Très souvent, j'ai les larmes aux yeux quand les jeunes commencent à parler de leurs souffrances, de leur vécu. Je trouve cela extraordinaire! Je me dis, comme Thérèse de l'Enfant Jésus, « si j'étais passé par là, je serais derrière les barreaux », raconte André Dumont.
« Si j'étais passé par là, je serais derrière les barreaux »
-André Dumont
Ce père Oblat de Marie Immaculée qui a longtemps travaillé au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap et qui est reconnu même à l'étranger pour ses chansons spirituelles, dont « Jésus est vivant », exerce maintenant son ministère sacerdotal auprès des alcooliques et des toxicomanes à Montréal. Le religieux fondait, il y a 5 ans, l'Exode. II s'agit d'une maison de réinsertion sociale, un milieu de vie où l'individu peut réapprendre à vivre au cœur de la société.
« J'ai eu ma période de supposée "Star", dit-il. Cela m'a toujours un peu agacé. Je n'ai pas envie d'être ainsi. C'est le Christ qui est la "star"! J'aime mieux être sur le terrain auprès des pauvres. C'est ma joie! »
Cependant, il ne regrette rien de son travail à Cap-de-la-Madeleine, « Cela a été merveilleux! Je suis maintenant à une autre étape de ma vie », insiste le père Dumont.
Frédéric
Peu de temps après la visite du pape Jean-Paul II au Canada en 1984, sentant que la béatification du père Frédéric serait proche, il proposait à l'équipe du lieu de pèlerinage d'écrire un livre sur ce personnage.
Après avoir lu les lettres de Frédéric Jansoonne qu'il a dû sortir de la poussière, il a remarqué des traits forts chez le saint homme. Une de celles-ci, était d'aller vers les gens qui portaient des souffrances intérieures. Une similitude qui se retrouve, aussi, chez le fondateur des Oblats, Eugène de Mazenod.
Cette découverte inspirait l'auteur du livre « Le goût de Dieu » à écrire un chapitre sur le sujet des blessés de la vie.
Un téléphone
« Au moment d'écrire le livre, poursuit-il, je reçois un appel téléphonique, une espèce de cri de détresse, d'un jeune du nom de Pierre Forest. Il était à la maison Mélaric à Pointe-du-Lac (aujourd'hui déménagée à Carillon). Il me disait que le prêtre qui allait célébrer l'eucharistie chez eux était parti. Les gars trouvaient ça difficile. »
Il ajoute: « En partant, le prêtre qui venait nous a dit: "demandez à André Dumont, il est au Sanctuaire". La direction de Mélaric a dit à ce jeune qui est décédé d'une "overdose" deux ans plus tard, de trouver cet étrange personnage. Ces jeunes ne me connaissaient pas, car ils ne fréquentaient pas le Sanctuaire.»
Le religieux remercia l'offre faite et répondit que pour l'instant, il était débordé. Le jeune récidivait quelques jours plus tard. La réponse fut la même.
« La troisième fois, "y a été wise", il m'a dit: "Je sais que tu vas me dire non, alors ne me réponds pas. J'aimerais juste que tu viennes nous visiter, juste une petite fois pour que tu saches davantage qui on est. Après tu pourras dire non". C'est là qui m'a eu! » se souvient en souriant l'homme de Dieu.
Lors de sa visite du 3 septembre 1987, il fut très touché. Parmi ses surprises, un jeune lui demanda « un gros Pardon de Dieu ». « Je dois t'avouer que ça valait le déplacement! »
Les jeunes étaient enchantés par ce prêtre à l'allure un peu "rock-n-roll". Pendant trois ans, il fréquenta ce centre. Ce fut pour lui comme un noviciat.
L'Exode
Au 2575, rue Létourneux, c'est vraiment la dure réalité montréalaise. C'est ici que se retrouve le quartier le plus chaud de la métropole québécoise (Hochelaga-Maisonneuve). Près de la maison, il y a des centaines de piqueries.
Pour André Dumont, le choix du site est vraiment providentiel. C'est sa communauté qui lui a offert cette maison. C'est après qu'il a connu les réalités de l'arrondissement. Il ne pouvait y avoir meilleur lieu.
La congrégation oblate subventionne son apostolat, car l'oeuvre de l'Exode a peu d'argent pour des salaires.
Depuis le mois d'août, les Sœurs de la Providence se sont jointes à l'œuvre. Leur désir était de démarrer un volet pour les femmes aux prises avec les mêmes problemes.
L'Exode a maintenant pignon pour la gent féminine en réinsertion au 2819, rue Dandurand. L'ouverture officielle avait lieu le 1er octobre dernier.
Une chose est certaine: il est fier de cette nouvelle contribution qu'apportent les religieuses. Grâce à elles, l'Exode passe de 15 à 30 places pour des séjours prolongés.
Financièrement, il poursuit la mission grâce aux dons du public et l'appui minime des programmes gouvernementaux.
Difficultés
Au long de ces années, le père Dumont a vécu quelques périodes de découragement.
Ce sont les rechutes des gars qui me faisaient douter. C'est une maladie la toxicomanie! Une grande souffrance! Que de jeunes rechutent... On les reçoit emballés et souvent ils retombent... et retombent encore; ça fait mal ça! », confesse-t-il avec émotion.
Il ajoute: « Honnêtement, si je n'avais pas été appuyé par quelques succès, j'aurais laissé tomber. C’est un milieu très difficile ! C’est souvent après plusieurs séjours que le jeune s'en sort. »
Dans ses instants de doute, son jeune collègue, Erick Dagenais, lui rappelle l'histoire du Père Rio dans le Grand Nord.
Des cheveux gris utiles
Je suis un père de rechange pour plusieurs et des fois, même un grand-père. Je suis bien là-dedans! J'ai 56 ans!
Étonné de se faire interroger sur ce qu'est un véritable père pour lui, il répond: « C'est quelqu'un qui est capable d'écouter l'autre tel qu'il est et qui lui fait sentir qu'il est important. Quand quelqu'un vient s'asseoir dans mon bureau, il sait qu'il peut me dire n'importe quoi… »
Il se souvient d'un « gars » qui lui a confié avoir commis un meurtre. II le faisait pour la première fois. André Dumont terminait l'entretien en douceur par: « Est-ce que ça te tente de recevoir le Pardon de Dieu? Il t'aime et ne t'a jamais jugé là-dedans! » L'homme en fut transformé.
Il conclut: « Un père pour moi...c'est savoir écouter ces types-là: C'est d'être avec... sans juger. Ils ont besoin de mes cheveux blancs. »
Les livres « Le goût de Dieu » (André Dumont) et « Un vrai Inuk - la vie du père Rio » (Hervé Aubin) sont disponibles à la Librairie mariale, 626, rue Notre-Dame, Cap-de-la-Madeleine, G8T 4G9. (819) 374-2441
(Reportage de Benoit Voyer)
(Revue Notre-Dame du Cap, novembre 1995, p. 19 à 21)