MONTRÉAL- «On ne dira jamais assez l'apport positif de l'affectivité stimulante, créatrice et génératrice d'énergies nouvelles dans les espaces sacrés de l'expérience spirituelle ou religieuse des humains de tous les temps. Pas d'amour d'un absolu possible s'il n'y a pas d'abord l'incarnation tangible de l'amour entre les humains», explique Yvon R.Théroux.
Selon Yvon R.Théroux, professeur au Collège André-Grasset et à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), ce besoin d'aimer et d'être aimé est fondamental pour les jeunes de 12 à 17 ans, comme le désir de trouver un sens à la vie. Les religions doivent en tenir compte
«Le travail est une nécessité pour tout humain afin qu'il se réalise pleinement… et le drame de nos sociétés actuelles, c'est de laisser dépérir la richesse la plus noble de nos ressources humaines et, conséquemment, de faire surgir des troubles sociaux, des environnements mortifères qui démotivent et démobilisent toute une jeunesse qui risque de se laisser emporter dans le pur désespoir», ajoute-t-il.
Un 3e besoin de base que l'adolescent ne semble pas trouver dans les grandes Églises est son besoin d'être reconnu pour ses réalisations et pour ses talents, ses capacités, ses réussites et ses performances. C'est vital! Il faut laisser une chance à l'éclosion de la personnalité.
Si les grandes religions sont désertées par tant de fidèles, n'est-ce pas à cause de l'oubli de l'essentiel? «L'humain réveille le meilleur de lui-même quand il mobilise le plus fort de ses énergies à construire, à aider, à réaliser divers projets, à aimer et à créer. Seulement après, aura-t-il le goût de chanter, de fêter, de danser, bref de prier dans son corps et par son corps, dans son cœur et par le cœur, dans son esprit et par l'esprit, car il aura contacté en lui ce qui est plus que lui», dit M. Théroux. Qu'importe l'âge, cela est important à retenir.
D'un extrême à l'autre
Il n'y a rien de nouveau sur ce point : l'adolescent est dans un processus identitaire. Ce n'est pas étonnant de le voir se joindre à un groupe d'appartenance (un gang) où il peut s'engager. Autant il ne respectera pas l'autorité parentale, autant il le fera dans ce lieu. Souvent, il se conformera de façon aveugle.
C'est un peu normal. Il prend sa valeur de soi chez les autres. Advenant qu'il ne soit pas bien perçu, il pourra aller jusqu'à songer au suicide et passer aux actes. Si le clan est fort et qu'il y trouve l'estime dont il a besoin, cela pourrait conduire au fondamentalisme, au racisme et au fanatisme. Il y a lieu pour les groupes religieux et politiques de ne pas abuser de cette période de l'existence humaine.
«La détresse psychologique, morale et spirituelle, comme à l'opposé le fanatisme politique et religieux, peuvent alors s'offrir comme des alternatives ou des portes de sortie pour les adolescents dont les besoins effectifs sont peu ou mal satisfaits », conclut Yvon R. Théroux.
Benoît Voyer
(Revue Sainte Anne, février 1997, page 55)
