MON HISTOIRE: Un enfant solitaire
![]() |
| Le parc Horner a un peu changé au fil des ans. La grande glissoire de bois et la cabane des moniteurs n'existent plus. Par contre, la piscine est toujours la. |
Un enfant solitaire
Par Benoit Voyer
27 novembre 2025
Je suis un enfant solitaire, introverti, de nature sensible, je me sens facilement de trop et mes intérêts sont un peu différents des enfants de mon âge. À l’âge préscolaire, je sens déjà ma différence. À 4 ans, je m’isole beaucoup.
Les 11 ans, 9 ans et 5 ans d’écart avec mes frères et ma sœur se font sentir. À leur âge, ils n’ont pas les mêmes préoccupations que moi.
On visite un peu les quelques cousins et les cousines de mon âge, mais ils habitent loin. Lorsqu’on se voit, ils sont heureux de me rencontrer, on passe un peu de temps ensemble, mais je finis souvent seul dans mon coin.
Jusqu’à ma rentrée à la maternelle, je n’ai pratiquement pas d’amis. Mon réseau se limite à ma famille immédiate, à quelques fréquentations occasionnelles de cousins et à quelques gamins qui habitent très près de la maison.
En revanche, ma solitude d’enfant est constructive. Je ne m’ennuie jamais. Il y a un univers fertile en moi et je suis curieux.
À l’été 1971, je fréquente le parc Horner, situé au coin des rues Laval et Horner.
Chaque matin, je prends l’autobus au coin des rues Saint-Urbain et Saint-François. Le service des loisirs de la municipalité assure le transport des enfants. À bord, les enfants chantent et disent souvent en chœur une comptine apprise par cœur : « Les filles les guenilles, les gars les soldats ! » Ils répètent et répètent en boucle cette ritournelle sexiste jusqu'à ce qu'elle soit imprégnée au fond d'eux.[1] Les gars trouvaient ça bien drôle.
À l'époque, ils n'avaient pas tort de s'exprimer ainsi. La société tolérait ce genre de slogans. C’était dans les mœurs. « La loi anglaise du XIXᵉ siècle autorisait [le] mari de battre sa femme avec un bâton pas plus large que son pouce. »[2] Il ne se sentait jamais coupable, car ces coups étaient normalisés par la société.
Au parc, je me mêle peu aux autres enfants. Je n’aime pas beaucoup cette activité. Je m’amuse, mais en solitaire. Socialiser avec tous ces enfants que je ne connais pas est difficile pour moi.
À la fin de l’été, je gagnerai un prix puisque je me suis illustré comme étant l’enfant qui s’amuse le plus en solitaire. Mon prix est une chaudière avec une pelle pour jouer dans le sable, tous deux en plastique. Malgré ce prix, j’ai un secret. Je rêve de ne pas être obligé de revenir en ce lieu l’été suivant. Tant qu’à être seul ici, j’aurais aimé mieux jouer autour de la maison familiale.
[1] Benoit Voyer. "Violence faite aux femmes", Revue
Sainte Anne, Octobre 1996, pages 392 et 393. https://benoitvoyerenliberte.blogspot.com/2025/11/cetait-le-present-du-passe-violence.html
[2]
Gouvernement du Québec. Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale - Politique
d’intervention en matière de violence conjugale, Gouvernement du Québec, 1995. P.
22 https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2000/00-807/95-842.pdf
C'ÉTAIT LE PRÉSENT DU PASSÉ: «Cette intense solitude m'a rapproché de Dieu»
-Jean-Marie Jodoin
«J'ai traversé la plus longue enquête de la Commission de police du Québec. Durant 10 ans, j'ai été très seul. Quand tu vis une situation comme celle-là et que tu es patron, il n'y a personne autour de toi. Tu dois porter le chapeau et marcher avec ça. Cette intense solitude m'a rapproché de Dieu. Cela m'a permis de le voir et de le sentir. Quand tu arrives devant un vide et que tu penses que tu es seul, c'est là que tu commences à découvrir qu'à l'intérieur de toi, il y a quelqu'un qui te parle. Tu as moins peur, car tu n'es plus seul», confie Jean-Marie Jodoin, directeur de la police de Cap-de-la-Madeleine et conseiller spirituel de l'Association des policiers et des pompiers du Québec.
Cette opération policière concernait une série d'abus de pouvoir de l'ex-lieutenant responsable des enquêtes de Cap-de-la-Madeleine. Au moment où ceux-ci se sont produites, monsieur Jodoin ne pouvait pas intervenir, parce que le fautif était son égal au sein de l'organisation. Le lieutenant Jodoin est, finalement, nommé directeur de la boîte. Rapidement, il fait des mises en garde à cet homme devenu son employé.
«Il a fait une erreur et de celle-ci a découlé la divulgation de 75 autres dossiers d'abus de pouvoir. Il a fallu apporter des preuves à chacune des accusations et déposer ça à la Commission. Il a été congédié après 10 ans d'enquêtes et de procédures», indique ce père de garçons de 26 et 30 ans.
Toutes ces années au service de la police madelinoise ont été difficiles pour lui. Plus sa douleur était intense, plus il s'approchait de Dieu.
«Quand un chien se blesse, il s'en va dans sa niche et lèche sa plaie. Quand elle est guérie, il sort. Quand je m'en allais dans ma niche, j'allais vers Dieu pour faire lécher ma plaie. J'allais chercher un peu de compréhension en lui», ajoute l'homme de 53 ans dont l'épouse se prénomme Micheline.
C'est ce chemin de souffrance qui le conduit à l'ordination au diaconat permanent, le 6 décembre 1992. Dans cette grande célébration qui avait lieu à la Basilique Notre-Dame-du-Cap, il se consacre définitivement au service de Dieu, de l'Église et du peuple des rachetés.
Au service
Il considère qu'il a toujours été un gars de service. Il aurait pu opter pour un autre métier, mais il a choisi une carrière au service des gens. Le diaconat lui a simplement permis de confirmer ce choix.
«C'est la motivation de ma foi qui fait la différence. Je me suis dit : " J'ai envie de
me donner à Dieu et d'être capable de faire ça jusqu'à la fin de mes jours», lance-t-il.
Les rapports avec ses collègues de travail sont cordiaux et profonds. Son équipe n'a pas de difficultés à entrer en relation avec lui. Dès le départ, il ne s'est pas montré menaçant pour démontrer qu'il est un gars qui vit en état de service et non en état de domination.
Pour Jean-Marie Jodoin, il n'est pas question d'imposer la prière avant de commencer un quart de travail ou d'évangéliser ses collègues. Il veut simplement essayer d'agir en chrétien. Les agissements parlent plus que les paroles.
«Lorsqu'un fervent des Canadiens a perdu son match de hockey, son quotidien est influencé par cela. Ma première action en me levant le matin est d'ouvrir le "Prions en Église ". L'Évangile me transporte et m'inspire au fil de ma journée», explique ce directeur aux cheveux poivre et sel et aux yeux couleur du ciel.
Puisqu'il est diacre, son travail prend une dimension plus humaine. Il y a quelques jours, la conjointe d'un de ses collègues s'est suicidée. Tard le soir, il a été informé par téléphone du drame. Rapidement, la procédure policière s'est mise en route. Il intervient rarement dans celle-ci, car ses officiers la connaissent bien.
«J'ai mis en marche mon côté chrétien en m'assurant, notamment, qu'il y ait de bonnes personnes - les meilleures - autour de lui dans les prochaines semaines», révèle-t-il.
«Il n'y avait pas que lui, bien des gars au poste m'ont confié ce que ça venait déranger à l'intérieur d'eux. Si j'étais un chef de police comme les autres, ces confidences n'existeraient pas. Le diaconat amène une nouvelle dimension à mes relations avec eux», conclut-il.
Benoît Voyer
(Revue Sainte Anne, novembre 1996, page 443)
S'abonner à :
Commentaires (Atom)


.jpg)

