IL FAIT TOUJOURS BEAU: Julien Clerc (R)


PAROLE ET VIE animée par Roland Leclerc No 15 (1994)


Émission de télévision Parole et Vie animée par Roland Leclerc No 15 (1994)

 Au programme: 
1- La chronique biblique de Bertrand Ouellet: Le mot Sacrifice; 
2-Chantal Boisclair, mère monoparentale; 
3-Mgr Gilles Lussier, évêque de Joliette; 
4- Les fondements du renouveau charismatique du père Jean-Paul Regimbal avec Thérèse Corriveau et Marcel Boisvert; 
5-Les Recluses missionnaires chantent; 
6- Benoit Voyer s'entretient avec Jeannine Ouellet: Les femmes dans l'antiquité; 
7- Le Projet avenir au diocèse de Saint-Jean Longueuil avec Isabelle Brosseau; 
8- La chronique Entre deux âges animée par Yvon Cousineau. Est-ce qu'il a un livre qui vous a marqué? 
9- Chronique sur les rayons avec Gilles Leblanc. Suggestion de vidéos. 
10-Thérèse Miron livre une réflexion: Vivre dans le passé... 
11- La comédienne Élisabeth Lesieur lit un extrait de la bible.

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Tiré de: P049 Parole et Vie Ep 15 (Fonds Benoit Voyer) 
Société d'histoire de la Haute-Yamaska, à Granby

NATURE: Le Centre d'interprétation de la nature du Lac Boivin, a Granby


Le Centre d'interprétation de la nature du Lac Boivin, a Granby

PAROLE DE Fernando Ocariz


LE MOT DU JOUR: Messe aux intentions de Joseph Beaulieu


20231215 Messe aux intentions de Joseph Beaulieu

MOT DU JOUR: Messe aux intentions de Dorilda Garneau


20231215 SUR LA ROUTE - Messe aux intentions de Dorilda Garneau a Ste-Julienne

LE PRÉSENT DU PASSÉ: Le curé des pauvres

Le curé des pauvres

Même s'il n'est pas prêtre, Norman Dunn est surnommé « le curé des pauvres » Depuis 1985, il cherche des moyens pour venir en aide aux nécessiteux de la société. Il est directeur général de S.O.S. Dépannage et de moisson Granby, le plus important organisme sans but lucratif de la région granbyenne.

Norman Dunn est né de l'union maritale d'une Canadienne-française et d'un Irlandais, à l'hôpital Saint-Joseph de Granby (devenu le Centre hospitalier de

Granby), le 24 juillet 1956. Le couple qui a élu domicile sur la rue Roy, située dans la nouvelle paroisse Saint-Joseph de Granby (fondée en 1948 par l'abbé Joseph Poitevin), aura 6 enfants (4 filles et 2 garçons). Il est le 4e de cette lignée de marmots. Son père est copropriétaire d'un magasin de meubles à Cowansville, une municipalité située à 20 minutes de route de la maison familiale de Granby. « Nous étions assez privilégiés, car nous avions des loisirs : nous faisions du ski alpin et du camping. Nous étions une famille active », se souvient-il.

Enfance -adolescence
Norman Dunn est élevé avec des filles parce que son frère aîné a presque dix ans de plus que lui. À l'école, il est un élève médiocre. «J'étais toujours dans les derniers. Je ne performais pas dans les examens. Je n'avais pas beaucoup d'intérêts pour le milieu scolaire. J'étais plutôt attiré par les pièces de théâtre, les chorales à l'église et à monter des "patentes" dans le domaine artistique», raconte-il. À l'église, comme plusieurs jeunes de son époque, il est servant auprès du curé-fondateur de sa paroisse. Au primaire, il fréquente l'école francophone et, au second cycle, l'école anglophone. En secondaire IV, il décroche.

Le malaise qu'il vit à ce moment, il ne réussissait guère à l'identifier. Un profond vide intérieur ne cessait de le poursuivre. À quatorze ans, il commence à consommer de la drogue. Une dépendance à l'alcool apparaît de manière sournoise. «Au début, tu penses que c'est juste pour le plaisir», insiste M.Dunn. Malgré sa délinquance, il travaille. Il paie tout bonnement ce dont il a besoin pour sa consommation.

Devenir prêtre
«Très jeune, je sentais que j'avais un appel à devenir prêtre. J'ai toujours rejeté cela. A 25 ans, malgré que j'étais sur la "rumba", j'ai décidé de faire une démarche pour répondre à la petite voix qui parlait à l'intérieur de moi depuis mon enfance. J'ai refusé de répondre à l'appel. C'est à ce moment que je me suis vraiment enfoncé dans la délinquance», se rappelle-t-il en fouillant dans sa mémoire.

Recherche spirituelle
Pendant deux ans, il continue sa recherche intérieure en se promenant dans divers groupes religieux et Églises protestantes (Église Baptiste, Église Pentecôtiste, Témoins de Jéhovah, etc.). Sa course finit par s'arrêter au monastère des Trinitaires de Granby, au sein du renouveau charismatique catholique, initié par le père Jean-Paul Regimbal, décédé en septembre 1988.

«C'est l'Esprit saint que je cherchais. Je voulais le sentir. Dans l'Église catholique, je ne le sentais pas! Je n'y ressentais pas ce que je ressentais ailleurs», dit l'homme de 42 ans.

«Ce mouvement m'a nourri et détruit à la fois. Autant il me faisait du bien, autant il me perturbait. Je suis un extrémiste : j'aime ou j'aime pas ! Lorsque j'embarque, j'embarque "foule pin" ! Je ne suis pas un "yes man" ! Je n'achète pas n'importe quoi ! Au début, j'étais comme emballé ! Par la suite, j'ai commencé à me questionner et à me poser des questions. Les réponses que je recevais ne faisaient pas mon affaire. Ce n'est pas parce que les Charismatiques avaient tort ! C'est simplement à cause de mon cheminement personnel», ajoute- t-il. Pour être honnête avec lui-même il a abandonné le groupe d'inspiration charismatique.

Il ne regrette rien. Il est convaincu que tous les gestes qu'il a posés font de lui ce qu'il est devenu aujourd'hui. Il n'est pas en accord avec ceux qui disent «Ha ! Ça n'a rien donné ce que j'ai fait !» Pour lui, chaque geste et chaque journée que nous vivons a une importance. On ne recule jamais dans la vie.

Malgré les débordements parfois exagérés et les excès de pouvoir de certains leaders de ce mouvement, il convient que c'est là que sa foi en Dieu a grandi et que sa crainte d'un Dieu sévère est disparue. Dieu est devenu pour lui un partenaire de vie.

Un tournant radical
Au moment où sa vie prend une nouvelle direction, il est soudeur. Il occupe un second emploi dans le milieu de la restauration. Il réussit à trouver des temps libres pour s'impliquer quelques heures par semaine au Centre de bénévolat de Granby.

Il finit par abandonner radicalement ses dépendances à la drogue et à l'alcool grâce à une désintoxication, au mouvement des Alcooliques anonymes, et surtout, à Dieu.

«J'ai fait une promesse à mon Dieu. Je me suis abandonné entre ses mains en lui disant "que ta volonté soit faite ... Montre-moi quelque chose qui va faire que vais décrocher".»

Le 29 septembre 1985, il est convoqué à une entrevue au Centre de bénévolat de Granby pour occuper un emploi temporaire au Carrefour d'entraide, un service d'aide alimentaire mis sur pied par l'institution. Il est engagé pour trois ou quatre ans, le temps que le niveau de pauvreté descende dans la petite localité.

«J'ai senti qu'une porte s'ouvrait dans ma vie. Je savais intérieurement que c'était un changement radical qui m'attendait. Et puis, c'est là que j'ai fait une promesse à mon Dieu : "Si j'ai c'te job là, je ne touche plus à rien ! » Raconte-t-il avec sa diction à la québécoise. Le lendemain, il reçoit une réponse positive

Les seules conditions exigées par la directrice du Centre de bénévolat étaient qu'il se consacre à temps complet à cette mission (5 jours par semaine), qu'il laisse ses autres emplois, qu'il retourne sur les bancs d'école pour compléter jusqu'à la 5e année du secondaire et qu'il prenne des cours en intervention. Le salaire :132$ par semaine. C'était bien loin des 550$ qu'il récoltait

«J'ai laissé mes deux emplois et "mon gang de tripeux". Je pensais que je me mettais dans la misère, mais j'avais foi en Dieu. J'avais 29 ans», confie Norman Dunn. Il était assuré que c'était là la réponse à sa prière.

Éducation à la pauvreté

C'est vraiment un nouveau départ dans sa vie. Le milieu communautaire, la pauvreté et les femmes ont fait son éducation. Il goûte à la vraie misère. Son adaptation est difficile. Il goûte aux résultats de la crise économique de 1982. Il aide jusqu'à 1500 personnes par année. Il est rapidement attristé de constater que les plus pauvres de la société sont les plus vulnérables aux problèmes psychologiques et à créer des dépendances à l'alcool, à la drogue ou aux médicaments

Il est aussi confronté à la violence verbale, psychologique et physique qui vient de ce milieu. Pourtant, il savait que cela l'attendait tôt ou tard. Avant son embauche, deux jeunes femmes ont occupé son poste et quitté au bout de trois mois à cause de cette difficulté. La deuxième sortait tout droit de l'université et était une véritable intervenante, mais elle n'a pas réussi.

Durant sa première année de service, il est seul. Il n'a aucun bénévole pour l'aider. Les demandes d'aide ne cessent d'augmenter. Le Carrefour d'entraide est devenu un trop gros service pour demeurer au Centre de bénévolat de Granby.

Dieu est bon. La Providence met dans le cœur d'un homme la pensée de laisser un montant d'argent au Centre de bénévolat au moment de son décès.

Naissance de S.O.S.dépannage
En 1987, l'œuvre reçoit un legs testamentaire de 90 000$. Il est tout de suite remis au Carrefour d'entraide pour la création d'une corporation sans but lucratif autonome. Tout arrive au bon moment. Norman Dunn lance S.O.S. Dépannage et donne le titre de fondateur à ce monsieur généreux qui ne savait même pas que son don servirait à la création du plus gros service communautaire de la région de Granby.

Cheminement vocationnel
À 37 ans, Norman Dunn refait un cheminement vocationnel pour vérifier une fois pour toute cette petite voix qui ne cesse de le poursuivre. Il rencontre à plusieurs reprises Yvon Alix de la pastorale des vocations du diocèse de Saint-Hyacinthe

Les paroles de ce prêtre finissent par mettre la paix en lui. Il n'a aucune indication d'une véritable vocation presbytérale. L'abbé Alix lui suggère de se donner à fond à S.O.S. Dépannage, car c'est dans ce genre de ministère que Dieu le rendra vraiment heureux et qu'il s'épanouira.

Un travail colossal
Aujourd'hui, l'œuvre que le vaillant gaillard dirige comprend 40 bénévoles et vient en aide à un peu plus de 10 000 personnes par année dont la moitié sont des enfants. Il forme des travailleurs sociaux avec le milieu universitaire. Il reçoit des subventions pour réintégrer dans la société des personnes prestataires de la Sécurité du revenu du Québec. Il fonde Moisson Granby qui distribue de la nourriture à 47 organismes communautaires (cuisines collectives, centres d'hébergement pour les femmes victimes de violence et pour les hommes en crise, etc.). Il récupère de 300 à 400 tonnes de nourritures par année qui pourraient se chiffrer à un demi-million de dollars. Durant la crise du verglas (janvier 1998), il pilote le centre de distribution alimentaire qui vient en aide à toute la population de la région de Granby. Ce fut une tâche gigantesque.

En mai 1998 (trois mois après le verglas), il est épuisé et donne sa démission. Le conseil d'administration de S.O.S. Dépannage, dirigé par Jean Rainville, un animateur de pastorale au secondaire, refuse. Il lui donne un congé payé de trois mois pour qu'il puisse se reposer et réfléchir. «Je prenais tout sur mes épaules» explique-t-il. «Aujourd'hui, ce n'est plus ma cause. C'est la cause de la société.»

L'Église catholique et la pauvreté
«Je dois avouer honnêtement que j'ai plus d'aide des Églises protestantes que de l'Église catholique. Ha ! J'ai eu quelques coups de main de curés de Granby, mais l'Église catholique est peu impliquée. Je sens même un peu de désintéressement », dit-il sans se cacher. Cependant, il loue l'initiative de la paroisse Notre-Dame-de-Granby qui a mis sur pied Partage Notre-Dame (un reportage sera publié prochainement dans la Revue Sainte Anne), une tablée populaire pour les nécessiteux.

Il refuse maintenant l'étiquette de «curé des pauvres» qui lui est donnée depuis 1985. Il a appris à faire une coupure entre son travail et sa vie personnelle afin de pouvoir se ressourcer intérieurement et physiquement.

Benoît Voyer

(Revue Sainte Anne, mars 1999, pages 103 et 142)