Par Benoit Voyer
7 aout 2025
Dans les pages du magazine populaire Québec Rock de mai 1984, le journaliste Richard Sirois [1] n’est pas tendre à l’endroit du père Jean-Paul Regimbal et la campagne qu’il a initiée au Québec concernant les messages inversés dans la musique rock.
Dans l’article, on tente d’expliquer aux lecteurs de quoi il s’agit. Bien entendu, tout au long du texte on sent un certain scepticisme et du sarcasme chez le reporter qui, on ne s’en cache pas, s’adresse à un jeune auditoire adepte du genre musical dont il est question.
Il rapporte les propos du Dr Normand Rainville, de Granby, d’Urbain Blanchette, musicologue à l’Université Laval, à Québec, d’Alain Lamothe qui a écrit un livre sur le sujet, d’une certaine sœur Dolores qui habite l’Abitibi et de Maryse Azzaria de l’Association des Consommateurs du Québec (ACQ).
Ainsi donc, a mots à peine voilés, il insinue qu’on mène une nouvelle chasse aux sorcières. Selon lui, la campagne serait partie chez une certaine droite religieuse américaine dont il nomme quelques artisans et que celle-ci s’est rendue jusqu’au Québec, particulièrement par l’intermédiaire du religieux de Granby.
Richard Sirois raconte notamment un événement qui a eu lieu à Fort-Coulonge, municipalité située à 100 km au nord d’Ottawa, près de Pembrooke, du côté québécois : « En novembre 1983, une religieuse fut invitée par la gérante de la station communautaire de l’endroit (CH1P-FM) à « éliminer » les disques contenant des messages soi-disant « sataniques ». Une douzaine d'albums furent fracassés avant que les autres employés de la station aient pu intervenir. Sœur Dolorès (la religieuse en question) affirme avoir fait « son choix de disques » à partir de deux livres écrits sur le sujet: « Le rock'n’roll: viol de la conscience par les messages subliminaux », du père Jean-Paul Regimbal, et « La musique rock: divertissement ou medium...? » d’Alain Lamothe. L’incident a fait beaucoup de bruit, entraînant même la démission de la gérante. Actuellement, un groupe de pression veut empêcher la diffusion sur les ondes de certains albums rock. John Evans, gérant « par intérim » croit que cela créerait un dangereux précédent. Il me confirme cependant que « le conseil d’administration est disposé à entendre des objections publiques concernant la diffusion de musique rock si quelqu’un organise une rencontre. »
Plus loin, il ajoute : « Au Québec, le phénomène prend de l'ampleur depuis la parution du livre « Le rock’n’roll, viol de la conscience par les messages subliminaux » du Père Jean-Paul Regimbal. Ce petit bouquin de 62 pages est rempli d’interprétations douteuses, d’exagérations et de faussetés. On y apprend, entre autres, que « l’étude de 18 cas de suicides survenus dans la région de Montréal-Granby-Québec en moins d’un an chez des jeunes de 15 à 21 ans, a démontré que la seule constante repérable en tous ces cas était le facteur musical du rock’n’roll ». (…)
Et dans son conclusion, il remet en doute toute cette histoire : « Tout ne tient donc qu’à un fil, et il est bien mince, car encore aujourd’hui « il n’existe aucune preuve scientifique démontrant que le backward masking process ou messages subliminaux inversés puissent avoir une portée quelconque. Imaginez-vous qu’en plus d’être imperceptibles... ils sont à l’envers! »
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[1] Richard Sirois, en collaboration avec Chantal Francke. Rock possédé du démon, Québec Rock, mai 1984, pp. 42 à 45