journalisme au quotidien La Presse. En 1973, il devient éditorialiste et, en 1983, éditorialiste en chef. En 1988, éditeur du quotidien La Voix de l'Est et, l'année suivante, éditeur du quotidien La Tribune. En 1993, il tire sa révérence de l'empire de Paul Desmarais.
Durant ces années, il garde toujours la même préoccupation, qui est de propager les valeurs de la vérité, de la justice, et de prendre parti pour les plus faibles et la défense de la vie.
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[1] Benoit Voyer. «Le silence des intellectuels chrétiens sur la place publique», Revue Sainte Anne, septembre 2001, page 349.