POLITIQUE: Claude Ryan est mort comme il a vécu


Claude Ryan est mort comme il a vécu

Claude Ryan nous a quittés. Son ange est venu le chercher pour le conduire au royaume des bienheureux, ce grand univers de bonheur éternel auquel il croyait de toute son âme. Il n'est plus là, mais il est encore vivant. C'est bien le mot: vivant! Son œuvre et sa pensée passeront, mais sa contribution à l'avancement de notre société, le petit pas de plus qu'il lui a fait réaliser, le gardera toujours uni à notre présent collectif.

Dans une interview journalistique qu'il m'accordait en 1999, pour la Revue Sainte Anne (diffusée dans l'édition de janvier), il me confiait: «La mort... j'y pense presque à tous les jours. Vous savez à mon âge, on sait que ça viendra. J'aimerais avoir la grâce de mourir comme j'ai vécu, sans tricherie». Et ce qu'il a souhaité est arrivé.

Son départ est une lourde perte pour le Canada et le Québec. Il l'est aussi pour moi. Parmi tous ces personnages qui ont marqué notre époque, il était celui qui m'inspirait le plus. Bien que je n'étais pas toujours en accord avec lui, sa capacité de se mettre au service des autres et de ne pas se laisser envahir par la médiocrité m'a toujours impressionné. De plus, ses élans culturel et cultuel sont une grande source d'inspiration pour ma vie.

Je retiendrai toujours ce qu'il me disait de lui: «Je ne suis pas l'homme pour engager une révolution qui va casser les choses, qui va renverser les murailles. Je crois plutôt à la puissance du ruisseau qui, chaque jour, perce le rocher petit à petit. C'est long, je sais. Cela permet de travailler longtemps sans s'impatienter, sans devenir amer, sans condamner qui que ce soit. De plus, toute ma vie j'ai accompli mes devoirs sans effort. Je n'étais pas obligé de me « crinquer » le matin en me disant: aujourd'hui, il faut que tu fasses ton devoir. J'ai été heureux comme ça. Enfin, j'ai toujours aimé les valeurs qu'incarne à mes yeux le christianisme. J'ai essayé d'y demeurer fidèle à travers les engagements que j'ai connus. Je n'ai pas de mérite à avoir agi de la sorte».

Là où son ange est allé le conduire, il voit maintenant tout le bon grain qu'il a semé. En revoyant sa vie il doit assurément dire: «C'est le doigt de Dieu!» (Ex 8,15).

Benoit Voyer,
Granby

(La Voix de l’Est, 12 avril 2004, p. 18)