Bien chère amie,
L’humain se civilise à coup de souffrances. Il entre
pleinement dans le mystère de l’amour en apprenant à descendre a sa source
infinie. Tant qu’il n’a pas touché sa vulnérabilité, c’est-à-dire a la vérité
de son être, il ne peut guère devenir un véritable humain. Et ce n’est que dans
la solitude qu’il se met à l’école de la vie.
C’est là qu’en est la réflexion sur la vie, sur ma vie.
Pour une vieille âme de trente-cinq ans, je pense être sur une bonne piste.
Cependant, ma conscience en est qu’à la maternelle de l’existence, car on ne
devient pleinement homme et femme qu’à la fin de ses jours. Ce n’est qu’à ce
moment que j’écrirai un chef-d’œuvre qui passera à la postérité. Comme tous les
écrivains je rêve d’allonger mes jours, en multipliant le nombre de mes mots et
en craignant la somme de mes maux.
En écrivant, je fais la cession gratuite de ce que je
possède. C’est l’émolument du lecteur! Ce sentiment que me procure l’écriture
ne s’exprime pas laconiquement, même s’il paraît parfois inepte.
En amour, l’écriture est le prolongement des yeux. Il
permet d’exprimer la tendresse. L’Amour a une telle faculté émissive! Tu veux
savoir qui tu es, regarde-toi dans les yeux de quelqu’un qui t’aime! L’écriture
a cette possibilité de transporter le lecteur dans les frissons inégalés de
l’amour, dans une pléthore d’émotions.
Quel trésor inégalé pour un écrivain! L’amour n’est pas
obsolescent. Jamais il ne se périme, jamais. Il est toujours jeune.
Ce métier nous choisit comme un homme choisit une femme.
C’est une passion, un coup de cœur inégalé. C’est elle qui s’est donné à moi et
qui m’a transmis sa vive jouissance charnelle.
Les articles que je rédige, tout comme le livre que je
prépare, me permettent d’être à l’image de Dieu. La diffusion d’une idée ou
d’un récit littéraire est une force diffuse comme la lumière, comme l’air. Elle
me permet d’exercer une forme d’ubiquité.
L’écriture me permet d’aller encore plus loin dans
l’expression de sentiments amoureux. Elle me donne la permission de juguler la
révolte, l’anxiété et l’angoisse que je porte en moi. Elle calme mes fortes
présomptions, mes inquiétudes… Et le ciel sait à quel point l’argent me rend
malade. C’est le seul véritable malaise que je porte. A force d’être si souvent
dans cet état, je crains toutes formes de maladies oncologiques.
Mon bonheur d’écrire et de communiquer n’est pas une veine
de cocu, de pendu. C’est un cadeau des grands esprits. J’en fais bonne fortune.
Il est une aubaine qui n’est pas donnée à tous.
La rédaction procure à mon esprit des périodes d’euphorie.
Lorsque je couche mes émotions et mes idées sur papier, je deviens épicurien,
j’épouse la religion des hédonistes. Avec elle, je m’éclate, je plane, je
jouis… Un véritable orgasme de l’âme et de l’esprit. Ce n’est rien d’une
félicité. C’est un ravissement. C’est l’Éden.
Je pense souvent à toi, ces jours-ci. Mon cœur est
assujetti par ton charisme. J’aimerais tant que soit levé le moratoire sur
notre histoire de tendresse. J’aime ton esprit judicieux, le charme de ton âme
et la volupté de ton corps. Mon premier étonnement a ton égard est toujours
bien vivant. Rien n’est mort. Je sens que ce sentiment est réciproque. Est-ce
que je me trompe? Est-ce que tu accepterais que nous reprenions route ensemble
vers un nous heureux?
Dans l’attente de ta lettre et du bonheur de te revoir dans
quelques jours. Je te prie de croire en l’expression sincère de mon aspiration,
nous.
Avec tendresse.
Benoit Voyer,
28 janvier 2002